Le chant de l’équipage
173 pages
Français

Le chant de l’équipage

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Description

Le Chant de l'équipage, est son premier véritable succès littéraire. Derrière Le Chant de l’Equipage se profile un « roman de guerre » pour le moins surprenant. Disciple de Zola, Barbusse entend proposer un témoignage historique dont le caractère fictionnel est un mal nécessaire à la dénonciation de la guerre. Tandis que Stevenson défendait le roman dans toute sa diversité, dans le contexte historique de la Grande Guerre, Mac Orlan semble avant tout préoccupé par le pacte communicationnel qui se noue autour du roman entre écrivain et lecteur et qui entérine un brouillage entre fiction et réalité. Le Chant de l’Equipage s’ouvre sur Joseph Krühl, riche hollandais10, qui hante de sa présence un petit village de Bretagne littéralement vidé de sa substance par la Grande Guerre. Du passé de Krühl nous ne saurons rien : en 191611, il n’existe plus au monde que par un récit impossible de lui-même, forgé au fil de ses lectures. Comparé aux habitants de ce village côtier, il a beaucoup lu : essentiellement des textes ayant trait à l’histoire de la flibusterie, « les ouvrages d’Oexmelin, du capitaine Johnson, de Whitehead et de quelques autres auteurs »12 et un peu de poésie baudelairienne. Piochant de-ci, de-là des images, il se tisse une identité imaginaire qui se surimpose à celle de bourgeois désoeuvré sans pour autant la remettre en question. Sorte de pirate textuel, Krühl aborde tous les textes écrits sous le même angle et confond pillage de textes et imagination. La confrontation, pleine de sens et de saveur, de l'aventurier passif, Joseph Krühl, qui se contente de rêver aux pirates, et de l'aventurier actif, Simon Eliasar, occupé de chasse au trésor. Tous deux pourtant s'embarquent ensemble et leur destin s'accomplira sur une île.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 61
EAN13 9782824711140
Langue Français

Extrait

P I ERRE MA C-ORLAN
LE CHAN T DE
L’ÉQU I P A GE
BI BEBO O KP I ERRE MA C-ORLAN
LE CHAN T DE
L’ÉQU I P A GE
1918
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1114-0
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A CHARLES MALEXIS,
En témoignage de grande amitié.
n
1Pr emièr e p artie
2CHAP I T RE I
LA CÔ T E
   le long des vitr es de la lanter ne p osé e sur la
soue où le co chon fouillait du gr oin une mar mite sonor e et malL é quilibré e .
La maison, plong é e dans l’ ombr e imp énétrable , ne se ré vélait p as tout de
suite .
On ap er ce vait incontestablement une sale p etite lueur , celle de la
lanter ne  : des flaques d’ e au qu’un r eflet doré dé celait traîtr eusement.
Une p orte ouv erte quelque p art dans le noir , v omit comme un four à
puddler la lumièr e d’une lamp e à p étr ole . Une silhouee féminine s’
encadra entr e les chambranles  ; des sab ots claquèr ent et traînèr ent sur la
pier r e du seuil.
―  Oh  ! g ast  ! aends, va  !
L’interje ction et le conseil s’adr essaient au p or c e x alté , qui se tint coi.
Alor s une v oix nasillarde pleura der rièr e le p etit comptoir que l’ on
ap er ce vait vaguement der rièr e une grande table encombré e de b outeilles
3Le chant de l’é quip ag e Chapitr e I
vides.
― A drienne , av ez-v ous donné à mang er au chat  ? el temps, ma
doué  ! et M. Krühl qui n’ est p as r entré .
―  Oui, M’dame  ! Certainement, M’dame , fit A drienne .
― Et quand il va r entr er av e c ses vêtements mouillés, g émit l’autr e
femme , il p our rira encor e le plancher de la chambr e . L’ entendez-v ous,
A drienne  ?
―  Oui, M’dame . J’ entends son p as.
En effet, de gr os soulier s entraient en lue av e c les cailloux de la côte .
elques injur es adr essé es aux auteur s r esp onsables de cee mise en
scène indiquèr ent neement que celui qu’ on aendait ne tarderait p as
à sortir du my stèr e .
Subitement, après av oir p osé sans hésitation un pie d dans une flaque
d’ e au pr ofonde , M. Krühl soufflant et de fort mauvaise humeur , p énétra
dans la grande salle de l’hôtel P lœdac dont A drienne , la ser vante , se hâta
de fer mer la p orte .
―  V ous app elez ça un temps, dit-il en s’adr essant à la vieille femme
qui p ortait la coiffe de Moëlan, et la coller ee blanche des dames de
imp erlé .
― Mon p auv r e monsieur Krühl, ma doué  ! A drienne va v ous fair e
chauffer un gr og.
― Parfaitement, dé clara M. Krühl. Elle va me fair e chauffer un gr og
av e c du tafia. Ça lui ira mieux au teint que de r ester là à me contempler
av e c des y eux comme des melons d’ e au.
― Ma doué  !
La jeune Br etonne s’ eng ouffra dans la cuisine et M. Krühl, ayant
accr o ché son imp er mé able à un clou, allong e a ses jamb es, r e vêtues de gr os
bas de laine , dans la dir e ction des quelques bûches qui ache vaient de se
consumer .
C’était un fort g aillard d’une cinquantaine d’anné es. Ses che v eux
grisonnaient aux temp es. Il rasait sa barb e et sa moustache . Son cou énor me
se mouvait à l’aise dans le col d’un chandail de laine d’un v ert délicat.
Il était vêtu en homme de sp ort, en joueur de g olf ou en p eintr e
futuriste  ; il p ortait sur sa tête imp osante une casquee de lainag e v erdâtr e .
Ses soulier s de chasse valaient, étant donné e l’ép o que , une centaine de
4Le chant de l’é quip ag e Chapitr e I
francs et ce détail enthousiasmait M ᵐᵉ P lœdac qui en avait conçu de la
vanité .
― Bouh  ! b ouh  ! p euh  ! souffla M. Krühl en cher chant sa pip e . Et ce
gr og, oh g ast  !
A drienne , p ortant le liquide , s’ empr essa.
― Mer ci, Rob ert, dit M. Krühl.
C’était une de ses manies d’ or ner la ser vante d’un nom masculin qu’il
variait, selon son humeur et la couleur de ses cravates.
and il eut absorbé son gr og, il b our ra sa pip e , l’alluma et frissonna
d’aise .
― J’ai été pris p ar la pluie , entr e Belon et K er-Go ez. V ous p ensez si j’ai
fait vite p our r e v enir . Sale nuit. On n’y v oit p as à un mètr e . J’ai e xploré
toutes les fondrièr es de la r oute et j’ai constaté la pr ofondeur de tous les
fossés. . . T u p eux aller te coucher , ma b elle , dit-il en r eg ardant A drienne ,
ça t’ira aussi bien que de r ester là à te balancer comme un fanal au b out
d’une corde .
― Ah  ! glapit la vieille dame , et la lanter ne qui est r esté e dehor s,
A drienne  !
La ser vante , ayant rép aré cet oubli, r e vint dans la grande salle . M ᵐᵉ
P lœdac tricotait. Krühl baillait, les joues enfoncé es dans le col de son
chandail.
― Pointe est-il v enu  ? demanda-t-il entr e deux bâillements.
― Nous ne l’av ons p as v u aujourd’hui.
― Évidemment, cee vache-là a dû r ester à Pont- A v en. Je le v ois très
bien av e c une cuite dans le cr eux de l’ estomac. Le douanier n’ est p as v enu
non plus  ? Non. . . Et toi, Bilitis, tu ne sais p as jouer aux cartes, natur
ellement.
La ser vante se mit à rir e .
―  Comment, qu’v ous av ez dit, monsieur Krühl, Bili. . .  ?
―  Tiens, chante-nous quelque chose , A drienne . . . quelque chose en
br eton. . . Non  ? Mon Dieu, que tu es bête  ! Alor s ne chante p as.
― La p etite Marie- Y v onne est v enue , av e c son chien qu’ elle app elle
son compèr e , dé clara M ᵐᵉ P lœdac sans le v er le nez  ; c’ est une v raie fille
de la côte  ; elle mang e la cotriade et b oit du cidr e av e c les pê cheur s. Car
nous av ons eu aujourd’hui une bar que de Gâv r es  : des vieux. Il n’y a
5Le chant de l’é quip ag e Chapitr e I
plus que des vieux, maintenant. Le fils à Mor e au a été tué aussi. Son pèr e ,
v ous sav ez bien, celui que v ous av ez v u ici en p er mission, il est à b ord
d’un p atr ouilleur .
M. Krühl ne rép ondit p as. Il se le va aussitôt et s’appr o cha d’ A drienne ,
qui tout aussitôt se colla le dos contr e la cloison en planches qui sép arait
la salle à mang er des p ensionnair es de la grande piè ce où l’ on ser vait à
b oir e aux matelots.
― elle tourte  ! elle tourte  ! se désola Krühl. Ne dirait-on p as que
je suis cet êtr e r ep oussant dont p arle l’ Ap o caly pse . Tiens, jeune fleur
d’anchois, donne-moi un autr e gr og, av e c du r uy s et du citr on. T u n’avais p as
mis de citr on dans l’autr e .
Il r eg arda le plafond et lança la fumé e de sa pip e sur une araigné e qui
glissait comme une g oue d’ e au au b out de son fil.
― Ah  ! M ᵐᵉ P lœdac, c’ est la guer r e , et je n’ en v ois p as la fin, qui r
estet-il  : comptez un p eu. . . Il y a Pointe . Pointe est plus saturé d’alco ol qu’un
alambic  ; ma p ar ole , je n’ ose plus allumer ma cig ar ee à côté de lui.
Mor e au répète tout le temps la même chose et Bébé-Salé prép ar e av e c
ardeur sa tr oisième a&

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