Roussel locus solus
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Raymond Roussel LOCUS SOLUS (1914) Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits » Table des matières Préface.......................................................................................3 Chapitre premier..................................................................... 13 Chapitre II...............................................................................34 Chapitre III .............................................................................65 Chapitre IV114 Chapitre V 221 Chapitre VI............................................................................243 Chapitre VII ......................................................................... 280 À propos de cette édition électronique.................................299 Préface Une vie singulière… « J’ai beaucoup voyagé. Notamment en 1920-21, j’ai fait le tour du monde par les Indes, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les archipels du Pacifique, la Chine, le Japon et l’Amérique (…) Je connaissais déjà les principaux pays de l’Europe, l’Égypte, et tout le nord de l’Afrique, et plus tard je visitai Constantinople, l’Asie Mineure et la Perse. Or de tous ces voyages, je n’ai jamais rien tiré pour mes livres. Il m’a paru que la chose méritait d’être signalée, tant elle prouve que chez moi, l’imagination est 1tout. » Raymond Roussel, personnage fantasque, dandy solitaire et hors normes a publié la totalité de son œuvre à compte d’auteur, grâce à l’immense fortune qui lui venait de ses pa- rents. Adepte de voyages au long cours, il ne sort guère de sa cabine ou de son hôtel, se contentant de « sentir » le monde extérieur qui, dans sa réalité, ne l’a jamais intéressé. C’est sans doute la raison pour laquelle son univers romanesque est le pur produit de son imagination et des « procédés littéraires » qu’il a inventés. Son modèle en littérature restera toujours Jules Verne à qui il vouait une admiration sans bornes. À l’âge de dix-neuf ans, alors qu’il rédigeait la Doublure, roman en alexandrins qui est une sorte de description exhaus- tive du carnaval de Nice, il éprouve une sensation de gloire uni- verselle dont le rayonnement se propageait dans l’espace. Il a 1 Raymond Roussel, comment j’ai écrit certains de mes livres, édi- tion 10/18, 1963, p. 27. — 3 — décrit lui-même, au Docteur Pierre Janet chez qui il a été en traitement pendant des années, ce curieux phénomène : « … Ce que j’écrivais était entouré de rayonnements, je fer- mais les rideaux, car j’avais peur de la moindre fissure qui eût laissé passer les rayons lumineux qui sortaient de ma plume, je voulais retirer l’écran tout d’un coup, et illuminer le monde. (…) Mais j’avais beau prendre des précautions, des rais de lumière s’échappaient de moi et traversaient les murs, je portais le soleil en moi et je ne pouvais empêcher cette formidable fulguration de moi-même ». Mais l’insuccès de La Doublure lui cause un choc terrible dont il mettra des années à se relever. Pourtant, ce « soleil mo- ral », le marquera à jamais et il cherchera à tout prix à le retrou- ver par la suite, sûr de son génie, attendant que la gloire à nou- veau le transporte. Hélas aucun de ses ouvrages ne connaîtra le succès escompté. Se consacrant au jeu d’échecs dès 1929 où il sent que son génie peut s’épanouir, il se met et tête de résoudre le difficile mat du fou et du cavalier et y parvient. Mais la drogue allait bientôt le rattraper jusqu’à son suicide en 1933 à Palerme, sans doute un dernier coup d’éclat pour celui qui, voulant porter son génie au firmament, n’a finalement rencontré qu’incompréhension et rejet. Pourtant, Roussel finira par être reconnu et ses livres sont aujourd’hui devenus des références incontournables de la modernité littéraire du vingtième siècle. Une œuvre complexe et originale Le monde inventé de Roussel dans ses livres, par opposi- tion au monde donné que nous côtoyons quotidiennement et qui est celui de la « réalité », fait appel à une certaine concep- tion de l’esthétique, qui veut qu’une œuvre s’interdise des réfé- rences à autre chose qu’elle-même. — 4 — Or il semble bien que de cette approche de l’art comme op- position catégorique à la nature, Roussel n’en retienne que les artifices qui font que l’œuvre « décolle » de la réalité, faisant du beau en tant que tel un élément secondaire, ou alors esquissant une autre approche de celui-ci. Toutes les œuvres de Roussel sont noyées dès le départ dans des contraintes d’écriture qui font que leur structure même est artificielle. Dans les romans en vers, au delà de la contrainte que représente l’alexandrin, il met en scène des spec- tacles purs, où le regard glisse à la surface des choses. Il s’agit comme le précise Foucault à propos de La doublure et de La vue « d’un théâtre vidé de tout ce qui le rend comique ou tragi- que, et déversant son inutile décor pêle-mêle, au hasard, devant un regard impitoyable, souverain et désintéressé ; un théâtre qui aurait basculé tout entier dans l’inanité du spectacle, et n’aurait à offrir que le contour de sa visibilité : le carnaval de tous ses décors de carton, ses papiers coloriés, la scène ronde, 2dérisoire et immobile d’une lentille-souvenir. » L’écriture roussélienne écarte soigneusement la répétition, construit la phrase avec une grande rigueur et utilise à bon es- cient les temps des verbes, comme si le langage, après avoir ou- vert des perspectives inouïes devait revenir à une sage réserve, à une soumission absolue aux règles qu’il avait dépassées en son élan créateur. Ce n’est sans doute pas là le moindre des para- doxes d’un homme sans doute tenu par une éducation très stric- te, en rapport avec son milieu social, qui nous décrit dans une belle langue classique, académique, presque lisse, ses « inven- tions prodigieuses et baroques », ses machines démentielles et ses personnages hors du commun. Mais c’est que, pour Roussel, 2 Michel Foucault, Raymond Roussel, Le Chemin, Gallimard, 1963, p.134. — 5 — l’écriture est vraiment un art qui consiste dans des inventions pures, l’écrivain étant une sorte de démiurge. Dans la Doublure, premier roman en vers de Roussel, à l’origine de la « sensation de gloire universelle d’une intensité extraordinaire », il décrit presque essentiellement les têtes de carton du carnaval de Nice dans ce qu’elles offrent d’immédiat au regard : papier peint, couleurs, reliefs. De même dans la Vue, composé de trois poèmes (la vue, le concert, la source), l’auteur nous livre, à travers une description minutieuse, une photographie enchâssée à l’intérieur d’un porte-plume, une étiquette de bouteille d’eau minérale et une vignette de papier à lettre à en-tête. Enfin, dans la dernière œuvre en vers de Roussel, Nouvel- les Impressions d’Afrique, quatre attractions touristiques de l’Égypte moderne, sont prétexte à une dislocation de la phrase par un procédé de parenthèses, presque indéfiniment ouvertes dans d’autres parenthèses, comme autant d’écrans entre l’écri- ture et la réalité. Une écriture à procédés Les œuvres en prose, ainsi que le théâtre, sont écrits selon un procédé que l’auteur révèle lui-même, dans le préambule de Comment j’ai écrit certains de mes livres : 1° Au départ, deux phrases identiques à un mot près, avec jeu de double sens sur les autres mots constituant les phrases. Il s’agissait ensuite pour Roussel d’écrire un texte commençant par la première et finissant par la seconde. Exemple : — 6 — A. Les lettres (signes typographiques) du blanc (cube de craie) sur les bandes (bordures) du vieux billard. B. Les lettres (missives) du blanc (homme blanc) sur les bandes (hordes guerrières) du vieux pillard. Ces deux phrases sont à la base du conte intitulé Parmi les Noirs, lui même embryon d’Impressions d’Afrique, premier roman à procédé de Raymond Roussel. 2° Deux mots hétérogènes à double sens accouplés par la préposition à. Exemple : Palmier (gâteau, arbre) à restauration (restaurant où l’on sert des gâteaux, rétablissement d’une dynastie sur un trône). Couple de mots qui, dans Impressions d’Afrique a donné le palmier de la place des trophées consacré à la restauration de la dynastie des Talou. 3° Procédé évolué : « … phrase quelconque, dont je tirais des images en la disloquant, un peu comme s’il se fut agit d’en extraire des dessins de rébus. » Exemple : « Napoléon premier empereur » donne « Nappe ollé om- bres miettes hampe air heure » d’où le tableau liquide du sculp- teur Fuxier dans Impressions d’Afrique qui représente des dan- seuses espagnoles montées sur une table et l’ombre des miettes visibles sur la nappe. Puis l’horloge à vent du pays de Cocagne : hampe (du dra- peau), air (vent), d’un autre conte. On le voit, le langage, chez Roussel, passe du statut d’outil à celui d’agent créateur. — 7 — Il est d’autre part remarquable de constater que si le point de départ d’un texte est toujours du à des combinaisons qui ne relèvent que du hasard, la jonction des mots hétérogènes que le langage a suscité se fait constamment dans l’esprit d’une logi- que implacable, d’une écriture positive, qui prend en charge et distribue tous les éléments du discours. L’espace de la métamorphose Les récits de Roussel, se déploient dans un univers trans- parent, recroquevillé sur lui-même où chaque chose reste à la même place indéfiniment, ou revient toujours au point de dé- part, à l’instar des cadavres de Locus Solus qui, derrière une vitrine, répètent inlassablement la scène cruciale de leur exis- tence abolie. L’aspect fantastique et magique du conte traditionnel du- quel il s’est incontestablement inspiré, est remplacé par l’opi- niâtreté des faiseurs de contre-nature qui produisent du mer- veilleux à force de travail et de patience. La fée de notre enfance, devient un homme de s
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