La carpe

Jean Marcel

Description

Que celui qui n'a rien à dire se taise afin de respecter celui qui écrit en silence

Informations

• Publié par: jeanmarcel
• Publié le: 22 juin 2012
• Nombre de lectures: 212
• Licence : En savoir +
  Paternité, pas d'utilisation commerciale, pas de modification
• Langue: Français

Extrait

La Carpe

Dans la vie les moments où l'on ferait mieux de se taire sont nombreux, pas aussi nombreux

que les instants où l'on reste muet alors que notre parole est nécessaire.

L'usage de la parole est un exercice difficile qui procure du plaisir parfois, des soucis

souvent, et l'on reste admiratif devant le silence reposant des utilisateurs du langage des

signes.

Pour le grand nombre, la langue est un muscle qui s'hypertrophie en s'agitant sans cesse.

Les phrases vides et les mots creux remplissent les conversations inutiles de ceux qui n'ont

rien à dire.

Les expressions toutes faîtes débordent des bouches empâtées des bavards en panne d'idées

qui sont fascinés par le son de leurs voix que personne n'écoute.

Les mots se télescopent dans des monologues croisés où chacun se parle à soi même.

Le prêt-à-penser descend d'un étage, passant de la mezzanine du cerveau à la salle à manger

pour se transformer en prêt-à-parler, outil indispensable de celui qui ressert toujours le

même plat au amateurs de discussions sans saveurs.

Le bavardage est devenu un sport national.

Les choses importantes sont banalisées quand des mètres cubes de salive s'évaporent pour

des broutilles dans le puits sans fond de causeries interminables.

Celui qui a quelque chose à dire s'abstient le plus souvent pour ne pas se faire remarquer.

Le dernier qui parle à toujours raison quand les ondes sonores générées par le premier se

sont affaiblies.

Il suffit de faire du bruit pour être entendu, le message est sans importance, qu'importe le

flacon pourvu qu'on ait l'ivresse de la cacophonie.

Les papotages téléphoniques déchirent le silence des endroits sacrés où le repos des oreilles

est indispensable.

La parole est prioritaire sur le respect dans l'hôpital bruyant comme un marché aux

poissons.

La paix du lecteur n'existe plus dans la bibliothèque pleines d'éclats de voix et

d'onomatopées étranges.

Celui qui discute toute la nuit ignore le voisin du dessous qui doit se lever de bonne heure

pour faire bouillir la marmite.

Le ronronnement du téléviseur captive les enfants qui deviendront autistes à force de subir,

aux heures des repas, des sons qu'ils ne digèrent plus.

La parole des parents résonne comme une cloche, pleine de mots tirés d'un livre que

personne n'a lu mais dont tout le monde dit le plus grand bien.

Ceux qui dirigent le Monde, conscients de l'importance de le communication, nous

abreuvent de discours écrits par un ordinateur qui trouve son inspiration dans le vide sidéral

de sa carte mémoire.

Le Futur appartient peut être à celui qui écrit le mot, qui savoure sa signification, qui

construit sa pensée par la réflexion, sans faire de bruit.

La Carpe est son animal favori...