Locus Solus
228 pages
Français

Locus Solus

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Description

Chez l’écrivain Raymond Roussel, Locus Solus est le nom d’une vaste propriété où un savant génial dévoile à ses visiteurs ses inventions étonnantes. La technologie la plus avancée (et parfois la plus délirante) est mise en oeuvre pour créer des machines aux effets étranges, où l’art est omniprésent. Extrait : Actionnées par d'invisibles roues dentées en rapport avec le mécanisme des chronomètres, les tiges, par une grande variété de progressions et de reculs, pouvaient donner aux miroirs toutes sortes d'inclinaisons 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 45
EAN13 9782824711423
Langue Français

Extrait

RA YMON D ROUSSEL
LO CUS SOLUS
BI BEBO O KRA YMON D ROUSSEL
LO CUS SOLUS
1914
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1142-3
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
   commençant av ril, mon savant ami le maîtr e Martial
Canter el m’avait convié , av e c quelques autr es de ses intimes,C à visiter l’immense p ar c envir onnant sa b elle villa de
Montmor ency .
Locus Solus — la pr opriété se nomme ainsi — est une calme r etraite où
Canter el aime p our suiv r e en toute tranquillité d’ esprit ses multiples et
fé conds travaux. En ce lieu solitaire il est suffisamment à l’abri des
agitations de Paris — et p eut cep endant g agner la capitale en un quart d’heur e
quand ses r e cher ches né cessitent quelque station dans telle bibliothè que
sp é ciale ou quand ar riv e l’instant de fair e au monde scientifique , dans une
confér ence pr o digieusement cour ue , telle communication sensationnelle .
C’ est à Locus Solus que Canter el p asse pr esque toute l’anné e , entouré
de disciples qui, pleins d’une admiration p assionné e p our ses continuelles
dé couv ertes, le se condent av e c fanatisme dans l’accomplissement de son
œuv r e . La villa contient plusieur s piè ces luxueusement aménag é es en
1Lo cus Solus Chapitr e I
lab oratoir es mo dèles qu’ entr etiennent de nombr eux aides, et le maîtr e
consacr e sa vie entièr e à la science , aplanissant d’ emblé e , av e c sa grande
fortune de célibatair e e x empt de char g es, toutes difficultés matérielles
suscité es au cour s de son lab eur achar né p ar les div er s buts qu’il
s’assigne .
T r ois heur es v enaient de sonner . Il faisait b on, et le soleil étincelait
dans un ciel pr esque unifor mément pur . Canter el nous avait r e çus non
loin de sa villa, en plein air , sous de vieux arbr es dont l’ ombrag e env
elopp ait une confortable installation compr enant différ ents sièg es d’ osier .
Après l’ar rivé e du der nier conv o qué , le maîtr e se mit en mar che ,
guidant notr e gr oup e , qui l’accomp agnait do cilement. Grand, br un, la
physionomie ouv erte , les traits régulier s, Canter el, av e c sa fine moustache
et ses y eux vifs où brillait sa mer v eilleuse intellig ence , accusait à p eine
ses quarante-quatr e ans. Sa v oix chaude et p er suasiv e donnait b e aucoup
d’arait à son élo cution pr enante , dont la sé duction et la clarté faisaient
de lui un des champions de la p ar ole .
Nous cheminions depuis p eu dans une allé e en p ente ascendante fort
raide .
A mi-côte nous vîmes au b ord du chemin, deb out dans une niche de
pier r e assez pr ofonde , une statue étrang ement vieille , qui, p araissant
formé e de ter r e noirâtr e , sè che et solidifié e , r eprésentait, non sans char me ,
un souriant enfant nu. Les bras se tendaient en avant dans un g este d’
offrande , — les deux mains s’ ouv rant v er s le plafond de la niche . Une p etite
plante morte , d’une e xtrême vétusté , s’éle vait au milieu de la de xtr e , où
jadis elle avait pris racine .
Canter el, qui p our suivait distraitement son chemin, dut rép ondr e à
nos questions unanimes.
«  C’ est le Fé déral à semen-contra v u au cœur de T omb ouctou p ar Ibn
Batouta, » dit-il en montrant la statue , — dont il nous dé v oila ensuite l’
origine .
††
Le maîtr e avait connu intimement le célèbr e v o yag eur Échenoz, qui
lor s d’une e xp é dition africaine r emontant à sa prime jeunesse était allé
jusqu’à T omb ouctou.
S’étant p énétré , avant le dép art, de la complète bibliographie des
ré2Lo cus Solus Chapitr e I
gions qui l’airaient, Échenoz avait lu plusieur s fois certaine r elation du
thé ologien arab e Ibn Batouta, considéré comme le plus grand e xplorateur
du X I V ᵉ siè cle après Mar co Polo .
C’ est à la fin de sa vie , fé conde en mémorables dé couv ertes g é
ographiques, alor s qu’il eût pu à b on dr oit g oûter dans le r ep os la plénitude de
sa gloir e , qu’Ibn Batouta avait tenté une fois encor e une r e connaissance
lointaine et v u l’énigmatique T omb ouctou.
Durant sa le ctur e Échenoz avait r emar qué entr e tous l’épiso de
suivant.
and Ibn Batouta entra seul à T omb ouctou, une silencieuse
consternation p esait sur la ville .
Le trône app artenait alor s à une femme , la r eine Duhl-Sér oul, qui, à
p eine âg é e de vingt ans, n’avait p as encor e choisi d’ép oux.
Duhl-Sér oul souffrait p arfois de ter ribles crises d’aménor rhé e , d’ où
résultait une cong estion qui, aeignant le cer v e au, pr o v o quait des accès
de folie furieuse .
Ces tr oubles causaient de grav es préjudices aux natur els, v u le p
ouv oir absolu dont disp osait la r eine , pr ompte dès lor s à distribuer des ordr es
insensés, en multipliant sans motif les condamnations capitales.
Une ré v olution eût pu é clater . Mais hor s ces moment d’ab er ration
c’était av e c la plus sag e b onté que Duhl-Sér oul g ouv er nait son p euple , qui
rar ement avait g oûté règne aussi fortuné . A u lieu de se lancer dans
l’inconnu en r env er sant la souv eraine , on supp ortait p atiemment les maux
p assag er s comp ensés p ar de longues p ério des florissantes.
Par mi les mé de cins de la r eine aucun jusqu’alor s n’avait pu enray er
le mal.
Or à l’ar rivé e d’Ibn Batouta une crise plus forte que toutes les pré
cédentes minait Duhl-Sér oul. Sans cesse il fallait, sur un mot d’ elle , e x é cuter
de nombr eux inno cents et brûler des ré coltes entièr es.
Sous le coup de la ter r eur et de la famine les habitants aendaient
de jour en jour la fin de l’accès, qui, se pr olong e ant contr e toute raison,
r endait la situation intenable .
Sur la place publique de T omb ouctou se dr essait une sorte de fétiche
auquel la cr o yance p opulair e prêtait une grande puissance .
3Lo cus Solus Chapitr e I
C’était une statue d’ enfant entièr ement comp osé e de ter r e sombr e —
et jadis fondé e en de curieuses cir constances sous le r oi For ukk o , ancêtr e
de Duhl-Sér oul.
Possé dant les qualités de sens et de douceur r etr ouvé es en temps
normal chez la r eine actuelle , For ukk o , é dictant des lois et p ayant de sa p
ersonne , avait p orté haut la pr osp érité de son p ay s. Agr onome é clairé , il
sur v eillait lui-même les cultur es, afin d’intr o duir e maints fr uctueux p
erfe ctionnements dans les métho des caduques touchant les semailles et la
moisson.
Émer v eillé es de cet état de choses, les tribus limitr ophes s’allièr ent
à For ukk o p our pr ofiter de ses dé cr ets et avis, non sans g arder chacune
son autonomie av e c le dr oit de r epr endr e à son gré une indép endance
complète . Il s’agissait là d’un p acte d’amitié et non de soumission, p ar
le quel on s’ eng ag e a en outr e à se co aliser au b esoin contr e un ennemi
commun.
A u milieu d’un fol enthousiasme dé chaîné p ar la dé claration
solennelle de l’immense union accomplie , on résolut de cré er , en guise d’
emblème commémoratif apte à immortaliser l’é clatant é vénement, une
statue faite uniquement de ter r e prise au sol des div er ses tribus conjointes.
Chaque p euplade env o ya son lot, en choisissant de la ter r e vég étale ,
sy mb ole de l’ab on

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