UN ROI SANS DIVERTISSEMENT, livre deJean GionoPhilippe DULAC (agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'Écolenormale supérieure)Rédigé à la fin de l'été 1946, en à peine plus d'un mois, publié en1947, Un roi sans divertissement est le premier d'une série de récitsd'un genre nouveau chez Jean Giono : celui des chroniquesromanesques. Au contraire des romans d'avant guerre, comme LeChant du monde (1934), Le Grand Troupeau (1931) ou Bataillesdans la montagne (1937), qui construisaient des mythologiesintemporelles où la nature tenait le rôle principal, ces œuvress'inscrivent dans le temps et placent l'homme au premier plan : « Ils'agissait pour moi, écrit l'auteur en 1962, de composer leschroniques, ou la chronique, de ce „Sud imaginaire“ dont j'avais,pour mes romans précédents, composé la géographie et lescaractères [...]. Je voulais, par ces chroniques, donner à cetteinvention géographique sa charpente de faits-divers (tout aussiimaginaires). »1. Un fait-divers sous Louis-PhilippeC'est donc sur un fait-divers, dont l'histoire est reconstituée par unnarrateur contemporain de Giono, que s'ouvre Un roi sansdivertissement : les disparitions mystérieuses de paysans dans unpetit village du Trièves (Dauphiné), durant l'hiver de 1843. Dépêchéesur place, la gendarmerie, avec à sa tête le capitaine Langlois,enquête et surveille en vain : les rapts continuent, et un cochon estretrouvé tailladé à coups de lame. Par hasard, un villageois surprendun étranger ...
Philippe DULAC (agrg de lettres modernes, ancien lve de l'colenormale suprieure)
Rdig la fin de l't 1946, en peine plus d'un mois, publi en1947,Un roi sans divertissementest le premier d'une srie de rcitsd'un genre nouveau chez Jean Giono : celui des chroniquesromanesques. Au contraire des romans d'avant guerre, commeLeChant du monde(1934),Le Grand Troupeau(1931) ouBataillesdans la montagne(1937), qui construisaient des mythologiesintemporelles o la nature tenait le rle principal, ces Ïuvress'inscrivent dans le temps et placent l'homme au premier plan : Ç Ils'agissait pour moi, crit l'auteur en 1962, de composer leschroniques, ou la chronique, de ce ãSud imaginaireÒ dont j'avais,pour mes romans prcdents, compos la gographie et lescaractres [...]. Je voulais, par ces chroniques, donner cetteinvention gographique sa charpente de faits-divers (tout aussiimaginaires). È
1. Un fait-divers sous Louis-Philippe
C'est donc sur un fait-divers, dont l'histoire est reconstitue par unnarrateur contemporain de Giono, que s'ouvreUn roi sansdivertissement: les disparitions mystrieuses de paysans dans unpetit village du Trives (Dauphin), durant l'hiver de 1843. Dpchesur place, la gendarmerie, avec sa tte le capitaine Langlois,enqute et surveille en vain : les rapts continuent, et un cochon estretrouv taillad coups de lame. Par hasard, un villageois surprendun tranger sortant des frondaisons d'un grand htre (o l'onretrouvera les cadavres des disparus). Intrigu, il le suit jusqu'Chichiliane, de l'autre ct de la montagne. L, il demande quiappartient la maison bourgeoise o il a vu entrer cet inconnu. C'estcelle de M.V., M. Voisin, explicite Giono dans le manuscrit, c'est--dire non pas un monstre, mais Ç un homme comme les autres È.Alert, Langlois se rend au bourg avec une escouade. Puis il convaincM.V. de sortir dans la rue, change quelques mots avec lui avant del'abattre de deux coups de pistolet dans le ventre.Langlois dmissionne alors de la gendarmerie, mais demeure dans levillage du Trives. Le procureur royal, son ami, le fait nommercommandant de louveterie. Un loup norme dcimant les troupeaux,Langlois organise une battue, accule l'animal la montagne et letue, comme il l'a fait de M.V. : Ç Ainsi donc, tout a, pour en arriverencore une fois ces deux coups de pistolet tirs la diable, aprs