Eugénie Grandet
170 pages
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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Deuxième livre, Scènes de la vie de province - Tome I. Cinquième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Un grand jeune homme blond, pâle et frêle, ayant d’assez bonnes façons, timide en apparence, mais qui venait de dépenser à Paris, où il était allé faire son Droit, huit ou dix mille francs en sus de sa pension, s’avança vers Eugénie, l’embrassa sur les deux joues, et lui offrit une boîte à ouvrage dont tous les ustensiles étaient en vermeil, véritable marchandise de pacotille, malgré l’écusson sur lequel un E. G. gothique assez bien gravé pouvait faire croire à une façon très-soignée. En l’ouvrant, Eugénie eut une de ces joies inespérées et complètes qui font rougir, tressaillir, trembler d’aise les jeunes filles. Elle tourna les yeux sur son père, comme pour savoir s’il lui était permis d’accepter, et monsieur Grandet dit un « Prends, ma fille ! » dont l’accent eût illustré un acteur. Les trois Cruchot restèrent stupéfaits en voyant le regard joyeux et animé lancé sur Adolphe des Grassins par l’héritière à qui de semblables richesses parurent inouïes. Monsieur des Grassins offrit à Grandet une prise de tabac, en saisit une, secoua les grains tombés sur le ruban de la Légion-d’Honneur attaché à la boutonnière de son habit bleu, puis il regarda les Cruchot d’un air qui semblait dire : ― Parez-moi cette botte-là ? Madame des Grassins jeta les yeux sur les bocaux bleus où étaient les bouquets des Cruchot, en cherchant leurs cadeaux avec la bonne foi jouée d’une femme moqueuse.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 394
EAN13 9782824709703
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
EUGÉN I E GRAN DET
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
EUGÉN I E GRAN DET
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0970-3
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A MARIA,
e v otr e nom, v ous dont le p ortrait est le plus b el or nement
de cet ouv rag e , soit ici comme une branche de buis bénit,
prise on ne sait à quel arbr e , mais certainement sanctifié e p ar
la r eligion et r enouv elé e , toujour s v erte , p ar des mains
pieuses, p our pr otég er la maison.
DE BALZA C.
   dans certaines pr o vinces des maisons dont la v ue
inspir e une mélancolie ég ale à celle que pr o v o quent les cloîtr es lesI plus sombr es, les landes les plus ter nes ou les r uines les plus
tristes. Peut-êtr e y a-t-il à la fois dans ces maisons et le silence du cloîtr e
et l’aridité des landes et les ossements des r uines. La vie et le mouv
ement y sont si tranquilles qu’un étrang er les cr oirait inhabité es, s’il ne
r encontrait tout à coup le r eg ard pâle et fr oid d’une p er sonne immobile
dont la figur e à demi monastique dép asse l’appui de la cr oisé e , au br uit
d’un p as inconnu. Ces princip es de mélancolie e xistent dans la phy
sionomie d’un logis situé à Saumur , au b out de la r ue montueuse qui mène
au châte au, p ar le haut de la ville . Cee r ue , maintenant p eu fré quenté e ,
1Eug énie Grandet Chapitr e
chaude en été , fr oide en hiv er , obscur e en quelques endr oits, est r
emarquable p ar la sonorité de son p etit p avé caillouteux, toujour s pr opr e et se c,
p ar l’étr oitesse de sa v oie tortueuse , p ar la p aix de ses maisons qui app
artiennent à la vieille ville , et que dominent les r emp arts. D es habitations
tr ois fois sé culair es y sont encor e solides quoique constr uites en b ois, et
leur s div er s asp e cts contribuent à l’ originalité qui r e commande cee p
artie de Saumur à l’aention des antiquair es et des artistes. Il est difficile
de p asser de vant ces maisons, sans admir er les énor mes madrier s dont
les b outs sont taillés en figur es bizar r es et qui cour onnent d’un bas-r elief
noir le r ez-de-chaussé e de la plup art d’ entr e elles. Ici, des piè ces de b ois
transv er sales sont couv ertes en ardoises et dessinent des lignes bleues
sur les frêles murailles d’un logis ter miné p ar un toit en colombag e que
les ans ont fait plier , dont les barde aux p our ris ont été tordus p ar
l’action alter nativ e de la pluie et du soleil. Là se présentent des appuis de
fenêtr e usés, noir cis, dont les délicates sculptur es se v oient à p eine , et qui
semblent tr op lég er s p our le p ot d’ar gile br une d’ où s’élancent les œillets
ou les r osier s d’une p auv r e ouv rièr e . P lus loin, c’ est des p ortes g ar nies de
clous énor mes où le g énie de nos ancêtr es a tracé des hiér ogly phes
domestiques dont le sens ne se r etr ouv era jamais. T antôt un pr otestant y a
signé sa foi, tantôt un ligueur y a maudit Henri I V . elque b our g e ois y
a gravé les insignes de sa noblesse de cloches , la gloir e de son é che vinag e
oublié . L’Histoir e de France est là tout entièr e . A côté de la tr emblante
maison à p ans hourdés où l’artisan a déifié son rab ot, s’élè v e l’hôtel d’un
g entilhomme où sur le plein-cintr e de la p orte en pier r e se v oient encor e
quelques v estig es de ses ar mes, brisé es p ar les div er ses ré v olutions qui
depuis 1789 ont agité le p ay s. D ans cee r ue , les r ez-de-chaussé e
commer çants ne sont ni des b outiques ni des mag asins, les amis du mo y
enâg e y r etr ouv eraient l’ ouv r ouèr e de nos pèr es en toute sa naïv e simplicité .
Ces salles basses, qui n’ ont ni de vantur e , ni montr e , ni vitrag es, sont pr
ofondes, obscur es et sans or nements e xtérieur s ou intérieur s. Leur p orte
est ouv erte en deux p arties pleines, gr ossièr ement f er ré es, dont la sup
érieur e se r eplie intérieur ement, et dont l’inférieur e ar mé e d’une sonnee
à r essort va et vient constamment. L’air et le jour ar riv ent à cee espè ce
d’antr e humide , ou p ar le haut de la p orte , ou p ar l’ esp ace qui se tr ouv e
entr e la v oûte , le plancher et le p etit mur à hauteur d’appui dans le quel
2Eug énie Grandet Chapitr e
s’ encastr ent de solides v olets, ôtés le matin, r emis et maintenus le soir
av e c des bandes de fer b oulonné es. Ce mur sert à étaler les mar chandises
du nég o ciant. Là , nul charlatanisme . Suivant la natur e du commer ce , les
é chantillons consistent en deux ou tr ois baquets pleins de sel et de mor ue ,
en quelques p aquets de toile à v oile , des cordag es, du laiton p endu aux
soliv es du plancher , des cer cles le long des mur s, ou quelques piè ces de
drap sur des ray ons. Entr ez  ? Une fille pr opr e , pimp ante de jeunesse , au
blanc fichu, aux bras r oug es quie son tricot, app elle son pèr e ou sa mèr e
qui vient et v ous v end à v os souhaits, flegmatiquement, complaisamment,
ar r og amment, selon son caractèr e , soit p our deux sous, soit p our vingt
mille francs de mar chandise . V ous v er r ez un mar chand de mer rain
assis à sa p orte et qui tour ne ses p ouces en causant av e c un v oisin, il ne
p ossède en app ar ence que de mauvaises planches à b outeilles et deux ou
tr ois p aquets de laes  ; mais sur le p ort son chantier plein four nit tous
les tonnelier s de l’ Anjou  ; il sait, à une planche près, combien il peut de
tonne aux si la ré colte est b onne  ; un coup de soleil l’ enrichit, un temps de
pluie le r uine  : en une seule matiné e , les p oinçons valent onze francs ou
tomb ent à six liv r es. D ans ce p ay s, comme en T ouraine , les vicissitudes
de l’atmosphèr e dominent la vie commer ciale . Vigner ons, pr opriétair es,
mar chands de b ois, tonnelier s, aub er gistes, marinier s sont tous à l’affût
d’un ray on de soleil  ; i ls tr emblent en se couchant le soir d’appr endr e
le lendemain matin qu’il a g elé p endant la nuit  ; ils r e doutent la pluie ,
le v ent, la sé cher esse , et v eulent de l’ e au, du chaud, des nuag es, à leur
fantaisie . Il y a un duel constant entr e le ciel et les intérêts ter r estr es. Le
bar omètr e ariste , déride , ég aie tour à tour les phy sionomies. D’un b out à
l’autr e de cee r ue , l’ancienne Grand’r ue de Saumur , ces mots  : V oilà un
temps d’ or  ! se chiffr ent de p orte en p orte . A ussi chacun rép ond-il au v
oisin  : Il pleut des louis, en sachant ce qu’un ray on de soleil, ce qu’une pluie
opp ortune lui en app orte . Le same di, v er s midi, dans la b elle saison, v ous
n’ obtiendriez p as p our un sou de mar chandise chez ces brav es industriels.
Chacun a sa vigne , sa closerie , et va p asser deux jour s à la camp agne . Là ,
tout étant pré v u, l’achat, la v ente , le pr ofit, les commer çants se tr ouv ent
av oir dix heur es sur douze à emplo y er en jo y euses p arties, en obser
vations, commentair es, espionnag es continuels. Une ménagèr e n’achète p as
une p erdrix sans que les v oisins ne demandent au mari si elle était cuite
3Eug énie Grandet Chapitr e
à p oint. Une jeune fille ne met p as la tête à sa fenêtr e sans y êtr e v ue p ar
tous les gr oup es ino ccup és. Là donc les consciences sont à jour , de même
que ces maisons imp énétrables, noir es et silencieuses n’ ont p oint de my
stèr es. La vie est pr esque toujour s en plein a

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