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21 et 22

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Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis Hachette, 1862(pp. 71-82).
433. —— DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
e À Livry, mercredi 21août.
En vérité, ma bonne, vous devriez bien être ici avec moi ; j’y suis venue ce matin toute seule, fatiguée et lasse de Paris, jusqu’au point de n’y pouvoir durer. Notre abbé est demeuré pour quelques affaires ; pour moi, qui n’en ai point jusqu’à samedi, me voilà. Je prendrai demain ma troisième petite médecine en paix et en repos ; je marcherai beaucoup : je m’imagine que j’en ai besoin. Je penserai extrêmement à vous, pour ne pas dire continuellement : il n’y a ni lieu ni place qui ne me fasse souvenir que nous y étions ensemble il y a un an. Quelle différence ! Il m’est doux de penser à vous ; mais l’absence jette une certaine amertume qui serre le cœur : ce sera pour ce soir la noirceur des pensées. Je me fais un plaisir de vous entretenir dans ce petit cabinet que vous connoissez ; rien ne m’interrompt.
[1] J’ai laissé M. de Coulanges bien en peine de M. de Sanzei. Pour M. de la Trousse, depuis mes chers romans, je n’ai rien vu de si parfaitement heureux que lui. N’avez-vous point vu un prince qui se bat jusqu’à l’extrémité ? un autre s’avance pour voir qui peut faire une si grande résistance : il voit l’inégalité du combat ; il en est honteux ; il écarte ses gens ; il demande pardon à ce vaillant homme, qui lui rend son épée, à cause de son honnêteté, car sans lui il ne l’eût jamais rendue ; il le fait son prisonnier ; il le reconnoît pour un de ses amis, du temps qu’ils étoient tous deux à la cour d’Auguste ; il traite son prisonnier comme son propre frère ; il le loue de son extrême valeur ; mais il me semble que le prisonnier soupire ; je ne sais s’il n’est point amoureux : je crois qu’on lui permettra de revenir sur sa parole ; je ne [2] vois pas bien où la princesse l’attend, et voilà toute l’histoire.
Quand je vous mande de certaines choses de Versailles, je les apprends ou de Monsieur le Premier, que je vois assez souvent, et chez lui, et chez moi, et chez Mmes de Lavardin ou de la Fayette, ou de Monsieur le grand maître, ou du fils de M. de la Rochefoucauld : ces auteurs-là ne sont pas méchants ; ils ne veulent jamais être cités pour les moindres bagatelles. Il y a des gens bavards dont je ne prends [3] jamais les nouvelles. Voulez-vous savoir ce que les valets de chambre ont écrit? Vous savez comme en un certain lieu on aime les lettres ridicules. L’un fait un [4] inventaire de ce qu’il a perdu son étui, sa tasse, son buffle, son caudebec. [5] « C’étoit, dit-il, un désordre du diable; ma foi, si j’avois été général, cela ne seroit pas arrivé. » Un autre dit : « Nous avons été joliment téméraires : nous n’étions que [6] sept mille hommes, nous en avons attaqué vingt-six; aussi faut voir comme nous avons été frottés. » Un autre dit : « Nous nous sommes sauvés le plus diligemment que nous avons pu, et si nous n’avons pas laissé d’avoir grand’peur.» Vous voyez [7] qu’il y a des garçons pâtissiers partout. Il faut avoir, ma bonne, un étrange loisir pour vous conter de telles sottises.
Le mari de votre nourrice vint avant-hier crier miséricorde au logis, que sa femme lui avoit mandé qu’on ne lui donnoit pas ses aliments, et qu’on l’avoit accusée d’avoir du mal ; qu’elle s’étoit dépouillée toute nue devant vous pour vous faire voir le contraire. Pour le premier article, je lui dis que sa femme, c’étoit la plus difficile, la plus méchante, la plus colère du monde, et qu’il n’y avoit pas moyen de la contenter ; que céans elle avoit pensé nous faire enrager, qu’à Grignan on donnoit à la nourrice tout ce qu’il y avoit de meilleur sur la table. Pour l’autre article, je lui dis qu’il étoit fou, et que je ne croyois pas ce qu’il me disoit. Il s’emporta, et dit qu’après l’honneur il n’y avoit plus rien, que si sa femme avoit du mal, elle étoit une p…. et qu’il me vouloit faire voir qu’il n’en avoit point. Sur cela, il fit comme s’il eût voulu se déshabiller ; je le fis sortir de ma chambre ; il le fit en disant cent sottises et qu’il alloit se plaindre à Mme de Villars, et l’histoire finit ainsi. Donnez-moi quelque lumière sur cette belle aventure.
Vous parlez si dignement du cardinal de Retz et de sa retraite, que pour cela seul, vous seriez digne de son amitié et de son estime. Je vois des gens qui disent qu’il devroit venir à Saint-Denis, et ce sont ceux-là même qui trouveroient le plus à redire, s’ilvenoit. On voudroit, àuel uerix uece soit, ternir la beauté de son
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