U n en o u v e l l ed eB r u n oG a l En couverture, Vue du théâtre de Taormina, Une œuvre de Raoul Dufy
Le nuage de lOlympe _____________ En des temps immémoriaux, Zeus habitait lOlympe, un vaisseau gigantesque qui flottait dans lair immaculé, ancrée non loin de Phocée. Cette immense nef était la demeure des dieux, elle était grande comme dix terrains de football. Malheureusement, elle était visible des humains. Et, cest bien connu, les dieux doivent rester caché des mortels. Les dieux, seuls, doivent décider dapparaître aux hommes selon leur bon plaisir, mais jamais à leur insu. Le déluge était passé par-là depuis peu et avait vidé le ciel, pas un nuage, pas une fumée blanche dans un ciel dazur. Le niveau des mers ayant considérablement monté, ne pointaient hors de leau que quelques sommets. Zeus avait à lépoque fort à faire avec les immortels qui peuplaient lOlympe, ceux-ci se plaignaient de ne pouvoir contempler la terre en se penchant au bastingage sans être vu des mortels. Ces immortels devenus irascibles ne pouvaient plus supporter une telle prison dorée pour léternité. Zeus eut une idée, lorsquun matin dhiver de la buée sortit de sa bouche et vint entourer sa main jusquà la dissimuler. Zeus vit toute létendue deau qui entourait Phocée et se dit quil suffisait den prélever un peu sous forme de vapeur pour cacher lOlympe aux mortels. Pour produire de la vapeur, il fallait une source de chaleur. Zeus envoya Hermès, le dieu messager, quérir Héphaïstos, le dieu du feu. Zeus lui demanda de créer une roche chauffante alimentée par de profondes galeries. Ainsi fut créé la montagne du Garlaban qui ne produit plus de chaleur aujourdhui, mais dont la mémoire des antiques alambics ses perpétuée dans le nom dun des plus célèbres marcs de Provence. Le Garlaban produisait alors par les pores de sa roche brûlante de la vapeur deau tel une colonne de refroidissement. Les Phocéens qui vivaient en bas saccaparèrent vite une partie de cette source de vie sans aucune offrande en retour. Malheureusement, dès quun coup de mistral se levait, le vent emportait le nuage, et lOlympe apparaissait alors dans le ciel. Zeus, irrité par le manque de fiabilité dun tel dispositif et surtout par lingratitude de ces phocéens, décida quen contrepartie des bienfaits de la montagne fumante, les mortels devaient bâtir une immense cheminée pour diriger la vapeur exactement sous lOlympe.
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Comment faire bâtir par ces phocéens rétifs un tel monument ? Comment se faire obéir de tels mortels qui se fichent éperdument de ses foudres ? Zeus y perdant son grec, demanda conseil auprès de sa femme Héra, laquelle nétait pas en manque didées tordues. Héra dit à Zeus : - Ceshommes sont curieux comme des pies car ils passent leur temps la tête en lair pour deviner ce qui se passe sur lOlympe. Je vais inspirer leur oracleen ce sens : Celui qui parviendra à se hisser au plus prés de lOlympe sera dans le secret des dieux et acquerra pouvoir, richesse et considération ». Les plus agressifs se précipitèrent sur les premières pierres jouxtant le Garlaban et individuellement les entassèrent et de façon désordonnée jusquà ce que celles-ci sécroulent sous leur poids. Lédifice ne pouvant atteindre que quelques dizaines de mètres de haut. Exténués, ils abandonnèrent maudissant les dieux. Le plus sage proposa dunir les efforts de tous pour construire un immense édifice autour du Garlaban car il avait compris que lunion faisait la force et que pour se hisser très haut, il fallait que la base soit la plus grande possible. Le plus astucieux proposa que lon taille les pierres afin de les stabiliser. Il fut donc décidé de monter un mur circulaire tout autour du Garlaban. Le plus malin sécria : - Commentdétourner alors la partie de cette vapeur qui nous apporte leau et la vie ici-bas, si nous construisons un mur la dirigeant entièrement vers le haut. Il fut alors décidé douvrir les brèches nécessaires à la vie aux quatre points cardinaux à la base du mur. Le mur devenait immense et guidait de plus en plus efficacement la vapeur. Mais alors les hommes commencèrent à se disputer sur le haut de la tour, aucun ne voulant plus descendre dans l'espérance de devenir lélu des dieux. Le mur sarrêta donc de croître et ces hommes perdirent tout espoir dêtre un jour dans le secret des dieux. Le plus sage réfléchit et dit : - Nousne pouvons jucher sur le haut du mur tous les ouvriers de Phocée et continuer à bâtir, dailleurs les tailleurs de pierres et les charretiers nont rien à faire là-haut. Seuls les maçons auront le droit de rester puisque ce sont eux qui scellent les pierres. Alors les tailleurs de pierres et les charretiers se rebellèrent et arrêtèrent de fournir les pavés aux maçons.
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Le plus sage réfléchit à nouveau et dit : - Lesmaçons doivent donc prêter serment que lorsquils seront dans le secret des dieux, ils partageront équitablement pouvoir, richesse et considération. Pas daccord sécrièrent les tailleurs de pierres et les charretiers, ces maçons sont des parjures. Le plus sage réfléchit encore et dit : - Enhaut du mur siègera aux quatre points cardinaux un délégué des tailleurs de pierres et des charretiers. Le mur sérigea alors de nouveau. Il fallut de nombreuses décennies pour dresser un tel édifice. Entre temps des agriculteurs malins, aiguillonnés par lappât du gain, non contents de prélever la juste part deau de leurs champs et dutiliser la chaleur de la roche pour leurs alambics, décidèrent sournoisement de détourner un peu plus de vapeur à linsu des dieux. Ils installèrent donc peu à peu des capteurs à lintérieur de la tour pour diriger la vapeur vers les brèches. Au bout de quelques années les détournements étaient tels que le nuage entourant lOlympe devenait de plus en plus ténu. Entre temps, la région de Phocée grâce à leau qui coulait à profusion sétait couverte de forêts. Alors, le plus malhonnête décida dutiliser ce bois vert fraîchement taillé en abondance pour créer une épaisse fumée. Bientôt, dautres limitèrent et enfumèrent allègrement les dieux tout en prélevant de plus en plus de vapeur. Les dieux sur lOlympe suffoquaient. Peu à peu, lOlympe se couvrait dune pellicule de suie noire et dégoûtante. Zeus piqua une colère terrifiante et envoya Hermès quérir Héphaïstos. Zeus ordonna que soit créée une autre montagne fumante, là-bas très loin, en Islande. Nul nétait besoin en cet endroit dédifier une cheminée, car le ciel y était naturellement bas, le temps brumeux, le vent froid et constant. De plus, les quelques rares vikings qui vivaient là-bas paisiblement étaient peu exigeants, et se contentaient largement de tous ces geysers qui leur permettaient de survivre bien au chaud. Les dieux de lOlympe, séduits par ce nuage éternel et pur qui planait au-dessus de cette île perdue, décidèrent un jour de lever lancre et de passer le reste de léternité sous des cieux pourtant moins cléments. Nétant plus sous la protection des dieux, le Garlaban, un beau jour sarrêta de fumer et le ciel redevint dazur. Cette forêt magnifique entourant Phocée ne devint plus quun lointain souvenir. La terre se dessécha sous le dard du soleil et le Mistral lemporta découvrant la roche blanche et stérile. Aucun phocéen ne fut jamais dans le secret des dieux.
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De nos jours, il reste encore quelques rares traces de la présence de lOlympe au-dessus de Phocée, ne serait ce que dans la dénomination de son célèbre club de football dont les joueurs sont adulés tels de nouveaux dieux : lOlympique de Marseille. @@@@@ PS :Toutes ressemblances avec des personnages ou des événements ayant réellement existé ne peuvent résulter que dun pur hasard.