Les Aventures Singulières de René : "Le Trombone Ensorcelé"
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Description

René, docte médecin à la retraite, Président Chef d'Orchestre du célèbre Orphéon de Saint Germain, anime avec ses musiciens une foire commerciale en Auvergne. Pendant la prestation musicale, un incident incompréhensible survient à son trombone.

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Publié le 09 mars 2012
Nombre de lectures 95
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

Le Trombone Ensorcelé  
    
Reportage de Jean Paul POIRIER  
Éditions de la Corne d’Or  
   NOTE                                                          de l'Éditeur        Il est recommandé au lecteur de lire préalablement à cet ouvrage celui intitulé " Panique à l'Orphéon " , déjà paru chez le même éditeur .  En effet les évènements décrits dans les pages qui vont suivre ont été vécus par les mêmes personnages , mais dans des circonstances et des lieux différents . Ils sont rigoureusement authentiques.   Si l'ouvrage  paruéxc é"dÉent est édpeu lias éC oern nlei bdr'aiOrri"e  (,  lee. mleacilt :e uvirc fersat i@nlivviteé.f àr  l)e .  commander directement ditions                                                           L'Éditeur .             
  CHAPITRE 1      C'était par une belle après midi ensoleillée de mai que la foire d'Ambert , petite bourgade auvergnate , battait son plein .  Il y avait là tout ce que la région offrait : succulentes victuailles , subtiles liqueurs , produits agricoles industriels et artisanaux locaux , apportés par de nombreux exposants et négociants installés sur des stands à l'intérieur d'un véritable petit village de toile .  Les chalands pouvaient goûter les diverses nourritures proposées à la vente et s'émerveiller devant les chefs d'œuvre de maîtrise réalisés par les charpentiers , ébénistes , couvreurs et autres compagnons du tour de France qui se trouvaient rassemblés sous la plus grande des tentes .  Cette année là , la manifestation revêtait une importance toute particulière car l'on devait y célébrer l'union de la célèbre " Fourme d’Ambert " et du non moins célèbre « vin des coteaux du Layon » , dont le parfum aromatisé du pays de Loire flattait le palais et rehaussait le goût du célèbre fromage d'Auvergne .  L'Orphéon de Saint-Germain, célèbre formation musicale qui interprétait essentiellement des mélodies de début du siècle dernier , réorchestrées pour cuivres , avait été retenue pour cette occasion , et avait le matin même défilé dans les rues de la ville avant de se diriger vers l'emplacement principal de la foire .  Les musiciens arrivés chacun de leur côté s'étaient donnés rendez -vous devant la mairie ; il avait fallu beaucoup de patience à René , Président Chef d'Orchestre de cette formation musicale , pour regrouper ses ouailles car la mairie d'Ambert a comme caractéristique originale d'être la seule en France à ne pas posséder de façade principale , ayant été curieusement construite en cercle selon les plans d'un architecte non conformiste qui n'aimait que les lignes courbes .  Chacun s'étant positionné d'abord devant ce qu'il croyait être l'entrée de la mairie , puis s'apercevant ensuite que ce n'était pas la porte principale , cherchait les autres en tournant autour de l'édifice dans le sens des aiguilles d'une montre .  René lui-même , qui était arrivé en retard contrairement à son habitude , en raison de quelque souci domestique , avait fait de même . Tous tournaient donc en rond sans jamais se rencontrer ! . Finalement René eut l'idée d'arrêter sa marche et il les vit arriver à lui , les uns après les autres comme en file indienne ,    
La tenue des musiciens était prévue estivale , c'est à dire qu'au lieu de leurs redingote et chapeau haut de forme , ils devaient porter canotier, veste et pantalon blancs . Mais René en vit quand même certains arriver en tenue hivernale , sans doute par inadvertance , mais vraisemblablement à cause de l'oubli provoqué par la multitude de bouteilles de vin servies durant la répétition effectuée la veille au soir dans une petite taverne de la ville fixée comme lieu de retrouvailles pour les membres de l'orchestre venus à Ambert par leurs propres moyens .  Toujours est-il que René était quelque peu courroucé , d'abord d'être arrivé en retard alors que , Président Chef d'orchestre de l'Orphéon , il s'était fixé pour règle d'être toujours le premier , ensuite devant l'allure de certains qui manifestement avaient mal supporté d'avoir consommé par anticipation le mariage prévu pour l'après midi même .  Il avait cependant décidé de les faire défiler dans les rues de la ville , en espérant qu'un peu de marche à pied permettrait de dissiper les relents de la veille et de redonner quelque dignité à sa troupe .  Tout le monde s'était donc placé en ordre , les clarinettes et saxophones en tête , le banjo les basses et le sousbassophone ensuite , l'ensemble se terminant par les percussions .  Le trombone de René , légèrement détaché à l'avant du groupe , guidait les pas des musiciens en les cadençant en même temps que le tempo de la musique . Au commandement de René , le cortège se mit en route , sous une température un peu fraîche mais supportable , en tous cas de nature à dégriser complètement la respectable formation musicale.      
                                    Le Défilé de l’Orphéon  
  CHAPITRE 2   Les instruments commençaient donc à défiler dans les rues de la ville en émettant parfois quelques hoquets ou autres bruits fâcheux , mais heureusement devant un nombre restreint de badauds car l'essentiel des âmes que comptaient la ville d'Ambert et ses alentours était parti tôt le matin à l'emplacement de la foire afin de ne pas rater un seul instant cette unique et rare festivité annuelle .  Après avoir atteint celle-ci pour y déjeuner copieusement avant de se produire sur scène , les musiciens se heurtèrent à une difficulté imprévue :  En effet , les gargotiers privilégiés qui avaient été autorisés à s'implanter sous le chapiteau de la foire mirent un temps abominablement long à les servir .  René ignore toujours si ce fait résultait d'une absence d'habitude à recevoir autant de monde à la fois , ou si ce semblant d'incompétence ne trahissait pas un atavisme proverbial puisque le déjeuner ayant été annoncé "offert aux musiciens" les restaurateurs savaient que ces derniers ne paieraient pas leur repas . Servir gratuitement un client , fût-il un membre honorable de l'Orphéon , devait paraître pour eux un acte contre nature ! .  Toujours est-il qu'après avoir attendu plus d'une heure le premier plat , séparés les uns des autres à des tables différentes du fait même du nombre de personnes venues se restaurer au même instant qu'eux , les membres de la troupe eurent du mal à se lever de table , l'estomac à moitié vide , sur l'ordre malvenu de René leur enjoignant de se regrouper et de se préparer à jouer .   Pendant leurs préparatifs de rassemblement et de mise en condition , dans un espace réservé aux artistes à l'abri des yeux du public à coté de l'estrade implantée dans l'enceinte de la foire , les discours officiels se succédaient sur cette dernière devant un auditoire moyennement attentionné par le " bla -bla " habituel des notabilités politiques et autres syndicalistes patentés .  Il subit un flot de verbiage se voulant élogieux pour les efforts de productivité de la région , entremêlé de statistiques et de ratios incompréhensibles , de la bouche d'un Président de Comices Agricoles Interdépartementaux , lisant des notes dont il avait dû par mégarde mélanger l'ordre des pages . Il y était surtout question de quotas et de subventions communautaires sans lesquelles , d'après lui , la paysannerie française menaçait de s'éteindre du jour au lendemain malgré la qualité , notoire dans le monde entier , de ses produits du terroir et de ses élevages .   
Suivirent plusieurs orateurs à la limite de la flagornerie passant l'essentiel du temps qui leur était consacré à s'auto féliciter mutuellement de la réussite de la foire et du dévouement , pas toujours désintéressé pensaient certains initiés , de ses organisateurs .  Le clou de cette émission ronronnante et endormante de paroles qui ne veulent exprimer rien d'autre que l'ea ult'oÉ satisfaction de leur auteur résida toutefois dans l'exposé du Représentant d tat , que l'on disait énarque et qui était depuis peu en poste à la préfecture en raison de la retraite anticipée , pour cause de gâtisme précoce d’après la rumeur commune , de son prédécesseur .  Celui-ci , à moitié voûté , avait la taille et l'allure vestimentaire d'un obscur fonctionnaire préposé de quelque guichet de recettes fiscales du siècle dernier, dans un épais et sombre costume trois pièces de laine étriqué et lustré aux coudes, chaussé d'une paire d'authentiques bésicles faisant toute sa fierté : N'avaient -elles pas appartenu jadis à feu son grand père petit fonctionnaire dépêché aux colonies, puis à feu son père qui avait terminé sa carrière dans une sous-préfecture du sud de la France, et ne s'étaient -elles pas ainsi transmises de génération en génération comme le fier symbole d'une digne lignée de fidèles commis au service de l'État ! .  Parlant sans aucune note , mais avec des mots et des tournures de phrase dignes de Pagnol , il réussit à la stupéfaction générale non seulement à intéresser son auditoire mais encore à le faire rire aux éclats par des accents de conteur de Provence plus habitué à la bouillabaisse et au pastis qu'aux cochonnailles et bières de la rigoureuse région d'Auvergne où il venait d'être provisoirement nommé . Proche de la soixantaine, d'un abord fluet et n'étant pas marié en raison des ses multiples mutations imposées par une administration capricieuse, il ne laissa de surcroît pas indifférentes quelques plantureuses spectatrices des premiers rangs restées célibataires pour ne pas manquer à l'ex ir de percevoir de l'État unep lpoietnastiioonn  dfea mriélivaeler simoani sv eenntarnet voayuagnmte ln'teesrp alcees  ds'uubnv iennsttioannst  ld'ee slpeour ferme .  Son discours fut suivi d'un tonnerre d'applaudissements, qui émut le brave petit homme et lui firent venir les larmes aux yeux . Se redressant tout droit sous les honneurs, il faillit toutefois tomber la tête en avant en voulant redescendre de la scène, ratant la première marche en raison de la buée qui venait de s'accumuler sur ses bésicles . Il fut arrêté dans sa chute par les bras vigoureux d'un pompier en uniforme faction et alerte , debout à l'extrémité de la scène derrière la tenture lui faisant office de fond , paré à éteindre toute velléité d'incendie , aussi minime soit -elle , et qui avait auparavant envoyé une giclée d'eau pressurisée sur l'un des musiciens , fumeur jusqu'alors impénitent , grillant une cigarette dans les coulisses devant le panneau d'interdiction de fumer .  Les musiciens , regroupés au bas des marches de la scène , prêts à monter sur celle -ci sitôt redescendu le Représentant de l'État , durent toutefois patienter devant l'arrivée de nouveaux venus qui n'avaient pas été initialement prévus comme devant se produire avant eux . Faisant contre mauvaise fortune bon cœur , René calma le début de protestation émanant de sa troupe , l'invitant à regarder discrètement et sans bruit ce qui allait se dérouler sur les planches .
 CHAPITRE 3  Après le discours fort apprécié du public du Représentant de l'État , la scène fut donc livrée au cérémonial d'investiture d'un nouveau membre d'une confrérie locale de goûteurs de fromage , inspirée de celle des chevaliers du taste -vin , qui tentaient de suppléer la faiblesse des objectifs de sa raison sociale par des accoutrements exagérément rétrogrades constitués de longs manteaux et chapeaux gris rehaussés de rubans rouges .  Le " charabia " du protocole de parrainage et la remise d'un large collier orné d'une médaille symbolisant prétendument les hautes aspirations culturelles de ladite confrérie eurent au moins le mérite de rendre béat de gratitude envers ses pairs l'aspirant au titre d'initié , par ailleurs commerçant notable d'Ambert .  Les spectateurs , devant le faste des costumes et de cette intronisation , se demandèrent à combien devait s'élever la cotisation de cette association et se promirent d'interroger les conseillers municipaux sur le montant de sa subvention annuelle versée par la ville d’Ambert et donc prélevée sur leurs impôts. Mais , en attendant , ils applaudirent l'heureux commerçant à tout le moins pour ne pas risquer de lui déplaire et de se voir ensuite mal servis par lui lors de leurs emplettes périodiques .  Enfin ce fut le tour de l'Orphéon qui avait pour mission , en cet instant , d'accompagner la cérémonie de mariage du Fromage et du Vin . Les musiciens montèrent donc sur scène à la queue leu leu et s'installèrent des trois cotés de celle -ci face au public par rangs de chapitre , René Président Chef d'Orchestre se détachant au milieu afin d'être mieux visible par chacun des membres de sa troupe et , surtout , par l'ensemble de l'auditoire dont il attendait des encouragements qui ne tardèrent pas à arriver en raison de la mine réjouie et le gai costume des interprètes .  Son trombone bien en mains , l'embouchure à très proche proximité de sa bouche , René fit un léger signe de tête pour signaler l'instant précis du commencement de l’ouverture devant annoncer l’arrivée des mariés, morceau du répertoire qui démarra au quart de tour dans une parfaite synchronisation .  C'est alors qu'ainsi accompagnés par la musique , de gigantesques personnages de carnaval représentant les singuliers mariés firent leur apparition sur scène :  -d'abord la "Future " dans une robe fromagère toute en rondeur agrémentée d'un curieux plastron bleu avec foulard rouge ,  -ensuite le "Futur " dans un habit de cérémonie couleur vert bouteille de griffe Jéroboam rehaussé d'une très large étiquette indiquant son lieu de naissance .  Après s'être échangé leurs consentements devant le maire d'Ambert revêtu de sa légion d'honneur et de son écharpe , ils écoutèrent religieusement son discours de circonstance , en prose humoristique et bien tournée . Ensuite , ils demandèrent à l'orchestre de jouer une danse qu'ils souhaitaient relativement lente pour leur permettre de se risquer , malgré leurs tailles et embonpoints , à quelques pas de bourrée .   
René donna aussitôt l'ordre à ses musiciens d'entamer une vielle valse pas trop rapide de leur répertoire , archi connue d'eux , et ils maintinrent sans difficulté la joyeuse ambiance qui avait présidé la cérémonie . Mais , devant les rondeurs de la mariée , son époux n'arriva pas à l'entourer affectueusement au niveau d'une taille qui ne pouvait être que symbolique , et leur pas de trois en fût fort perturbé , faisant dangereusement pencher en arrière la jeune épousée au risque de la faire choir sur son postérieur et d’entraîner son mari dans sa chute.  A la fin du morceau la foule manifesta son contentement en tapant des deux mains et en poussant des " Bravos " , dont René ne sut jamais s'ils étaient destinés à féliciter les nouveaux mariés ou à rendre hommage à la prestation de l'Orphéon .    Puis le concert se déroula ainsi , dans la bonne humeur générale , devant un auditoire qui ne reconnaissait pas toujours les mélodies interprétées sur scène mais qui dansait en suivant le rythme , encourageant et applaudissant de bon cœ l' hestre qui joua ainsi sans ur orc interruption jusqu'à l'entracte . René n'arrêtait pas de s'agiter comme un beau diable , dirigeant son petit monde tout en jouant, utilisant son trombone non seulement pour l'usage auquel il avait été initialement conçu mais également comme un substitut de baguette de chef d'orchestre, marchant devant ses musiciens restés bien alignés dans l'ordre de leur arrivée, s avançant à l'extrémité de la scène face au public tantôt en levant son trombone ' vers le ciel en même temps qu'il en ouvrait au maximum la coulisse , tantôt en se courbant vers le sol en la refermant . Le synchronisme de ses mouvements avec ceux de son instrument de musique était tel que l'on n'arrivait plus à déterminer lequel , de René ou du trombone , entraînait l'autre , lui imposait sa volonté . L on pouvait croire que la mécanique permettant au cuivre et au ' musicien de fonctionner ensemble si harmonieusement se trouvait en réalité à l'intérieur même du trombone , comme si ce dernier était vivant et comme si René n'était que l'automate à lui accroché. Cette illusion se trouvait en outre renforcée par le fait qu'en raison de la virtuosité apparente de René le trombone semblait jouer tout seul sans l'intervention du souffle de ce dernier . A croire que le trombone était magique !  Le public ne perdait pas des yeux ce qui se déroulait ainsi devant lui sur la scène , et lorsque les hauts parleurs de la foire annoncèrent , à la fin d'un morceau , une demi -heure d'entracte , il s'en montra désappointé .  
Les Jeunes Mariés  
Le Discours du Maire  
                                                    CHAPITRE 4   A cet instant du récit , et pour mieux comprendre l'étonnement des spectateurs devant le jeu de René , il y a lieu de rappeler que ce dernier était auparavant et est resté un fin virtuose de la basse baryton, qu'il maniait avec dextérité bien avant la création de cette formation musicale vieille d'une trentaine d'année .  Enfant , il avait toujours aimé les instruments à cuivre et voué une profonde admiration les fanfares . Étudiant en médecine , il avait suivi avec intérêt la carrière de la fanfarep douers  Quat'zarts et également beaucoup apprécié les chansons grivoises des carabins . Il avait donc tout naturellement appris avec joie et brio la basse baryton dont le volume et la sonorité ne manquaient pas de prestance .  Mais , comme tout bon musicien qui se respecte , René avait eu envie de s'essayer à un autre instrument, de préférence un cuivre . Il était un jour tombé en émoi devant un vieux trombone, coulisse ouverte en position maximale, accroché à la devanture du capharnaüm d'un brocanteur du quartier de la porte de Clignancourt ( Paris ), qui rutilait bien que fort poussiéreux à travers les vitres crasseuses de l'échoppe .  Pris d'une soudaine envie de posséder un instrument d'une telle allure , il entra et s'enquit immédiatement auprès du marchand du prix de celui -ci . Le brocanteur , qui ne se rappelait plus depuis combien de temps il possédait cet objet échoué chez lui et qui désespérait de ne pas s'en être déjà débarrassé , lui fit une proposition qui ne parut pas malhonnête à René , lequel repartit heureux , l'instrument et son étui sous le bras .  Sitôt rentré dans sa demeure , René entreprit de nettoyer méticuleusement sa trouvaille , graissant soigneusement sa coulisse . Puis il tenta d'en émettre un premier son en soufflant dans son embouchure de la même manière qu'il soufflait habituellement dans sa basse baryton . Et le miracle espéré se produisit , car la pureté de la note qui sortit émerveilla René , qui s'enhardit alors à faire glisser la coulisse pour repérer , avec son oreille musicale aiguisée , la succession des notes de la gamme .  Puis , peu à peu , René profita de ses moments d'inactivité , fort rares en raison de la profession qu’il exerçait à l’époque et des nombreuses associations dont il était membre actif , pour s'entraîner à étudier son nouvel instrument, de préférence le soir, au risque de perturber la tranquillité nocturne de son voisinage .  Il atteint ainsi au fil de ses efforts un niveau très honorable de connaissance et de maîtrise de l’instrument, et il put un jour annoncer à ses amis de l'Orphéon qu'il jouerait dorénavant en tant que de besoin de son trombone au lieu de sa basse baryton .  Ce qui semblait également beaucoup faire plaisir à René était de pouvoir se mouvoir plus librement avec ce nouvel instrument , moins lourd , moins encombrant , et particulièrement spectaculaire lors de ses gestuelles pour descendre et de remonter la coulisse .    
Ce qu'ignoraient toutefois René et également le brocanteur lui ayant vendu l'instrument était que celui-ci avait jadis appartenu à un célèbre mais éphémère tromboniste de jazz , connu sous le pseudonyme de John A. Basket Junior . Ce dernier n'avait vu s'éteindre son heure de gloire qu'en raison de son penchant pour l'alcool qui le fit sombrer dans la misère .  Peu de temps avant la crise de delirium tremens qui l'avait définitivement emporté , il s'était résigné à laisser en gage son bien le plus précieux au grand'père de l'actuel brocanteur de la porte de Clignancourt .  En tous cas , René se souciait comme de l'an quarante de l'identité du précédent musicien propriétaire de son trombone , n'ayant d'yeux que pour la beauté de l'instrument et la sonorité toute particulière qui s'en dégageait. Ses basses étaient bien rondes , ses aigus non grinçants , ses glissades tout en souplesse , et il prenait au moins autant de plaisir à en jouer que ses amis et proches , dont la sincérité ne pouvait être mise en doute , à l'écouter .  Il n'émettait que rarement des notes discordantes , sauf lorsque René Président Chef d'Orchestre était perturbé par les " couacs " de certains des musiciens de sa troupe , ou encore par l' ttitude par trop décontractée de certains autres : a   -Ainsi quand André ralentissait le rythme de son tambour pour glisser , tout en jouant , à l'oreille de son voisin la dernière blague dont il venait de se rappeler !  -Ainsi quand Jean Paul interrompait son banjo pour allumer à deux mains une cigarette au milieu d'un morceau !                         Ainsi quand Brigitte , assourdie par sa grosse caisse , accélérait sans s'en -rendre compte et en pensant bien faire le tempo de la musique !  -Ainsi quand Olivier , se croyant inspiré , se mettait à improviser au saxophone un contre chant sans respecter sa partition !  -Ainsi quand Jules , à bout de souffle du fait du poids de son soubassophone , tentait discrètement de reprendre sa respiration !  - Ainsi quand Mamie Nova faisait tomber malencontreusement l'une de ses cymbales , pourtant arrimées en permanence à ses mains !  Du Sérieux et de la distinction , René en voulait et il en exigeait de sa troupe , se montrant envers elle aussi rigoureux qu'envers lui -même , dans son désir de donner toujours la plus grande des satisfactions au public et d’en recevoir ensuite les chaleureux applaudissements bien mérités .  Cet après midi là , à Ambert , tout se déroulait normalement , selon le souhait de René , qui n'était pas fâché que l'orchestre s'arrête le temps d'un entracte , d'autant qu'il faisait exceptionnellement chaud pour la saison, qu'il s'était beaucoup appliqué, et que sa gorge commençait à se dessécher .  
                                                     CHAPITRE 5  La soif qui commençait à envahir la gorge de René et celle des autres musiciens de l'Orphéon avait été mise en éveil par les préparatifs , durant les derniers morceaux de musique , d’un Vin d'Honneur .  Diverses planches de bois dressées sur des tréteaux avaient été disposées juste à côté de la scène pour permettre non seulement aux officiels et autres organisateurs de la foire mais aussi à l'ensemble du public venu en nombre de consommer le mariage , en goûtant l'effet produit sur le palais par le subtil mélange de la Fourme d'Ambert et du vin des Coteaux du Layon .  Une véritable cohue régnait maintenant devant ces bars improvisés et gratuits , chacun voulant profiter de l'aubaine pour avaler un maximum de cette manne et également , en catimini , en remporter un peu chez lui afin de suppléer quelque carence éventuelle d'approvisionnement lors du souper .  Heureusement pour l'Orphéon , et contrairement à ce qui s'était passé au cours du déjeuner , l'intendance avait cette fois-ci bien fait les choses car elle avait mis de côté pour les musiciens une importante quantité de fromage et de flacons du vin du jour .  Tous purent donc boire et manger à satiété , se remplissant d'autant plus l'estomac qu'ils n'avaient pu le rassasier lors du repas du midi , continuant ensuite de boire non plus par soif mais pour le seul plaisir procuré par les vertueux talents cachés de ce nectar qu'ils découvraient pour la plupart grâce à cette foire .  René ne fut lui-même pas en reste , bien que buvant habituellement avec modération , mais en regrimpant ensuite sur la scène pour la deuxième partie du récital il eut quand même le sentiment d'avoir légèrement abusé de la bouteille car , d'un seul coup , il se sentit envahi de chaleur et il décida d'ôter sa veste .  Étant toutefois resté en parfaite possession de ses moyens et conscient de ses faits et gestes , sans ressentir le moindre étourdissement , il entreprit de faire remonter sur les planches les musiciens qui s'égaillaient un peu trop à son goût et avant qu'ils ne fussent totalement éméchés .  La foule restée pendant ce temps agglutinée autour des tables en discutant à voix forcée en raison du brouhaha ambiant ne semblait pas disposée à revenir devant la scène immédiatement , et René ne voulut pas faire montre d'impolitesse en la rameutant haut et fort en face de l'orchestre.  En effet , les buffets autour desquels se régalait le public constituaient un lieu privilégié de retrouvailles d'une population laborieuse dont les activités quotidiennes laissaient peu de place aux visites familiales ou amicales , en dehors bien sûr des baptêmes mariages et enterrements .   
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