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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 116 |
EAN13 | 9782824711249 |
Langue | Français |
Exrait
MON T ESQU I EU
LYSIMA QU E
BI BEBO O KMON T ESQU I EU
LYSIMA QU E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1124-9
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.A V ERT ISSEMEN T DE
L’ÉDI T EU R
le Mercure de France, au mois de dé cembr e
1754 ¹ . En tête de l’article , les é diteur s du jour nal mir ent la noteL suivante :
L’auteur de l’ Esprit des lois nous a p er mis d’imprimer le mor ce au
suivant qu’il a fait p our l’académie de Nancy ; cee fiction est si intér essante
et si noble qu’il n’ est p as p ossible de la lir e sans aimer et sans admir er le
grand prince qui en est l’ objet.
Ce grand prince, est-il b esoin de le dir e , était l’ancien r oi de Pologne ,
Stanislas Le czinski, sur nommé le Bienfaisant.
Montesquieu connaissait le r oi Stanislas. A u mois de juin 1747, il avait
fait un v o yag e en Lor raine av e c madame de Mir ep oix. « J’ai été comblé
de b ontés et d’honneur à la cour de Lor raine , é crit-il en juillet 1747 ; j’ai
p assé des moments délicieux av e c le r oi Stanislas. » A Luné ville , on aimait
les ler es ; c’était une b onne fortune que de p ossé der un homme aussi
savant et aussi aimable que l’était Montesquieu. « J’ en app elle à tous ceux
1. Il fut d’ab ord imprimé dans l’Histoire de la Société des sciences et belles-leres de
Nancy, publié e p ar M. de Solignac.
1Ly simaque Chapitr e
qui l’ ont v u à notr e cour , disait, en 1755, le che valier de Solignac. Ils nous
dir ont que sa phy sionomie avait toute la naïv eté de son âme . V
éritablement il étonnait p ar l’ e x cès de sa franchise , et l’ on avait p eine à dé cider si,
malgré la vivacité de son esprit, il n’ignorait p as plutôt les artifices qu’il
ne dé daignait de s’ en ser vir : doit-on êtr e sur pris après cela si sa candeur
airait la confiance ? ² »
On v oit que Montesquieu se faisait tout à tous. A u b esoin même , p our
êtr e agré able au r oi Stanislas, il de vint p oète et g alant, et fit le p ortrait de
M ᵐᵉ de Mir ep oix :
La b e auté que je chante ignor e ses app as.
Mortels qui la v o y ez, dites-lui qu’ elle est b elle ,
Naïv e , simple , natur elle ,
Et timide sans embar ras, etc.
« Le p ortrait de M ᵐᵉ de Mir ep oix, é crivait-il quelques anné es plus tard
à son ami V enuti, a fait à Paris et à V er sailles une très-grande fortune ;. . .
v ous sav ez que tout ce ci est une badinerie qui fut faite à Luné ville , p our
amuser une minute le r oi de Pologne . »
Stanislas v oulut av oir à Nancy une So ciété r o yale des sciences et
b elles-ler es. T out p etit prince a l’ambition d’av oir une académie , et de
toutes les ambitions c’ est assurément la plus inno cente . Montesquieu
témoigna le désir d’êtr e r e çu des pr emier s dans cee So ciété ; et p ar une
ing énieuse flaerie c’ est à Stanislas lui-même qu’il s’adr essa p our
solliciter son entré e à l’ A cadémie :
« Sir e , il faudra que V otr e Majesté ait la b onté de rép ondr e elle-même
à son académie du mérite que je puis av oir . Sur son témoignag e , il n’y
aura p er sonne qui ne m’ en cr oie b e aucoup . V otr e Majesté v oit que je ne
p erds aucune des o ccasions qui p euv ent un p eu m’appr o cher d’ elle , et
quand je p ense aux grandes qualités de V otr e Majesté , mon admiration
demande toujour s de moi ce que le r esp e ct v eut me défendr e . »
A cee aimable ler e le r oi de Pologne fit une rép onse aussi gracieuse
que spirituelle :
2. Éloge historique de M. le président de Montesquieu. Nancy , 1755, p . 32.
2Ly simaque Chapitr e
« Monsieur , je ne puis que bien augur er de ma so ciété liérair e , du
moment qu’ elle v ous inspir e le désir d’y êtr e r e çu. Un nom aussi distingué
que le vôtr e dans la république des ler es, un mérite plus grand encor e
que v otr e nom, doiv ent la flaer sans doute , et ce qui la flae me touche
sensiblement. Je viens d’assister à une de ses sé ances p articulièr es : v otr e
ler e , que j’ai fait lir e , a e x cité une joie qu’ elle s’ est char g é e elle-même de
v ous e xprimer . Elle serait bien plus grande cee joie , si la So ciété p ouvait
se pr omer e de v ous p ossé der de temps en temps. Ce b onheur , dont elle
connaîtrait le prix, en serait un p our moi, qui serais véritablement ravi
de v ous r e v oir à ma cour . Mes sentiments p our v ous sont toujour s les
mêmes, et jamais je ne cesserai d’êtr e bien sincèr ement, monsieur , v otr e
bien affe ctionné .
« ST AN ISLAS, r oi. »
Nommé p ar acclamation, Montesquieu v oulut acquier une dee de
r e c onnaissance ; il é crivit Lysimaque, et le 4 av ril 1751, il l’ env o ya de Paris
à M. de Solignac, se crétair e de la So ciété liérair e de Nancy , en y joignant
la ler e suivante :
« Monsieur , je cr ois ne p ouv oir mieux fair e mes r emer cîments à la
So ciété liérair e , qu’ en p ayant le tribut que je lui dois, avant même qu’ elle
me le demande , et en faisant mon de v oir d’académicien au moment de
ma nomination. Et comme je fais p arler un monar que que ses grandes
qualités éle vèr ent au trône de l’ Asie , et à qui ces mêmes qualités fir ent
épr ouv er de grands r e v er s, je le p eins comme le pèr e de la p atrie , l’amour
et les délices de ses sujets ; j’ai cr u que cet ouv rag e conv enait mieux à
v otr e So ciété qu’à toute autr e . Je v ous supplie d’ailleur s de v ouloir bien
lui mar quer mon e xtrême r e connaissance , etc. »
La So ciété de Nancy ne se méprit p oint sur l’intention qu’avait eu
Montesquieu en choisissant un hér os épr ouvé p ar de longues infortunes,
et de v enu dans ses vieux jour s le souv erain adoré d’un p euple qu’il r end
heur eux. « Nous nous rapp eller ons longtemps av e c plaisir les
applaudissements que r e çut cet ouv rag e . Nous crûmes ap er ce v oir dans
Lysimaque l’ objet continuel de notr e admiration et de nos hommag es ³ . » En
deux mots, Ly simaque c’était Stanislas.
3. Solignac, Éloge de Montesquieu, p . 31.
3Ly simaque Chapitr e
T outefois on se tr omp erait b e aucoup si l’ on cher chait dans
Lysimaque des allusions à la vie agité e du r oi de Pologne , véritable r oman
d’av entur es, qu’ on est tout étonné de r encontr er au X V I I I ᵉ siè cle . C’ est la
grandeur morale d’un prince épr ouvé p ar l’infortune qu’a v oulu p eindr e
Montesquieu ; c’ est p ar la for ce du caractèr e et p ar la b onté que
Lysimaque fait p enser à Stanislas.
M. Villemain a appré cié av e c une grande finesse ces p ag es e x quises :
« Ce talent singulier d’ e xpliquer , de p eindr e et d’imiter l’antiquité ne
p araîtrait p as tout entier , si l’ on oubliait un de ces pré cieux fragments où
l’homme sup érieur ré vèle d’autant mieux sa for ce qu’il l’a concentré sur
un esp ace plus b or né . Montesquieu ne serait p as le p eintr e de l’antiquité
le plus éner gique et le plus v rai, s’il n’avait p oint r etracé cee philosophie
stoïcienne , la plus haute conception de l’ esprit humain, et, p ar mi les
err eur s p opulair es du p ag anisme , la seule et véritable r eligion des grandes
âmes. and on aura lu l’hy mne sublime que Clé anthe le stoïcien adr
essait à la divinité adoré e sous tant de noms div er s, au cré ateur , qui a tout
fait dans le monde, excepté le mal qui sort du cœur du méchant ; quand
on aura mé dité dans P laton la résignation du juste condamné ;
on saura p ar cœur les p ensé es d’Épictète et le règne de Mar c- A urèle , on
de v ra s’étonner encor e du lang ag e r etr ouvé p ar Montesquieu dans
l’épiso de de Ly simaque . Ce spiritualisme altier , ce mépris de la ter r e , cet
orgueil et cee joie de la douleur qui r endaient les âmes invincibles, qui les
r endaient heur euses ; toutes les grandeur s morales luant contr e la
puissance , la cr uauté d’ Ale x andr e ; Ly simaque , que les dieux prép ar ent p our
consoler la ter r e ; quelle vérité historique , quelle élo quence sans mo dèle ,
quels acteur s, et quel intérêt ! elques p ag es ont suffi p our tout dir e et
tout p eindr e . ⁴ »
’ on ne s’étonne p as du g oût que Montesquieu avait p our les
stoïciens. Chacun de nous ici-bas se fait un idé al de v ertu et de grandeur
morale . Cet idé al p our l’auteur de Lysimaque, c’était le stoïcisme ⁵ ; il en
admirait tout, jusqu’à ce mépris de la vie qui mène au suicide . Fort injuste
p our le christianisme dans les Leres persanes, Montesquieu est r e v enu à
4. Villemain, Éloge de Montesquieu.
5. Esprit des lois, XX I V , 1.
4Ly simaque Chapitr e
une plus juste estime de la r eligion ; mais Antonin, mais Mar c- A urèle ,
mais Julien lui-même , ont toujour s été à ses y eux les princes les plus
dignes de g ouv er ner les hommes. Il n’a jamais pu se fair e à cee histoir e
de la dé cadence r omaine , histoir e r emplie p ar les quer elles de l’Église et
de l’État, p ar les p er sé cutions des ler es, de la philosophie , de la libr e p
ensé e ; il r eg ardait toutes ces disputes thé ologiques comme le déshonneur
d’une nation. D e là son g oût p our la lib erté r omaine et p our la philosophie
de la Grè ce . Sa p atrie ce n’était p as Constautinople , c’était Rome , c’était
Athènes dans ses b e aux jour s. « J’ai eu toute ma vie , disait-il, un g oût
décidé p our les ouv rag es des anciens ; j’ai admiré plusieur s critiques faites
contr e eux, mais j’ai toujour s admiré les anciens. J’ai étudié mon g oût, et
j’ai e x aminé si ce n’était p oint un de ces g oûts malades sur lesquels on ne
doit fair e aucun fond ; mais plus j’ai e x aminé , plus j’ai senti que j’avais
raison d’av oir senti comme j’ai senti ⁶ . »
C’ est à ce pur sentiment de l’antiquité que nous de v ons Lysimaque.
D é cembr e 1875.
n
6. Pensées diverses.
5LYSIMA QU E.
A détr uit l’ empir e des Per ses, il v oulut
que l’ on crût qu’il était fils de Jupiter . Les Macé doniens étaientL indignés de v oir ce prince r ougir d’av oir P hilipp e p our pèr e :
leur mé contentement s’accr ut lor squ’ils lui vir ent pr endr e les mœur s, les
habits et les manièr es des Per ses ; et ils se r epr o chaient tous d’av oir tant
fait p our un homme qui commencait à les mépriser . Mais on mur murait
dans l’ar mé e , et on ne p arlait p as.
Un philosophe nommé Callisthène avait suivi le r oi dans son e xp
édition. Un jour qu’il le salua à la manièr e des Gr e cs : « D’ où vient, lui
dit Ale x andr e , que tu ne m’ador es p as ? — Seigneur , lui dit Callisthène ,
v ous êtes chef de deux nations : l’une , esclav e avant que v ous l’ eussiez
soumise , ne l’ est p as moins depuis que v ous l’av ez vaincue ; l’autr e , libr e
avant qu’ elle v ous ser vît à r emp orter tant de victoir es, l’ est encor e depuis
que v ous les av ez r emp orté es. Je suis Gr e c, seigneur ; et ce nom, v ous
l’av ez éle vé si haut, que , sans v ous fair e tort, il ne nous est plus p er mis de
l’avilir . »
Les vices d’ Ale x andr e étaient e xtrêmes comme ses v ertus ; il était
terrible dans sa colèr e ; elle le r endait cr uel. Il fit coup er les pie ds, le nez et
les or eilles à Callisthène , ordonna qu’ on le mît dans une cag e de fer , et le
6Ly simaque Chapitr e
fit p orter ainsi à la suite de l’ar mé e .
J’aimais Callisthène ; et, de tout temps, lor sque mes o ccup ations me
laissaient quelques heur es de loisir , je les avais emplo yé es à l’é couter ;
et si j’ai de l’amour p our la v ertu, je le dois aux impr essions que ses
discour s faisaient sur moi. J’allai le v oir . « Je v ous salue , lui dis-je , illustr e
malheur eux, que je v ois dans une cag e de fer , comme on enfer me une
bête sauvag e , p our av oir été le seul homme de l’ar mé e . »
« Ly simaque , me dit-il, quand je suis dans une situation qui demande
de la for ce et du courag e , il me semble que je me tr ouv e pr esque à ma
place . En vérité , si les dieux ne m’avaient mis sur la ter r e que p our y
mener une vie v oluptueuse , je cr oirais qu’ils m’auraient donné en vain
une âme grande et immortelle . Jouir des plaisir s des sens est une chose
dont tous les hommes sont aisément cap ables ; et si les dieux ne nous
ont faits que p our cela, ils ont fait un ouv rag e plus p arfait qu’ils n’ ont
v oulu, et ils ont plus e x é cuté qu’ entr epris. Ce n’ est p as, ajouta-t-il, que
je sois insensible ; v ous ne me faites que tr op v oir que je ne le suis p as :
quand v ous êtes v enu à moi, j’ai tr ouvé d’ab ord quelque plaisir à v ous
v oir fair e ⁷ une action de courag e ; mais, au nom des dieux, que ce soit
p our la der nièr e fois. Laissez-moi soutenir mes malheur s, et n’ay ez p oint
la cr uauté d’y joindr e encor e les vôtr es. »
« Callisthène , lui dis-je , je v ous v er rai tous les jour s. Si le r oi v ous
v o yait abandonné des g ens v ertueux, il n’aurait plus de r emords : il
commencerait à cr oir e que v ous êtes coup able . Ah ! j’ espèr e qu’il ne jouira
p as du plaisir de v oir que ses châtiments me fer ont abandonner un ami. »
Un jour Callisthène me dit : « Les dieux immortels m’ ont consolé ; et,
depuis ce temps, je sens en moi quelque chose de divin qui m’a ôté le
sentiment de mes p eines. J’ai v u en song e le grand Jupiter . V ous étiez auprès
de lui ; v ous aviez un sceptr e à la main, et un bande au r o yal sur le fr ont.
Il v ous a montré à moi, et m’a dit : Il te rendra plus heureux. L’émotion où
j’étais m’a ré v eillé . Je me suis tr ouvé les mains éle vé es au ciel, et faisant
des efforts p our dir e : Grand Jupiter, si Lysimaque doit régner, fais qu’il
règne avec justice. Ly simaque , v ous régner ez : cr o y ez un homme qui doit
êtr e agré able aux dieux, puisqu’il souffr e p our la v ertu. »
7. Pr emièr es é ditions : à v ous fair e v oir .
7
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