COMPTE RENDU DU COLLOQUE SUR LA MER NOIRE
« Géopolitique de la mer Noire : enjeux et perspectives »
Mardi 3 juin 2008, Ambassade de Roumanie en France
Allocutions d’ouverture :
Teodor Baconschi, Ambassadeur de Roumanie en France :
Ce dernier, après avoir accueilli les participants au colloque, donne lecture d’un
message officiel de Monsieur Traian Băsescu, Président de la république de Roumanie (cf :
pièce jointe)
Comme le souligne le Président de la République de Roumanie, la Mer Noire est un
repère commun pour la France et la Roumanie, et l’approche pluridisciplinaire de ces deux
pays permet de mieux cerner les enjeux de la région.
L’acquisition pour la Roumanie du statut de membre de plein droit de l’OTAN (mars
2004) ainsi que de membre de l’UE en janvier 2007, catalyse les aspirations de l’Europe vers
la Mer Noire. La région est non seulement une opportunité économique (au niveau de la main
d’œuvre et des ressources) mais représente aussi un danger (nombreux trafics illégaux et
persistance des « conflits gelés »).
Dès lors, la géopolitique de la mer noire intéresse énormément l’Europe. Les pays
riverains bénéficient alors de ce que l’on appelle la politique de voisinage, qui est une forme
de partenariat sans future adhésion possible à l’Europe. Comme l’a dit si bien Emilio Prodi :
« il s’agit d’accéder a tout sauf aux institutions ».
L’apport de l’UE à cette région est indispensable et le volant de sécurité OTAN
nécessaire. En effet, la région est caractérisée par un fort problème de sécurité, qui menace
l’intégrité des pays riverains : trafic illégaux, discontinuité énergétique… La Roumanie veut
contribuer activement à la construction d’une zone de stabilité dans la Mer Noire, et l’apport
des experts roumains sur les problèmes de la région peut être considérable.
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Emmanuel Dupuy, président de l’IPSE :
Après avoir salué et remercier les nombreux partenaires médias, ainsi que la
parrainage de Gaz de France, ayant rendu possible cette importante manifestation, le président
de l’IPSE tient à remercier, tout particulièrement, M. Doru Cojocaru, Ministre-conseiller de
l’ambassade de Roumanie à Paris, auteur d’un remarquable ouvrage (Géopolitique de la mer
Noire, paru récemment aux éditions l’Harmattan - cf : fiche de présentation joint), sans qui
rien n’aurait été possible.
Ce colloque portant sur la géopolitique de la mer Noire se veut, comme il le rappelle,
une réflexion académique qui mélangerait les points de vue d’experts français et roumains.
Mélanger les expertises roumaines et françaises sur la question de la Mer noire ainsi que celle
des pays riverains nous permettrait alors d’avoir une approche diversifiée et plus complète de la région. Compte tenu de l’attention toute particulière de cette région pour les pays
européens, ce colloque doit rivaliser avec d’autres séminaires, tenus durant la même période
en Allemagne, en Géorgie et en Grande-Bretagne.
Un des buts de ce dernier est de s’interroger sur le rôle de l’Europe dans la région de la
Mer Noire. En effet, celui-ci est d’autant plus important qu’avec l’adhésion de la Roumanie et
erde la Bulgarie à l’Union Européenne (1 janvier 2007), adossée à la Politique européenne de
Voisinage (2004), l’Europe a étendu ses frontières à l’Est, et se voit maintenant directement
reliée à l’aire de la mer Caspienne et au-delà à l’Asie centrale, à proximité plus immédiate du
Moyen-Orient. Cette nouvelle donne ouvre ainsi un nouveau chapitre quant à l’émergence de
« l’Eurasie », mise en lumière par la multiplication d’organisations d’intégrations régionales à
vocations économiques et diplomatiques (GUAM, Eurasec - Communauté économique euro-
asiatique, CCMN - Black Sea Forum, relancé en juin 2006, ou encore l’Organisation de
coopération économique de la mer Noire - OCEMN, où l’UE a le statut de membre
observateur).
Rappelons également que d’autres organisations européennes et euro-atlantiques sont
activement présentes dans la région (à commencer par l’OTAN, comme cela a été réaffirmé
lors du récent Sommet de Bucarest, à travers le Partenariat pour la Paix -PpP, l’Initiative de
coopération d’Istanbul - IcI- et l’opération Active Endeavour, sous couvert de lutte contre le
terrorisme, la criminalité organisée et les proliférations ; l’OSCE dont la présidence kazakhe
vient rappeler la dimension péri-européenne de l’organisation, le Conseil de l’Europe ou
encore l’UEO).
La mer noire est ainsi devenue une mer européenne et l’UE s’est dotée, en mai 2007,
d’une ambitieuse Synergie pour la mer Noire qui voit, entre autres, l’UE regarder autant vers
l’Atlantique que le Caucase. L’UE y mène, du reste des missions civilo-militaires (Eujust
Themis en Georgie et de surveillance sur la frontière moldave). En parallèle, le Livre vert sur
la sécurité des approvisionnements énergétiques adopté par l’UE en 2000, couplé à la
Stratégie européenne de Sécurité (proposé à Thessalonique en décembre 2003), que la France
compte enrichir de réflexions prospectives en matière de diversification énergétique (projets
Nabucco, South Stream, BTC…) met en scène une géopolitique des hydrocarbures qui n’est
pas sans rappeler le « Grand jeu » du siècle dernier.
La dimension « méditerranéenne » de le mer Noire est également un facteur
supplémentaire d’intérêt, notamment au moment où ses modèles de coopérations
diplomatiques, militaires et économiques font figure de modèles pour les projets similaires en
gestation dans l’espace euro méditerranéen. La position géographique de la mer Noire en tant
que zone tampon de l’influence russe en Europe et à proximité des « conflits gelés »
(Transnistrie, Abkhazie et Ossétie du Sud), ainsi que la création d’ensembles régionaux plus
ou moins centrée sur la mer Noire, qui témoigne de son importance stratégique (GUAM,
South East European Cooperation Process - SEEC - visant à la création d’un Conseil régional
de coopération de l’Europe de l’Est incluant Bulgarie, Roumanie et Turquie, ainsi que la
Communauté des pays à choix démocratiques qui lie, depuis 2005, Ukraine et Géorgie)
légitime définitivement l’intérêt académique, quasiment inexploré, pour cette région.
La position géographique charnière de la mer Noire, en tant que zone tampon de
l’influence russe en Europe et à proximité des « conflits gelés » (Transnistrie, Abkhazie et
Ossétie du Sud) confirme que l’extension à l’Est de l’UE signifie dans le même temps l’accès
direct à la Mer Noire et à la mer Caspienne, et donc à de nouvelles frontières, non sans
écueils…
Il convient ainsi de tenir compte de la Russie qui y mène, elle aussi, à travers la CEI
(Communauté des Etats Indépendants) et son « bras armé » qu’est l’OTSC (Organisation du
Traité de Sécurité Collective) sa propre politique de « bon voisinage » dans son « étranger
proche », qu’elle considère comme sa chasse gardée et qui pourrait