L inspecteur Henry et le dernier câble
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L'inspecteur Henry et le dernier câble

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Description

Brève nouvelle aux accents policiers de Paul Bonnefoy, écrite dans le cadre d'un concours à la Cité des Sciences de Paris. Suite à l'annulation du concours, l'auteur a mis à disposition le texte sur son site internet. Une lecture très agréable !

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Publié le 09 septembre 2011
Nombre de lectures 148
Langue Français

Extrait

PAUL BONNEFOY L’inspecteur Henry et le dernier câble « La scène du crime, c’est en quelques sortes le théâtre d’évènements tragiques qui se sont déjà produits. En voilà de la métaphore lyrique ! Les figures de style sont du plus bel effet, parait-il, mais personnellement j'en doute… » Le lieutenant et le gardien du musée s'échangèrent un regard… Voilà que l'inspecteur parlait tout seul maintenant ? Ce dernier faisait son tour du cadavre comme d'autres au musée admirent des œuvres d'art, avec curiosité et fascination. La victime (car c'en était une assurément) devait avoir dans les 40 ans, une barbe bien peignée et l'œil vif, un caractère bien trempé et une subtile (c'est un euphémisme) tendance à la mégalomanie. Ajoutez à ça, un ego surdimensionné et une vision manichéenne de la justice, et vous obtenez l'inspecteur Henry. Quant au cadavre faisant précédemment l'objet de son étude minutieuse, à part le fait qu'il s'agissait d'une jeune fille visiblement morte par strangulation (un câble électrique autour du cou), il était encore non-identifié. Seul le lieu du crime avait été déterminé avec précision par l'intelligence service : un musée de l'industrie. Ils l’avaient lu sur le panneau d'entrée. Donc, nous avions l'inspecteur qui travaillait le corps au corps, tandis que son complice en étude ès meurtre, le lieutenant Coifils, jetait des coups d'œil intéressés vers les nombreux objets du musée. Il s'amusait à tenter de deviner l'usage des différentes pièces exposées dans la salle, ce qui, en l'absence d'étiquettes descriptives relevait du casse-tête chinois (ou du casse-noix tchèque). La salle, justement, était ceinte d'une grille couleur cuivre sur laquelle courraient des câbles anciens. L'effet était saisissant pour un être aussi bucolique que Coifils. Rien de naturel ici, nous étions même au-delà du minéral, dans le métallique. Dans un coin, des espèces de machines de Tesla posaient pour la postérité aux côtés d'instruments de verreries tous plus extravagants les uns que les autres. Le lieutenant fut tout particulièrement attiré par une drôle de pièce, visiblement une sorte de poulie à rotation sinusoïdale, dont trois leviers indépendants commandaient les orientations… Il se demandait vraiment à quoi pouvait servir ce... cette chose, et de quel esprit démiurge elle avait bien pu sortir. Il fut interrompu dans ses questionnements par le gardien qui lui fit signe que non, il fallait pas toucher. Pendant ce temps, l'inspecteur, tout à son étude, remarqua quelque chose dans la poche de la victime. - Lieutenant Coifils, vous pouvez m'aider s'il vous plait ? fit-il tout en s'accroupissant devant le corps. L'inspecteur demanda à son comparse de soulever légèrement le cadavre afin d'y extirper plus aisément l'objet. Admirant les policiers dans leurs œuvres, le gardien du musée se curait gracieusement le nez, déposant ses mickeys au vents aléatoires de la pièce. En voyant ça, le lieutenant Coifils se dit que les potes de l'INPS allaient avoir droit à quelques colles lors des analyses de terrain. - Le cadavre est rigide, cela ne fait pas très longtemps qu'elle est morte, moins de 24h vraisemblablement... remarqua l'inspecteur. Devant le regard hébété que lui lançait le gardien, l'inspecteur Henry se sentit obligé d'éclairer sa lanterne, éteinte depuis un bon bout d'temps. - Coifils, expliquez au monsieur… L’inspecteur Henry et le dernier câble 1 - La rigueur cadavérique (ou rigor mortis) est une perte d'élasticité des tissus et notamment des muscles, causée par la coagulation de la myosine, une protéine qui y est présente, récita religieusement le lieutenant, plus précisément, elle est due à l’arrêt des pompes ATPasiques (donc de l'approvisionnement des cellules en énergie) qui entraîne une accumulation des ions 2+calcium Ca dans le réticulum endoplasmique des cellules musculaires. Par le biais de cette altération et par la perte de l’étanchéité du réticulum endoplasmique, la concentration 2+cytoplasmique du Ca augmente. Des ponts entre les filaments d’actine et de myosine se forment alors, ce qui entraîne l'immobilisation du muscle. Elle débute normalement entre 3 et 4 heures après le décès (presque toujours au niveau de l’extrémité cervico-céphalique), atteint son intensité maximale entre 8 et 12 heures et se maintient ensuite entre 12 et 36 heures. La disparition de la rigidité est en rapport avec l’autolyse et la putréfaction qui détruisent la structure des filaments d’actine et de myosine ainsi que les liaisons qui les unissent. - Vous avez vu ça ? un vrai p'tit Wikipédia ! S'exclama l'inspecteur. Le gardien se gratta la tête et décida de s'éloigner un peu, se disant que ces gens n'étaient pas vraiment normaux. Il avait beau connaître là son heure de gloire (c'était lui qui avait découvert le cadavre), tout ça ne lui plaisait guère. Les morts, les vivants, ça lui parlait moins que toutes ces choses mécaniques qu'il gardait depuis bientôt quinze ans, dans son petit musée quasi chez lui. Tandis qu'il rêvassait de rouages et de circuits intégrés, du bruit se fit entendre dans le hall d'entrée. Bien que les policiers eussent bloqués les issues, ils laissaient passer le personnel du musée, dont le conservateur, qui arrivait à l'instant. Pendant ce temps, Coifils et Henry continuaient de faire les poches du macchabée… L’inspecteur en sortit un téléphone portable. Il le consulta, celui-ci étant toujours allumé. Il s'empressa de vérifier le dernier numéro composé. Henry lut les informations délivrées par l'appareil et se mit à phosphorer sévère. « Quelque chose ne colle pas » pensa-t-il très fort. Il fut interrompu dans sa réflexion par l'irruption du conservateur qui se présenta aux deux hommes. Pendant que Coifils se présentait à son tour, L'inspecteur Henry tenta de reproduire le numéro de téléphone sur son propre portable. - Ha, d'ici, vous ne risquez pas d'appeler grand monde… fit remarquer le conservateur. - Quoi ? fit Henry. Il jeta un coup d'œil à son téléphone : pas de réseau. - Et oui, poursuivit l'homme de musée, je ne sais pas si vous avez remarqué mais vous êtes ici dans une cage de Faraday. Ces pièces sont utilisées pour éviter les perturbations électromagnétiques sur les appareils d'analyse. - Une cage de Faraday, répéta évasivement l'inspecteur… Mais, la victime a téléphoné il y a 6 heures, attendez ça ne tient pas… A moins que… - Heu, à moins que quoi ? demanda le conservateur qui débarquait comme un cheveu sale sur une analyse MEB. - A moins que quelqu'un se soit servit du téléphone APRÈS sa mort et l'ai remis dans sa poche… Ce qui sous-entend que le cadavre aurait été DÉPLACÉ. - Ouah, comme vous êtes intelligent, fit Coifils à son supérieur. - N'est-ce pas, et encore, j'utilise pas tout mon cerveau. Vous le saviez, vous, qu'on utilisait que 10% de notre cerveau ? - Hum... - C'est parce qu’en fait not' cerveau est composé à majorité de cellules gliales, pas de neurones... Et les cellules gliales, ça sert, heu, on sait pas trop, mais vous voyez… « Ca y est, il est reparti » songea Coifils. L'inspecteur ne pouvait s'empêcher d'étaler sa science à tout bout d'champs. Mais Coifils avait l'habitude de mettre son cerveau en veille de temps à autre, quand l'inspecteur se croyait trop dans un concours de connaissances. C'est fou, ça d'ailleurs, la capacité de sélection du cerveau. Coifils était un monotâche, il ne pouvait L’inspecteur Henry et le dernier câble 2 guère se consacrer à plusieurs occupations à la fois, en tout cas, pas écouter Henry et réfléchir au fonctionnement de la poulie zarbi de tout à l'heure, alors ça non. Sortant de sa rêverie, il se remit progressivement en mode « écoute » et porta à nouveau attention à son acolyte. - ... De la masse cérébrale, c'est fou, non ? - Ah oui, pour sûr. Après cet échange, voyant que le temps passait vite, ils se remirent fissa au travail. Le lieutenant sortit son appareil photo, histoire d'avoir quelques souvenirs de cette histoire, tandis que l'inspecteur se mit à interroger le conservateur sur le fonctionnement du musée, les allers et venus et toutes ces sortes de choses. Le directeur du musée, un homme affable à la moustache bien peignée, se prêta facilement à l'exercice, ayant répété toute la journée pour l'occasion (mais ça je suis pas censé vous le dire). Coifils continua sa ronde dans la pièce attenante, qui était réservée à la domotique. La salle, qui baignait dans une pénombre naturelle, faisait penser à l'atelier d'un Gepetto des temps modernes. La lumière s'alluma progressivement à mesure que Coifils avançait dans la pièce. Il marchait à pas feutrés, quand il remarqua une silhouette dans un coin. A première vue, il s'agissait d'un mannequin d'enfant, du moins, c'est ce qu'il pensait quand celui-ci se mit à bouger. - Heu, qui c'est ? fit le lieutenant, visiblement étonné. La lumière devenait plus intense et Coifils pouvait dès lors visualiser l'individu. Quel étonnement ! Il s'agissait d'un petit robot qui lui faisait coucou. Sur son torse, on pouvait lire Massimo 3. - Ah, vous v'nez d'faire la connaissance de Massimo. Hello, Massimo ! fit le gardien, qui venait à la suite de Coifils. - HELLO, répondit l'androïde d'une voix métallique. Le lieutenant se gratta la tête devant l'objet, bluffant de vie. Il en avait entendu parler, mais pensait qu'il ne s'agissait là que de fantasmes de japonais avides de technologie, pas de réalité réelle. - Il est là pour 6 mois, en tournée mondiale, le Massimo, repris le gardien. Il n'y en a que trois comme lui. Vous savez qu'ils sont très adroits, ces petits, ils portent des charges, déplacent des objets, montent les marches...Ils peuvent même courir jusqu'à 6 km heures. - Et ils peuvent passer des coups d'fils ? hasarda le policier. - Ah... ça, je... Ils furent interrompus dans leur discussion par l'inspecteur Henry qui appela Coifils. Celui-ci, après avoir pris quelques photos de l'androïde, retourna dans la pièce précédente. A côté de l'inspecteur Henry et du conservateur, il y avait une jeune fille, visiblement cho
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