147_JA_FR TITRE: Homophobie et football La leçon de Chooz CHAPEAU ...
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147_JA_FR TITRE: Homophobie et football La leçon de Chooz CHAPEAU ...

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147_JA_FR
TITRE: Homophobie et football La leçon de Chooz
CHAPEAU: Chooz, 784 habitants, sa centrale nucléaire, son footballeur homosexuel…
Le coming out de Yoann Lemaire - cas unique dans un club de la Fédération française - a
bouleversé la vie du village des Ardennes. Malgré des résistances, les habitants sont
aujourd'hui convertis à la lutte contre les discriminations.
TEXTE: Trois bonnes heures de route, en voiture, depuis Paris. Passer Charleville-
Mézières, gagner la pointe des Ardennes, cette avancée française en territoire belge, y
dénicher précisément le bourg de Chooz, 784 habitants. Pour enfin rencontrer Yoann
Lemaire. Jeune homme d'exception puisque tout à la fois détenteur d'une licence de la
Fédération française de football (il joue au FC Chooz) et homosexuel assumé. Le seul en
France, croit savoir l'association Paris foot gay, qui se bat pied à pied depuis cinq ans
pour faire reculer l'homophobie dans le milieu du foot. A eux seuls, les 280 kilomètres
parcourus disent toute la persistance du tabou.
Joueur amateur, Yoann Lemaire, 26 ans, n'a pas le profil militant. Plutôt le genre
précurseur involontaire. Jovial et direct, une bouille de gamin trop vite monté en graine,
cheveux roux ébouriffés, yeux bleus et taches de rousseur sur un corps d'athlète (1,90m,
90kg), l'arrière du FC Chooz n'aime rien tant que sa tranquillité. Il est né dans la pointe
des Ardennes, y a toujours vécu, travaille comme technicien dans une usine locale de
briques réfractaires. Son univers est là: les collines boisées à perte de vue, l'étang pour
pêcher, un peu de chasse, davantage pour se promener et boire un coup que pour ramener
du gibier, et le club de foot où il joue depuis ses 13 ans avec les copains. En division
d'honneur régionale, pendant un temps, puis en première division de promotion du
département, où Chooz est champion cette année.
Agressivité intempestive
Idyllique bonheur rural, qui aurait pu virer au cauchemar. Car voilà qu'à 22 ans, Yoann se
découvre homosexuel. «Depuis mes 18 ans, j'avais une relation cachée avec un autre
joueur de foot. On ne se disait pas homos. On n'était pas des pédés quand même! On
préférait penser qu'on entretenait une amitié particulière… Faut dire que des homos, on
n'en avait même jamais vu physiquement. Et ici, dans les collines de la pointe des
Ardennes, où vivent des gens de la campagne, par rapport à tout ça, on reste très
basique…»
Parce qu'on commence à jaser, du jour au lendemain, son ami le quitte. Yoann réalise
qu'il en souffre. «J'étais donc amoureux… J'étais donc vraiment homo… Le drame! Ici,
l'homosexualité est une tare, un vice même, encore amalgamé à la pédophilie…» Plus
grave, encore, à ses yeux: «L'homo, c'est le gars efféminé qui ne sait pas taper dans une
balle!»
Le décès prématuré de son père achève de le déstabiliser. Yoann frôle la dépression et
collectionne les cartons rouges. Il se sent obligé de se justifier auprès de son entraîneur.
«Je lui ai dit que j'étais “homo avec tel joueur”, comme si je ne l'étais pas en général… et
que je ne supportais plus toutes ces insultes, en permanence, sur le terrain. Les “pédé”,
“pédale”, “tapette”. Que ça me faisait péter les plombs, même si je n'étais pas directement
visé.»
L'entraîneur, Pierre Cochaux, un ancien joueur professionnel que Yoann tient en grand
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respect, réagit avec stoïcisme. Cela lui est égal. Au moins comprend-il désormais
l'agressivité intempestive de son joueur. Progressivement, sur le ton de la plaisanterie,
Yoann poursuit donc les confidences. Ses coéquipiers n'en font pas une affaire. «Ils
savent, ils s'en foutent, on peut même en rire un peu.» Soulagement. D'autant qu'au même
moment, au hasard d'une émission de télévision, le joueur apprend l'existence du Paris
foot gay, à la fois association militante et équipe de foot réunissant homosexuels et
hétérosexuels.
«J'étais heu-reux!, se souvient-il. Je n'étais plus le seul footballeur gay, même si eux ne
pratiquent que le foot-loisir…» Yoann fait le déplacement à Paris («Deux jours, pas plus.
Là-bas, ça court tout le temps!»). Puis les dirigeants du Paris foot gay viennent découvrir
le bourg de Chooz, ses collines verdoyantes, la coquette place de la mairie, la centrale
nucléaire qui met du beurre dans les finances locales et, miracle, un club de foot de la
Fédération française où l'homosexualité n'est pas taboue.
Pionniers malgré eux
Un tournoi contre l'homophobie y est organisé, en juin 2006, qui doit aussi récolter des
fonds pour un jeune cancéreux. Il y a du monde. Mais pour la presse locale, la pointe des
Ardennes ne s'est mobilisée qu'en faveur du malade. L'homophobie passe à la trappe. Le
club et la mairie, eux, tiennent bon. Impossible de lâcher le petit gars du coin. Pionniers
malgré eux, les voilà embringués dans un combat qu'ils n'auraient pas spontanément
songé à mener. La mairie de Chooz est la première de France à adhérer à la charte contre
l'homophobie rédigée par le Paris foot gay. Le club de foot, le seul signataire de cette
même charte avec le Paris-Saint-Germain. Les joueurs portent un gros écusson «Carton
rouge à l'homophobie» sur la manche du maillot. Un panneau expliquant la démarche est
installé dans le club house.
La maire (PS) de Chooz, Michèle Marquet, salue «le courage qu'a eu Yoann d'enlever
son masque», de dire qui il est. Il est «totalement naturel», pour elle, de l'accompagner:
«Cela fait partie des beaux combats qu'on peut mener, comme celui contre le racisme.»
Plus terre à terre, le président du club de foot, Frédéric Coquet, ambulancier de métier,
reconnaît que tout cela l'a d'abord bien embarrassé: «Mais qu'est-ce que vous voulez
faire? Ce garçon est homo. Il en parle. Faut faire avec, et s'impliquer. C'est un gamin du
pays que je connais depuis l'adolescence, qui a toujours participé à la vie du club. On
devait tout faire pour éviter qu'il soit rejeté. Entre dirigeants, on en a tout de suite discuté.
Il y avait bien quelques personnes un peu réticentes, notamment par rapport à l'image du
club dans le district. On les a écoutées, on les écoute encore, mais on a pris la décision de
suivre Yoann, même si ce n'est pas facile tous les jours, la pédagogie de la tolérance, sur
le sujet…»
Côté joueurs aussi, il y a la poignée de ceux qui ne disent rien, mais n'en pensent pas
moins. Deux gars ont arraché le logo de leur maillot. Un troisième, un brin éméché, a
insulté Yoann lors d'une fête. Globalement, pourtant, c'est un soutien massif, comme en
témoigne un coéquipier de Yoann, Nadir Iboudghacen: «Tout le monde a le droit de jouer
au foot. Ceux qui pensent le contraire devraient déchirer leur licence. Nous, on se fait
bien traiter de bougnoules sur le terrain. C'est le même combat.»
«On fait avancer les mentalités»
Pas trop d'insultes non plus durant les derbys, ces matchs entre villages voisins où tout le
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monde se connaît. Le mètre quatre-vingt-dix et le tempérament impulsif de Yoann y sont
sans doute pour quelque chose… De nouveaux joueurs continuent de s'inscrire au club de
Chooz. Le partenariat avec le Paris foot gay ne fait donc pas fuir. Il a même ses
avantages: la venue à Chooz d'ex-joueurs professionnels, comme Vikash Dhorasoo,
parrain de l'association; les matchs au Parc des Princes à l'occasion du Tournoi
b.yourself, organisé par l'association chaque début juin…
Si on le pousse un peu, le petit gars du coin reconnaît qu'il est «un peu fier d'avoir été
réglo». Et surtout «très fier de son club», qui l'a soutenu. «Mine de rien, on fait avancer
les mentalités dans la “pointe”. A Chooz, sur les presque 800 habitants, il y a 315
licenciés au club. Maintenant, les homos existent, on en parle, on sait qu'ils peuvent jouer
au foot.» Pour la deuxième édition du tournoi contre l'homophobie, le 3 mai, les joueurs
se sont volontiers mobilisés pour préparer la fête, à laquelle 400 personnes ont participé.
Cette fois-ci, le district des Ardennes et les présidents des clubs environnants ont répondu
à l'invitation. Le président du club de Vireux, «un Italien, un peu macho», a même parlé
aux responsables du Paris foot gay, raconte, goguenard, le président du FC Chooz.
Comme souvent, les jeunes gays des environs en ont profité pour se confier à Yoann
Lemaire, pour le remercier de montrer que les homosexuels ressemblent à tout le monde.
«Une chose est sûre, se réjouit le footballeur, quand ces jeunes voient que les gens d'ici
peuvent encourager le Paris foot gay, ils ont moins peur.»
SIGNATURE: Pascale Krémer
envoyée spéciale à Chooz (Ardennes)
ENCADRé: Pascal Brèthes, président du Paris Foot Gay
"La même inertie que pour le racisme"
La belle histoire du FC Chooz est-elle révélatrice d'une évolution? Réponse franchement
mitigée du Paris foot gay (PFG). D'un côté, le PFG, depuis sa création en décembre 2003,
a enregistré quelques victoires. A commencer par le solide partenariat qui s'est noué avec
le Paris-Saint-Germain. Les militants de l'association gay avaient dénoncé l'homophobie
des supporteurs parisiens. Le PSG les a reçus. Un travail d'éducation, jusque dans les
lycées, a été mis en place. Signataire, en septembre 2007, de la charte contre
l'homophobie (qui prévoit notamment une reconnaissance de l'homophobie en tant que
discrimination, la prise de sanctions si nécessaire et le soutien aux joueurs ou entraîneurs
concernés), le club mène régulièrement des actions qui viennent rappeler son
engagement: banderoles «Non au racisme et à l'homophobie» installées dans le stade;
«Cartons rouges à l'homophobie» brandis dans les tribunes; coorganisation du Tournoi
b.yourself, en juin, au Parc des Princes; et rencontres entre joueurs du PFG et ex-joueurs
parisiens, avant les matchs officiels…
«Ces matchs, par exemple, se passent de mieux en mieux, constate le président du PFG,
Pascal Brèthes. Nous essuyons de moins en moins d'insultes. Peut-être parce qu'au
premier match, on leur a mis 14-0!»
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Autre avancée: l'Union européenne de football (UEFA), sous la présidence de Michel
Platini, prend conscience du problème. FARE, le réseau européen de lutte contre le
racisme dans le football, l'a même érigée en combat de l'année. La Ligue de football
professionnelle doit signer le 8juin la Charte contre l'homophobie, suivant l'exemple des
ligues anglaise, allemande et belge.
Une signature discrète, néanmoins. Sollicité, le président de la Ligue, Frédéric Thiriez,
nous fait répondre qu'il «ne souhaite pas intervenir directement sur la question de
l'homophobie actuellement». Pascal Brèthes ne s'en étonne pas: «Cela fait trois ans qu'on
court après la Ligue et la Fédération. Qu'on leur écrit, qu'on les interpelle, sans guère de
réponse.»
Hormis le PSG, et le minuscule club de Chooz, aucun club de football n'a souhaité
s'impliquer. L'OM, Toulouse, Sedan et Nancy, notamment, ont été contactés
infructueusement.
Carrières brisées
Pendant ce temps, banderoles et cris insultants demeurent, dans tous les stades, d'une
extrême banalité. «A Marseille, une tribune entière hurle: “Il faut tuer ces pédés de
Parisiens”, ou “Oh, hisse enculé!” à chaque dégagement du gardien. On brandit aussi des
banderoles “PSG-Pédo sado gays”… A Bastia, après des insultes racistes contre un
joueur burkinabé, une banderole précise: “On n'est pas racistes, la preuve: on t'encule!”
Tout cela dure depuis des années et ne semble déranger personne. Il n'y a quasiment
jamais de poursuites. C'est la même inertie des instances dirigeantes du football que pour
le racisme», soupire Pascal Brèthes. Ni les joueurs, qui s'échangent des gracieusetés sur
le terrain, ni les dirigeants ne donnent l'exemple. Louis Nicollin, président du club de
Montpellier, a traité ses détracteurs et adversaires de «pédés» en conférence de presse,
avant de s'excuser. «Pas étonnant, dans cette ambiance hostile, qu'aucun joueur
professionnel n'ose parler», remarque Pascal Brèthes. Si ce n'est à retardement, comme
Olivier Rouyer, ancien joueur et entraîneur nancéen, ex-international, qui a attendu ses 52
ans. «Et pourtant, note M. Brèthes, des joueurs professionnels en activité [homosexuels],
il y en a… Et pas des mauvais! Mais dans notre championnat, ils se cachent. Dans le
contexte actuel, parler reviendrait à un suicide professionnel. On sait que les
équipementiers leur demandent de s'afficher avec des femmes. Et que dans les sports
collectifs, les entraîneurs veulent des gens lisses, comme tout le monde, de peur que ne se
brise la solidarité du groupe.» Les rares exemples étrangers de joueurs ayant révélé leur
homosexualité se sont soldés par des carrières brisées, et même un suicide.«Le football
est un milieu où l'on n'aime guère ceux qui sortent des clous», résumait Olivier Rouyer,
lors de son coming-out dans L'Equipe magazine, en février. D'évidence, le PFG n'est pas
près de raccrocher les crampons.
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