TÉMOIGNAGE PEINE À RIRE : ASSOCIATIONS LIBRES D'UN PSYCHANALYSTE ...

Manon

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TÉMOIGNAGE PEINE À RIRE : ASSOCIATIONS LIBRES D'UN PSYCHANALYSTE ...

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• Publié par: ozuropyr
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• Langue: Français

Extrait

Revue québécoise de psychologie (2004), 25(1), 133-139

TÉMOIGNAGE

PEINE À RIRE : ASSOCIATIONS LIBRES D’UN PSYCHANALYSTE

SUR L’HUMOUR

Je ne plaisante jamais avec l’humour.

(Karinthy, 1953/1993)

Il n’y a pas d’inconvénient à ce qu’un médecin psychiatre, fût-il

psychanalyste, écrive sur l’humour. Il ne lui est même pas nécessaire

d’être humoriste.

1. Pour prendre mes précautions, j’ai consulté les dictionnaires. Un

humoriste y est (aussi) un médecin spécialiste des troubles des humeurs.

Mais des humeurs au sens ancien, un spécialiste du mouvement des

fluides vitaux intérieurs, comme si l’humeur (au singulier et au sens

moderne, par exemple des DSM) était un vaste mouvement de fluides,

mouvement contradictoire et sans doute contrarié. On sait que la

mécanique des fluides est une mécanique compliquée, mais nous n’allons

pas avoir peur de celle-ci. La complexité est au fond notre domaine.

Nous passons donc, dans un premier temps, des troubles des

humeurs aux troubles de l’humeur. L’humeur, du coup, devient bonne ou

mauvaise, c’est selon. Selon un dualisme réducteur et qui, à la longue, finit

par obscurcir le débat. Voilà bien une simplification qui paraît faussement

alléger notre sujet. L’humeur, quelle que soit sa coloration est multiple et

mobile. La labilité émotionnelle des déments n’est que l’exagération de ce

que, nous tous, vivons tous les jours. Chaque jour, chaque heure est une

succession d’états d’âme qui nous font passer de la dépression (légère) à

la manie (modérée). Dans cette variabilité émotionnelle, on retrouve ce

continuum si discuté entre normal et pathologique.

La bonne humeur, celle qui rit et fait rire, n’est que la crête d’une

vague dont le soubassement inconscient est énorme. Et ce mouvement de

houle est surmonté lui-même de vaguelettes dues au vent du moment.

2. Deux vieux messieurs se retrouvent régulièrement lors de leur

promenade quotidienne. Ils échangent, tout aussi régulièrement, sur les

divers maux et maladies qui les atteignent. Ils discutent de la difficulté de

la vie, commentent les crises économiques et politiques. Nous sommes

tous un peu vieux quelque part! Un jour l’un d’entre eux déclare « Moi, je

suis un rigolo! »

Son ami réplique « Comment peux tu dire cela avec la tête que tu fais?

Avec ton front plissé, ton air sérieux et concentré… »