La veuve muette
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Description

La veuve muette Je suis là, debout, droite, même raide, sans bouger, le regard le plus fixe possible, la tête légèrement baissée. J’essaie de contrôler ma respiration, de ne rien montrer, de ne rien laisser paraitre. Je n’en ai pas le droit. Ils sont tous là : la famille, les amis, les collègues, des gens que je connais, d’autres que je n’ai jamais vus, des anciens de l’université, des contacts professionnels que je ne croisais pas, et au milieu de tous, moi : l’amie-collègue, celle qui a toujours été là, derrière, dans l’ombre, les jours où tout allait bien et les autres, les jours gris voire noirs, les mauvais, toujours là.... Je ne me plains pas, je suis là parce que je le veux bien, et parce que lui aussi, il était là, toujours, dans les bons jours et dans les moins bons, toujours là…. Le temps est de circonstance, il pleut. C’est mieux. Le bruit de la pluie masque les sanglots, même discrets. Elle tombe sur les visages, se mêlant aux larmes. Les femmes de la famille sont fières, fermées, elles pleurent sans bruit. Sa mère, ses sœurs, sa femme, ses deux filles. Les hommes, pour une fois en retrait, les soutiennent discrètement. Ils ne pleurent pas, mais leur visage est sombre, muet. Marie-Christine L’Heureux, lettre d’adieu et autres nouvelles, la veuve muette La cérémonie est sobre. Peu de discours, peu de bruit, pas de musique, à l’image de celui que nous sommes tous venus saluer une dernière fois.

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Publié le 12 octobre 2013
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Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

 
La veuve muette 
   Je suis là, debout, droite, même raide, sans bouger, le regard le plus fixe possible, la tête légèrement baissée. J’ essaie de contrôler ma respiration, de ne rien montrer, de ne rien laisser paraitre. Je n’ en ai pas le droit. Ils sont tous là : la famille, les amis, les collègues, des gens que je connais, d’ autresque je n’ ai jamais vus, des anciens de l’ université, des contacts professionnels que je ne croisais pas, et au milieu de tous, moi :l’ amie-collègue, celle qui a toujours été là, derrière, dans l’ ombre, les jours où tout allait bien et les autres, les jours gris voire noirs, les mauvais, toujours là.... Je ne me plains pas, je suis là parce que je le veux bien, et parce que lui aussi, il était là, toujours, dans les bons jours et dans les moins bons, toujourslà… . Le temps est de circonstance, est mieux. Leil pleut. C’ bruit de la pluie masque les sanglots, même discrets. Elle tombe sur les visages, se mêlant aux larmes. Les femmes de la famille sont fières, fermées, elles pleurent sans bruit. Sa sœurs,mère, ses femme, sa d seseux filles. Les hommes, pour une fois en retrait, les soutiennent discrètement. Ils ne pleurent pas, mais leur visage est sombre, muet.
Marie- veuve muette la d’ adieu et autres nouvelles, lettreChristine L’ Heureux,  
La cérémonie est sobre. Peu de discours, peu de bruit, pas de musique, à l’ image de celui que nous sommes tous venus saluer une dernière fois. il était est pas qu’Ce n’triste, ou morbide. Il avait un humour extraordinaire, il maniait l’ esprit avec une grande facilité. C’ était un plaisir de discuter avec lui. J’ y passais des heures. Mais il n’ aimait pas les fioritures et il estimait qu’ il y avait des circonstances pour tout. Il adorait la musique, mais pas dans tous les moments de la vie. Sa famille étant comme lui, ça n’ a pas du être trop difficile de respecter ses volontés. Mais a-t-il eu seulement le temps de les formuler ? Moi qui le voyais tous les jours, je suis incapable de le dire. C’ est sans doute le seul sujet que nous n’ avons jamais abordé.  Je suis là, au milieu des autres, au milieu des amis. Sa femme m’aperçoit Elle sait que j’ ai toujourset se rapproche de moi.été là pour la soutenir et aujourd’ hui encore, c’ est vers moi qu’ elle se tourne. Depuis son arrivée, je sais que j’ai toujours été sa référence, quand elle cherchait à se faire quelques relations amicales. J’ avais dit que je le ferais,que je l’ accueillerais,et je l’ ai fait, même si ça m’ a couté énormément.  Elle me prend par la main et me ramène au sein du groupe familial, alors que tout le monde s’ installe autour du trou béant de la tombe. Elle pense bien faire, mais le regard de sa belle-mère en dit long sur ce qu’ elle en pense. Elle, elle sait. Elle a toujours su. Comment, je ne sais pas vraiment. Elle a un regard affuté sur tout et dès le premier jour où elle m’ a vu, je pense qu’ elle n’ asa mère a tout de suite compris,eu aucun doute. Si sa femme, elle, ne semble ne jamais rien avoir soupçonné. A moins que la seule parole de son mari lui suffisait. Je ne sais pas pourquoi j’ ai toujours considéré que lui seul, et peut être ses frères et son père, avaient cette mentalité droite et intègre. Je n’ ai jamais pensé que sa femme pouvait être comme lui et c’ est seulement aujourd’ hui que j’ y pense. 
Marie- la d’ adieu et autres nouvelles, lettreChristine L’ Heureux, veuve muette  
Confiante et respectueuse, lui suffit autrela parole de l’ sans doute, comme elle lui suffisait, à lui. A son contact, une part de moi aussi était devenue confiante. Confiante en lui, en sa parole. Presque confiante en certains autres aussi. Respectueuse, je l’ étais déjà, et avec lui, je l’ ai toujours été, même si souvent d’ autres élans bouillonnaient en moi. Je suis finalement reconnaissante à sa femmede m’ associer à la famille, même si cette position me mets dans une situation encore plus délicate. Au milieu des amis, je ne pouvais déjà pas vraiment me laisser aller à mon chagrin, mais au milieu de la famille, c’ est encore pire. Comment justifier que je sois aussi triste que ses frères et sœurs, plus atteinte que ses neveux, aussi déchirée que sa femme. Je n’ ai pas le droit de l’ être.  La cérémonie se déroule doucement, ponctuée de prières et de moments de recueillement. Je ne comprends pas tout. Dès que ce n’ est plus en français, je décroche. Je n’ ai jamais réussi à apprendre plus de trois mots dans sa langue toute. Qu’ importe, la famille parle français, y compris sa femme. Je ne me suis jamais sentie exclue. A chaque fois que je les ai rencontrés ils ont parlé ma langue,il le leur avait demandé, était pour lui la c’ moindre des politesses, et je leur en ai toujours été reconnaissante, à tous. Au moment de la mise en terre, sa femme s’ écroule, et je suis en première ligne pour la soutenir, la relever, l’ aider à aller jusqu’ à la sortie du cimetière. La famille a demandé que les obsèques se passent sans couronne ni condoléances. Uns par uns, tous les membres de l’ assistance s’ éloignent de la tombe. Les collègues, qui me savaient pour la plupart proche de lui mais pas tant que ça, me regardent passer Ils voientavec un peu d’ étonnement. bien que je suis triste, mais comment pourraient-ils savoir vraiment les émotions qui m’ étreignent. Marie- lettreChristine L’ Heureux, la d’ adieu et autres nouvelles, veuve muette  
 Après l’ enterrement,la famille a prévu un buffet froid dans une salle toute proche. Les funérailles étaient sans condoléances, mais la journée se déroule tout de même selon les traditions. Repas par petits groupes, en parlant du défunt, en évoquant les meilleurs moments avec avenir revisitant l’lui, en sans lui, en clamant son nom, en souhaitant son repos éternel. Moi,je m’ efforce de ne paraitre qu’ un peu affectée, j’ essaye de parler avec la voix la plus claire possible, la plus neutre, comme si je n’ avais perdu qu’ un collègue et un ami. Mais je me sens vide à l’ complètement intérieur, déchirée, chaque pas est un effort, chaque mot est pesé, calibré, pour qu’ il paraisse le plus naturel possible dans ces circonstances.J’ ai le souffle court, je me sens oppressée, incapable de respirer normalement, j’ ai un poids sur la poitrine, un gouffre dans l’ estomac, les intestinsqui se nouent. Je ne peux pas avaler quoi que ce soit, et pourtant, je ne peux pas non plus les offenser en ne prenant rien. Je me sens déchirée, tiraillée, écartelée, entre mes sentiments et ce que je peux en montrer, entre mon respect pour eux et mon envie de hurler que je ne veux pas passer la journée à parler d’ un homme qui n’ est plus là et qui nousmanque déjà, entre mon devoir de paraitre et le malaise effrayant qui est en moi.   Sa femme se tient à moi. Elle est venue me rechercher, au fond de la salle, où j’ avais réussi à m’ isoler plus ou moins, et elle m’ a ramenée au milieu du groupe principal. Il y a là la famille et quelques amis proches, et pour eux, je suis la collègue la plus importante, celle qui était la plus présente, et je dois leur parler de lui, leur dire ce qu’ il était, quel homme, quel collègue, quel Marie- veuve muette la d’ adieu et autres nouvelles, lettreChristine L’ Heureux,  
humanité il représentait. Je dois le faire, je dois leur dire, mais je sens que les mots n’ arriveront jamais à sortir de ma bouche. Alors je glisse hors de moi. Je me détache. Je ne le fais pas volontairement, c’ est comme si mon cerveau se disait qu’ il fallait couper le courant avant le court-circuit. J’ ai la tête comme dans du coton, je parle mais je m’ entends à peine, presque comme si je ne parlais pas de lui mais d’ une personne que je ne connais pas. l’ impressionJ’ ai droguée, mon d’ être cerveau est en pilote automatique, je ne gère plus vraiment la situation. Je vois les choses de l’ extérieur, comme dans un film, et je parle, j’ explique, je dis à tous ceux qui veulent l’ entendre qui il était.Je leur raconte les journées au travail, son attitude, son ouverture aux autres, ses qualités humaines, sa droiture, sa morale, sa façon de ne jamais faired’ écart, mais aussi son humour, son sens de la dérision, ses piques toujours très bien placées mais jamais agressives. En m’ entendant parler de lui, je me disun moment que j’ en fais trop, que j’ en dis trop. Tout le monde va finir par se dire que ça cache quelque chose. J’ évite le plus possible de croiser le regard de sa femme. Je n’ ai pas envie que des idées lui traversent l’ esprit, surtout aujourd’ hui. J’ évite aussi celui de sa mère, parce que elle, je sais qu’ elle a senti depuis longtemps les sentiments qui m’ animaient, et je ne veux pas lui confirmer quoique ce soit, même si je sais que ça ne changera rien. Je ne veux pas non plus qu’ elle puisse s’ imaginer que son fils ait pu un jour s’ écarter du droit chemin.   Le retour à la maison est difficile. Je me sens fatiguée, vidée, avec l’ impression d’ avoir couru un marathon, d’ avoir fait une Marie- veuve muette lettreChristine L’ Heureux, la d’ adieu et autres nouvelles,  
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compétition de plusieurs jours, d’ avoir été rouée de coups, d’ avoir porté des haltères, et je ne sais quoi encore. Mon corps est tout endolori, je serais j’incapable de dire où j’ ai mal, ai mal partout. Une fois couchée,je n’ arrive pas à m’ endormir, je me sens mal à l’ aiseverrouillée, mais peu à peu mes muscles se relâchent et je, réalise combien j’ étais tendue. Encore un peu, et je m’ effondre en larmes. Je me mets à pleurer, autorisetout mon chagrin s’ enfin à s’ exprimer. Je ne cherche même pas à me calmer. Je sais que je ne pourrai pas et que je ne dormirai pas de la nuit. Aucune importance, j’ en ai besoin. Les yeux complètement voilés de larmes, je me lève pour aller chercher une boite de mouchoirs en papier et une enveloppe de photos. Elles Nous sont peu nombreuses. n’ étions pas au travail pour nous prendre mutuellement en photo. Juste quelques unes, prises au détour d’ occasions diverses, avec mon téléphone portable est n’. Ce pas  eu envie, ai j’ maisdans mes habitudes, avant d’ aller à l’ enterrement,de les imprimer pour les regarder plus facilement. Je les contemple une à une, à travers mes larmes. Mes yeux coulent tous seuls, ma poitrine hoquette, ma respiration se coupe par moments, et je passe en revue toutes ces images d’ unevie qui était si belle. Une amie m’ avait dit un jour, en nous voyant ensemble, que nous formions un beau couple. Mais elle savait, comme moi, que ce n’ était pas possible. Je me suis longtemps demandée si de son côté, il avait jamais ressenti quelque chose avantde particulier pour moi, d’ avoir un jour la réponse. Un soir, après une longue journée de travail, il a laissé échapper que j’ avais tout de l’ épouse parfaite. En riant, je lui avais demandé s’ il comptait me caser avec quelqu’ un qu’ il connaissait, mais il avait détourné le regard et la conversation,
Marie-Christine L’ Heureux, lettre d’ adieu et autres nouvelles, la veuve muette  
un peu confus, sautant du coq à l’ âne, parlant sans structure, ce qui ne lui ressemblait absolument pas. Je n’ ai jamais su s’ il l’ avait fait exprès ou si cela lui avait échappé. Le connaissant et sachant la valeur qu’ accordait à il chaque mot, j’ en doute. Peut être n’ avait-il juste pas prévu que je relève sa remarque, ou que ça le troublerait à ce point, ou alors voulait-il que je sache, et me montrer à sa façon qu’ il savait.   Nos conversations ont toujours été dans le même esprit. Au début, j’ ignorais qu’ il était marié. A son arrivée dans le service, il est vite devenu la seule personne fiable et intéressante avec laquelle travailler. Nous sommes très vite devenus un binôme efficace et avons tout aussi vite concentré l’ attention des autres, leurs remarques à peine discrètes et leurs sous-entendus. Au bout de quelques jours, une semaine ou deux tout au plus, il a lâché, au milieu d’ une conversation, qu’ il avait une femme. Une sorte de porte s’ est fermée en moi à ce moment là, une barrière, qui s’ est dressée entre lui et moi. Mais toute mon énergie a été détournée pour ne rien laisser paraitre,et j’ ai fait mon possible pour ne pas modifier mon comportement. J’ ai réussi à maintenir mes habitudes avec lui, seul mon état d’ esprit avait changé, pas mon comportement, ou si peu. Aux yeux des autres, rien n’ a changé, personne n’ a rien vu. Aux siens, je suis persuadée qu’ il a senti la différence, qu’ il a perçule très léger recul, la petite mise en retrait et que c’ est comme ça qu’ il a compris. Dès lors, je nous ai senti comme une équipe gagnante fait, j’ ai en sorte de modifier mes horaires pour me trouver à travailler avec lui le plus souvent assisté sur des dossiers ai l’possible, je où il n’ avait pas nécessairement besoin de moi, mais jamais il ne Marie- la d’ adieu et autres nouvelles, lettreChristine L’ Heureux, veuve muette  
me l’ a dit, au contraire. Il a toujours apprécié de travailler avec moi. J’ étais presque devenue son assistante.Avec lui, j’ apprenais beaucoup, je progressais, je me sentais plus forte et plus compétente. Je me disais que je ne devais pas laisser mes actions être influencées par mes sentiments. J’ avais envie de rester le plus près possible de lui, même si ça devait rester professionnel. Je respectais son mariage et l’ image qu’ il en avait. J’ avais très clairement ente une cours d’ au jour, unndu ses propos, conversation,  ne voulait pas se ilcette remarque disant qu’ partager entre deux femmes, exactement comme je l’ avais évoqué quelques jours plus tôt en disant que je ne partageais pas et que je ne me partageais pas non plus.  Une de nos collègues était le témoin de tout. De la même origine que lui, j’ avais appris à comprendre comment elle fonctionnait. Nous étions proches toutes les deux, et la plupart de nos conversations portant sur nos vies privées se déroulaient entre nous trois. Elle était notre caution morale, notre chaperon. Sa présence me permettait de prendre un peu de recul vis-à-vis des propos échangés et je sentais, ou je savais, qu’ elle le rassurait.   Notre relation avait consensus unpris alors la forme d’ particulier. J’résolu de devenir son amie, la plus proche siavais possible, et celle de sa femme quand elle viendrait le rejoindre. Et c’ est ce que j’ ai fait. Je suis devenue la meilleure amie de l’ homme que j’ aurais voulu avoir pour mari. Je suis aussi devenue la meilleure amie de sa femme, dès le jour où elle est arrivée, et durantdes années, je l’ ai vu ou entendu au téléphone presque tous les jours.
Marie- veuve muette laChristine L’ Heureux, d’ adieu et autres nouvelles, lettre  
Durant un temps, il est allé travailler ailleurs. Les moqueries de mes collègues n’ ont sur le fait pas manqué de fuser, ricanant que j’ étais redevenue célibataire. A certains que je croyais plus fins que les autres, j’ ai essayé d’ expliquer qu’ il n’ y avait rien entre nous à par une amitié certaine et un respect total, mais personne n’ a rien voulu entendre. Pour tout le monde, un homme, même célibataire géographique, est avant tout un homme célibataire. Il peut à ce titre tout se permettre en l’ absence de sa femme. De l’ avis de tous, je n’ avais qu’ à me servir, et c’ était idiot de ma part de ne pas le faire.   Pendant toute la période où nous ne travaillions plus ensemble, le téléphone était le seul lien qui nous restait, et c’ était peu. Au début j’ ai essayé de me persuader que c’ était une bonne chose. Nous étions des anciens collègues normaux quis’ appelionsjuste un peu souvent. Mais en fait, nous avions besoin de nous entendre, de nous parler. Et puis il est parti en vacances, et j’ ai tenté de ne plus l’ appeler, pour ne pas le déranger. Encore un moyen de mettre de la distan il son retour, a qui n’ A servi à rien. maisce entre nous, changeait de nouveau d’ emploi et me demandait de venir le seconder. Ça a été la décision la plus rapide de ma vie, je pense : à peine le temps de le laisser finir sa proposition que je disais déjà oui. Ensuite, cela a été plus de quinze ans de travail conjoint, de succès et de galères communes, dont sa femme ignorait tout, occupée par sa maison puis ses enfants, et plus tard par son travail à mi-temps. Elle était sa moitié, celle qu’ il avait choisie pour partager sa vie familiale, mais j’ étais son double,celle qu’ il avait choisie pour sa vie professionnelle. Chacune à notre manière, nous avions une
Marie- la veuve muette lettre d’ adieu et autres nouvelles,Christine L’ Heureux,  
place similaire auprès de lui. Je le voyais plus qu’ elle durant l’ année, elle le voyait plus que moi au moment des vacances. Mais jamais nous ne coupions complètement le lien, ça nous était impossible.  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  Une semaine déjà que l’ enterrement a eu lieu. N’ ayant pas le droit de prendre un congé spécial, j’ ai posé des jours de vacances. Il n’ était pas possible pour moi de retourner travailler dès le lendemain. Et déjà aujourd’ hui, c’ est difficile. Tout le monde meregarde, tout le monde me sourit, avec un air désolé, mais personne n’ ose me parler de lui. On échange des banalités j’, et d’ ai un coup un aperçu de ce que sera désormais ma vie au travail. Mon binôme n’ est plus là. Jamais plus je n’ aurai une de ces conversations que nous avions régulièrement, sur n’ importe quel sujet, et qui nous permettait de passer du sérieux à la dérision en un quart de seconde. Personne n’ arrivait jamais à suivre nos échanges d’ un bout à l’ autre. Maintenant, plus personne n’ aura à se creuser la tête en se demandant ce que nous racontons. Je passe d’ un bureau à l’ autre pour faire mon travail mais je sens que c’ est mon corps qui travaille, pas ma tête. Mon esprit n’ arrive pas à se concentrer sur ce que je fais et à chaque coin de couloir ou chaque porte ouverte, j’ ai l’ impression que je vais le voir apparaitre. Je me surprends même à regarder ma montre en me disant qu’ il est en retard ou à surveiller mon portable pour voir si je n’ ai pas un message. J’ ai l’ impression que je vais devenir folle. 
Marie- la d’ adieu et autres nouvelles, lettreChristine L’ Heureux, veuve muette  
Mais je n’ en ai pas le droit. Je ne dois pas craquer. Je suis une professionnelle qui a perdu un collègue et qui doit continuer à travailler efficacement malgré tout.    Le soir est le seul moment où je peux laisser libre court à mon chagrin, appeler les quelques amis qui savaient, parce que je leur avais ilsdit ou qu’ avaient deviné, me laisser consoler et durant des heures au téléphone. Sa femme compte sur moi pour la soutenir, mais depuis qu’ il est parti, la ressemblance que son fils a avec lui m’ est devenue quasi insupportable. A chaque fois que ce gamin de 12 ans qui n’ y est pour rien et qui pleure son père meregarde, j’ ai l’ impression de le voir lui. Je connaissais cette ressemblance avant, mais tant qu’ il était là et que je ne voyais que très rarement ses enfants, cela n’ avait aucune importance. Maintenant, le simple fait d’ entendre sa femme au téléphone ou de voir ses enfants est une véritable torture.   J’ ai décidé de changer de travail, et par la même occasion, de changer de région. J’ étais bien là où je vivais, mais c’ est la seule solution pour ne plus rien voir qui me le rappelle. Sa femme a été surprise et très affectée de ma décision. Pour la rassurer, je lui ai dit qu’ elle pourrait venir me voir aux vacances et qu’ elle pouvait continuer à m’ appeler quand elle le voulait. Ça a eu l’ air de la calmer. Elle a peur et je le comprends, seule avec 3 enfants encore jeunes, ça n’ a rien de facile, mais je ne me sens pas le courage de la porter dans cette épreuve qu’ elle ne soupçonne pas que je partage avec elle. J’ ai besoin de me Marie- veuve muette la d’ adieu et autres nouvelles, lettreChristine L’ Heureux,  
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