Zevaco marie rose - La Mignon du Nord
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Extrait

MICHEL ZÉVACO / La Mien©» Su Nord ÉDITIONS JULES TALLANDIER 75, Rue Dareau -:- PARIS (XIVe) La Mignon du Wmû CHAPITRE PREMIER NUIT DE DRAME Lille, cette nuit-là, était en fête ; ses rues mises en gaîtê par des bandes d'étudiants ; ses brasseries ruisselantes de rires ; son théâtre ouvert, s^s concerts regorgeant de spec­ tateurs... c'était la Noël. Chez M. Lemercier de Champlieu, procureur de la République près la Cour de Douai, en vacances à Lille, il y avait grande réception enfantine, arbre de Noèl et fête familiale, de neuf heures à minuit., Rue Royale, en plein quartier aristocratique, c'était un de ces vieux hôtels flamands. C'est là qu'habitait le procureur. Ou, du moins, c'est là qu'il passait ses vacances. Il s'appelait Lemercier. Mais, depuis son mariage avec l'héritière des Champlieu, il signait : Lemercier de Champlieu. Le journal conservateur de Douai, dans ses comptes rendus de Cour d'assises, l'appelait : M. de Champlieu. Hélène de, sa jeune femme, demeurai* au contraire toute l'année dans l'antique hôtel de la rue Royale qu'elle avait apporté en dot au magistrat, sans compter d'importants domaines dans le Cambrésis, et sans compter, encore, trois millions placés en rente sur l'État. Hélène était orpheline. Sa mère était morte depuis dix ans. Quant à son père, le marquis de Champlieu, il avait succombé à une attaque d'apoplexie trois jours après l'union d'Hélène avec Lemercier, MARIE-ROSE 8 Comment Lemercïer, assez pauvre, sans talent, presque laid, avait-il pu épouser l'unique héritière de la fortune des Champlieu, cette jeune fille idéalement belle, si vrai­ ment belle que, dans les rues, elle laissait derrière elle comme un sillage d'admiration ? "Pourquoi les deux époux vivaient-ils séparés, ne se voyant qu'à Noël, Pâques et grandes vacances ? Tel était ce double problème que la haute bourgeoisie et l'aristocratie lilloises s'étaient en vain efîorcées de résoudre. Seul peut-être le vieux marquis de Champlieu eût pu donner la clef du mystère ; mais, s'il y avait un secret, il l'avait emporté dans la tombe... Mort de désespoir, disaient les uns ; tué par une honte ignorée, chuchotaient d'autres qui allaient jusqu'à parler de suicide. Le mariage de Lemercier et d'Hélène avait coïncidé avec un double événement auquel la société lilloise n'avait prêté d'ailleurs qu'une attention passagère, mais qu'il est de notre devoir 'de rapporter ici. La veille du jour où le vieux marquis de Champlieu donna son consentement à cette union, était arrivée à Lille une étrange et belle jeune fille de dix-sept ans qui ne devait pas tarder à s'imposer aux maisons les plus fermées. Elle était remarquable, l'œil noir, la lèvre rouge, la che­ velure magnifique, d'un blond ardent. On la croyait Russe ou Polonaise. Elle se faisait simplement appeler la com­ tesse Fanny. Elle vivait seule avec une gouvernante. D'après le train qu'elle menait, elle devait être immensé­ ment riche. Seule, jeune, sans famille, elle tenait les hommes à dis­ tance et avait acquis en peu de temps une réputation d'étrangeté et aussi d'honnêteté scrupuleuse. Voici maintenant le deuxième fait : Huit jours après le mariage, disparut de Lille, sans qu'on pût savoir ce qu'il était devenu, un jeune homme nommé Pierre Latour. C'était un peintre de grand talent, un artiste d'enver­ gure et espoir de la vieille cité qui, de tout temps, fut l'amie et la généreuse protectrice des arts. Il venait d'obtenir la deuxième médaille d'or au Salon. Ainsi donc, l'arrivée de la comtesse Fanny — la belle Fanny comme on l'appela vite — et la disparition sou­ daine, inexpliquée, de Pierre Latour, firent corps pour Ï.A. MIGNON DU NORD 9 ainsi dire avec le mariage d'Hélène de Champlieu et du procureur Lemercier. > De ce mariage, sept mois après la cérémonie, naquit avant terme une petite fille qui fut appelée Marie-Rose et qu'Hélène de Champlieu se mit à adorer, non pas seule­ ment avec ces trésors d'amour qai sont réserve dans le cœur des mères, mais avec une véritable passion, une sorte d'emportement farouche et exclusif, comme si, pour elle, il n'y eût plus d'autre affection possible. C'est le quatrième anniversaire de Marie-Rose qu'en cette nuit de Noël on célébrait en l'hôtel de la rue Royale. Car l'enfant était née un 25 décembre. Dans l'antique et somptueuse demeure des Champlieu, tout ce que Lille comptait de familles notables par la for­ tune ou la situation s'était réuni. L'hôtel ruisselait de lumières. Onze heures. La fête va bientôt finir. Car chaque famille, après acte de présence chez le procureur, doit se retirer vers de plus intimes fêtes de Noël, et il ne s'agit plus que d'une grande distribution aux nombreuses petites amies de Marie-Rose. Traversons donc l'immense salon où une foule de bam­ bins et de fillettes se pressent autour d'un arbre de Noël gigantesque et tout couvert de jouets. Et pénétrons dans le cabinet de M. Lemercier de Champlieu, vaste pièce riche­ ment ornée d'une bibliothèque sévère, d'une table incrustée de cuivres précieux et de tentures datant de Louis XIV. » Debout devant la table, le procureur considérait une enveloppe sur laquelle son nom avait été tracé d'une écriture fine et menue, toute en coups de griffe. - A l'appel du timbre sur lequel il venait d'appuyer, son valet de chambre parut. •— Qui a apporté cette lettre ? demanda-t-il. — Je l'ignore, monsieur, répondit le domestique. — Comment est-elle ici? Est-ce vous quil'avez déposéelà? -— Non, monsieur. Sévèrement dressé, le valet de chambre répondait sans se permettre une observation, mais il était évident que la présence de cette lettre si mystérieusement arrivée sur cette table lui causait un étonnement qui confinait à, la terreur. 10 MARIE-ROSE Un Signe le fit sortir. Le procureur s'assit. Il saisit l'enveloppe et, les sourcils contractés, la regarda fixement sans l'ouvrir. Il était en habit. C'était un homme de quarante ans, de haute taille, sec et anguleux, bilieux de teint, avec des lèvres minces, un regard fuyant. Il eut un haussement d'épaules, et violemment, déchira l'enveloppe. Un mince carré de bristol s'en échappa, sur lequel il lut avidement quelques lignes tracées de cette même écriture en coups^de griffe que nous avons signalée. « Marie-Rose n'est pas votre fille. Marie-Rose est née à o sept mois. Pour surprendre l'amant de votre femme, « veillez ce soir après la fête. Il est inutile qu'on vous le « désigne. Vous ne l'avez vu qu"une fois, mais en l'une de n ces circonstances dont le souvenir demeure impéris- « sable. » Le magistrat fie poussa pas un cri, ne fit pas un geste. Seulement son visage livide s'injecta de fiel. Il lut une deuxième et une troisième fois, et machinale­ ment il défit sa cravate blanche, arracha le bouton qui maintenait son col. Alors il respira, avec un long et rauque soupir. Une souffrance affreuse crispa les traits de son visage et ses yeux généralement vitreux devinrent sanglants. — C'est vrai ! gronda-l-il. Impossible que ce ne soit pas vrai !... Enfer ! qu'ai-jo donc à tant souffrir ?... Est-ce que je l'aime ?... Insensé ! Me suis-je donc mis à l'aimer ?... Ah ! que je souffre !... Les tenir... tous deux..', là... sous ma main ! Me venger 1 oh ! me venger !... Je veux... oh ! je veux que ce soit effroyable !... Brusquement, il fut debout, se regarda dans une glace. Il lui semblait voir un personnage inconnu. Par degrés, par un effort soutenu de toute sa volonté, il se calma. Alors, en vacillant, il passa dans son cabinet de toi­ lette, se rafraîchit à grande eau, répara le désordre de ses vêtements, remit une cravate que, de ses doigts trem­ blants, il parvint à nouer, et il descendit au salon. La plupart des invités étaient parlis. Le procureur, s'arrêtant dans l'encadrement d'une por­ tière, arriva au moment où une jeune femme penchée sur la'petite Marie-Rose l'embrassait en disant : LA MIGNON DU NORD 11 — Quelle adorai)!e enfant... On dirait, à la voir a\cc ses veux bleus, son teint un peu hâlé, ses longs cheveux biuns, on dirait une petite Mignon... - Hélène Lcmercier de Champlieu, la femme du procu­ reur, tressaillit ; un nuage voila son beau visage mélan­ colique et tendre. • — Ah ! comtesse Fanny, s'écria-t-elle, que me dites- vous là î Quelle épouvante si ma fille allait être destinée à souffrir comme Mignon !... Si ce que vous dites allait être un présage !„.. i Et nerveusement, la mère serra dans ses bras la fillette, comme pour la défendre. A ce moment, la jeune femme qui venait d'efîraje,.- Mme de Champlieu par cette comparaison théâtrale aperçut le procureur qui contemplait ce groupe, et elle eut un sourire aigu. — Oh ! madame, fit-elle, ce n'est qu'une idée de jeune fille romanesque... mais enfin, vous avez raison d'avoir peur... Il y a si souvent de ces enlèvements d'enfants !... Et tenez, ne signale-t-on pas justement des passages de troupes bohémiennes venues du nord et qui s'enfoncent dans l'intérieur de la France ?... X Hélène frissonna et ce frisson étonna l'enfant. - — Maman, ma petite maman chérie, qu'as-tu donc ? murmura Marie-Rose en jetant ses d.eux bras au cou de sa mère. Celle qu'Hélène venait d'appeler « comtesse Fanny » jeta un nouveau regard à la dérobée sur le procureur, et con­ tinua : •— J'ai vu moi-même une de ces troupes, aujourd'hui, sur la route de Seclin, à trois lieues environ, en revenant de iaire ma quotidienne promenade à cheval... Ces gens étaient arrêtés au rebord du fossé de la route... Ils étaient hideux, je vous assure... -1 —• Mademoiselle... de grâce... supplia Hélène en étrei- gnant sa fille. Puis elle murmura : — Suis-je folle !... Suis-je nerveuse de m'inquiélcr ainsi !... EL pourtant !... ' La comtesse Fanny se pencha en riant sur Marie-Rose et l'embrassa : — Adieu, petite Mignon ! fit-elle. » —, madame, iepoad.it gravement l'enfant. Vous êtes méchante de iaire peur à maman. MARIE-ROSE 12 Faruvy
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