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Islam de France, Islams d'EuropeI&L2 29/04/05 16:29 Page 5
SOMMAIRE
PRÉFACE 7
FRANCEISLAM ET LAÏCITÉ 9Alain Gresh
ISLAM, LAÏCITÉ, INTÉGRATION : L’école sans boussole 15
Françoise Lorcerie
LA SÉGRÉGATION ETHNIQUE AU COLLÈGE 35
Georges Fellouzis, Françoise Liot et Joëlle Perroton
QUELLE CONTRIBUTION CITOYENNE 51
DES ASSOCIATIONS MUSULMANES DE FRANCE ?Yamin Makri
EUROPE
L’ISLAM EN GRANDE–BRETAGNE 59
Jorgen Nielsen
LE RÉVEIL D’AL–ANDALUS : 65Un statut pionnier pour l’islam espagnolJean Loup Herbert
L’ISLAM EN ITALIE : 73
Problèmatiques de la deuxième religion du paysAnna Bozzo
LA TOLÉRANCE NÉERLANDAISE À L’ÉPREUVE DE L’ISLAM 83Marie–Claire Cécilia
LA QUESTION DE LA FEMME, LE RÉPUBLICANISME 101
ET LA LAÏCITÉ : Regards croisés entre la Turquie et la France
Nilüfer Göle
BIBLIOGRAPHIE 111I&L2 29/04/05 16:29 Page 7
PREFACE
Dans un premier livre, nous avions rendu compte des travauxde la commission Islam et laïcité concernant la loi de 1905 et
1les relations entre la laïcité française et les musulmans. Dansce second volume, nous étendons la réflexion, notamment à
deux domaines. L’éducation d’abord, où se joue en grande par-tie l’avenir des populations issues de l’immigration. Il s’agit ici
de se pencher sur la réalité des discriminations à l’école, fon-dées sur l’origine, et de mesurer les défis posés à la République
et à sa vocation de traiter de manière égalitaire tous sescitoyens. Autre sujet important, l’Europe : on percevra, à tra-
vers les cas étudiés ici – Espagne, Italie, Pays–Bas,Grande–Bretagne, Turquie – la diversité des situations des popu-
lations « musulmanes », à la fois en termes d’origine, de diver-sité sociale, d’adaptation ; la diversité aussi des systèmes insti-
tutionnels auxquels elles sont confrontées – de la laïcité fran-çaise au système des « piliers » néerlandais.
Et pourtant, la « question musulmane » suscite partout sur leVieux continent des peurs similaires, peurs qui mobilisent des
parties importantes des sociétés d’accueil et peuvent les faire bas-culer rapidement de la tolérance au rejet. Pourtant, la présence
musulmane rend visible une question qui se pose de manièrerenouvelée à l’heure de l’Europe et de la mondialisation :
qu’est–ce que vivre ensemble ? Peut–on fonder sur des basesrénovées les sociétés européennes en y intégrant, dans un pro-
jet commun, ses multiples composantes, sans sombrer ni dansl’uniformité ni dans le communautarisme ? Vaste défi…
Alain Gresh, rédacteur en chef du Monde diplomatique
Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme
1/ 1905–2005 : les enjeux de la laïcité, L’Harmattan, 2005, 10 euros.I&L2 29/04/05 16:29 Page 9
ISLAM ET LAÏCITÉ
Alain Gresh
L’islam pose un problème en France et plus largement enEurope. L’installation sur le continent de plusieurs millions de
citoyens de confession – ou de culture – musulmane suscite despolémiques sans cesse recommencées. Les principes mêmes de la
République seraient menacés, la laïcité subirait un assaut quiremettrait en cause les acquis fondamentaux de la neutralité de
l’école et de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de1905. Emblématique de ces débats et de ces craintes, la relance
en 2003 de la question du « foulard islamique » qui est reve-nue, sans aucune raison particulière – si ce n’est, peut–être, la
surenchère entre différentes forces politiques – sur le devant dela scène.
Ces débats se déroulent dans une grande confusion sur lesconcepts et sur la définition même de la laïcité. Quand Nicolas
Sarkozy, alors ministre de l’intérieur affirme, lors du rassemble-ment du Bourget de l’UOIF (2003), que les femmes doivent
être photographiées tête nue sur les papiers d’identité, et qu’ilest hué, s’engage une discussion dans la presse autour de la…
laïcité. Or ce problème n’a rien à voir avec la laïcité, c’est unesimple question de police. Quand on évoque la mixité à l’école,
il s’agit d’égalité entre garçons et filles, pas de laïcité – l’écolelaïque s’est accommodée, jusque la fin des années 1960, de la
séparation des sexes et la République laïque, pendant des décen-nies, du refus du vote des femmes.
L’islam fait peur et cette peur se situe à la convergence de deuxplans, l’un international et l’autre national. C’est parce qu’il y a,
dans notre perception, intersection de ces deux niveaux, que ledébat est souvent difficile. Ainsi, on ne peut évoquer le foulard
en France sans être renvoyé aussitôt à l’Arabie saoudite ou auxtalibans. De même, le caractère « intrinsèquement violent » de
l’islam renvoie à la situation en Algérie ou au Pakistan. J’ai abordé
1ailleurs cette dimension du débat et je n’y reviendrai pas ici.I&L2 29/04/05 16:29 Page 10
Islam & Laïcité
Un autre élément très important de nos appréhensions face àl’islam tient à la situation des banlieues. On retrouve la peur
des classes populaires vues comme « classes dangereuses », avec,en l’occurrence, une peur spécifique liée à l’origine définiecomme « maghrébine », « arabe » ou « musulmane », selon les
périodes. Là aussi, une réflexion fondamentale s’impose, autourde ces centaines de milliers de jeunes français, parqués dans lescités, à qui la société est incapable d’offrir du travail, soumis àtous les racismes, et dont on s’étonne ensuite qu’ils refusent de
se plier aux règles sociales.
Communautarisme ?
Une des plus grandes menaces viendrait du « communautarisme »,mettant en cause l’unité de la République. On réfléchit rare-
ment sur la signification de ce terme. Au départ de laréflexion, la création de la République française, « une et indi-visible ». Face à elle, seuls existeraient les citoyens. Pourreprendre l’expression du député Clermont–Tonnerre concernant
les juifs au moment de leur émancipation, à la révolution, laRépublique leur accorderait tous les droits en tant que citoyens,aucun en tant que « nation » (à l’époque cela signifiait reli-
gion). C’était l’époque où est votée la loi Le Chapelier qu’ilfaut citer : « Il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu etl’intérêt général. Il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt
intermédiaire, de les séparer de la chose publique pour un esprit de corpora-tion… C’est aux conventions libres d’individu à individu à fixer la journée de
2chaque ouvrier.» Cette loi ou plutôt son esprit invoqué aujour-d’hui fut, rappelons–le, avant tout une loi antisyndicale.
Longtemps la gauche s’est battue contre elle et elle est, bienheureusement dépassée. Dépassée, notamment avec la fameuseloi sur les associations de 1901 : l’Etat reconnaît des corps
intermédiaires, traite avec des entités représentant une partie descitoyens – des syndicats aux originaires de Bretagne, en passantpar les pêcheurs à la ligne. Depuis la loi Le Chapelier, le droit
à l’organisation syndicale, y compris dans les entreprises, a étéreconnu. Par ailleurs, nous savons que, pendant de longuesdécennies, les associations des « originaires » d’Italie, de Pologne,du Portugal, d’Arménie ont été des éléments importants d’inté-
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Alain Gresh, France
gration des immigrés – et non le signe d’un communautarismeopposé à la République.
Le communautarisme supposerait deux éléments : des lois spéci-fiques à une catégorie de citoyens – (ce que, à ma connais-
sance, bien peu revendiquent ; des communautés qui vivraientrefermées sur elles–mêmes totalement en marge ce qui peut être
le cas pour des parties des communautés immigrées « enfermées »dans des ghettos sociaux mais sûrement pas de « tous » les ori-
ginaires d’Algérie, du Maroc, etc.) Le nombre de mariagesmixtes témoigne de cette diversité de situations. Comme le fait
que la culture des jeunes de banlieues – leur langue, les filmsqu’ils regardent, les chansons qu’ils écoutent – diffère peu de
celle de leur génération.
La République laïque et l’islam
Quand nous parlons des rapports de l’islam et de la République,nous faisons référence à deux types de problèmes distincts : le
statut de la religion musulmane dans la République (au mêmetitre que le statut du catholicisme