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Langue Français

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28-29 Mutations de l’édition
L A deuxième moitié e du XXsiècle voit le succès des petits formats d’édition : le Livre de Poche est emblématique du phénomène. La collection est lancée en février 1953 par Henri Filipacchi au sein de la Librai-re générale de France, filiale deHachette, en association avec les grands éditeurs. Le faible coût du volume (150 francs, alors qu’un livre vaut, en moyenne, 600 francs) et son petit format (11 x 16,5 cm) ne sont pourtant pas nouveaux. Le format de poche et les collections à bon marché remontent, en France, au moins au e XIX siècle.Et lespaperbacks, créés dans les années trente,Penguin books en Grande-Bretagne,Pocket books aux États-Unis, montrent la voie. Plus neuve en revanche est la conception matérielle des ouvrages telle qu’elle apparaît avec les pre-miers titres : des couvertures illus-trées, colorées et brillantes, confon-dant souvent espaces iconographique et typographique, le cartouche “Livre de Poche” liant l’ensemble. À la manière des unes de magazines illustrés ou des affiches de cinéma, héros et héroïnes, représentés en gros plan, sont mis en valeur. À la fin des années cinquante, le Livre de Poche est devenu un phénomène culturel : plus de 50 millions d’exemplaires sont vendus en 1961 (réimpressions comprises) ;en 1964, on passe à 100 millions. Il devient aussi l’objet d’une polémique : si Jean Giono y voit “le plus puissant instrument de culture de la civilisation moderne”, acontrario, il n’est pour la revue Les Temps modernesqu’un avatar de la société de consommation et le philosophe Hubert Damisch fustige l’alibi culturel qui n’empêche pas la persistance d’une culture de classe. Le Livre de Poche contribue pour-tant, à sa façon, à la démocratisation culturelle. Le choix deKoenigsmark, desClés du royaume, deVol de nuit
et d’Ambrecomme premiers titres té-moigne de l’importance accordée aux romans d’amour, d’aventure, d’éva-sion. Au fil des ans, le catalogue s’en-richit de nombreux titres, avec un petit décrochage en 1959, sans doute lié à une crise conjoncturelle du secteur. Il faut y voir un effet de la création de séries, “historique”, “encyclopédi-que”, “classique”, “policière”, etc. Au total, les listes des meilleures ventes expriment la diversité des goûts. Les romans dominent : romans à succès de l’entre-deux-guerres, souvent liés aux prix littéraires, œuvres contempo-raines jugées dignes d’être consacrées (Sartre ou Camus), classiques. En revanche, on rencontre peu de produc-tions très populaires ou d’expériences littéraires novatrices. Il faut ajouter la place prise par les ouvrages philoso-phiques et scientifiques, les recueils de poésie, les documents d’actualité mais aussi les livres pratiques (cuisine, bricolage). Se déploie là une culture de jeunes, lycéens et étudiants, mais aussi d’adultes pour lesquels la lecture est un loisir culturel non négligeable. Si, pour le Livre de Poche, les références idéologiques et l’atteinte à la moralité ne constituent pas de freins à la publication, ce n’est pas le cas des publications pour la jeunesse, protégées par une loi de juillet 1949. Issue d’une polémique née avant la guerre autour duJournal de Mickey,
Développer l’édition populaire : le lancement du Livre de Poche
Documents disponibles sur transparent
cette loi est le fruit d’un combat mené par des groupes sociaux variés (mi-litants d’éducation populaire, ligues de moralité catholiques), adversaires descomicsaméricains et défenseurs d’une production française de qualité, au nom d’une volonté éducative com-mune. Or, cette lutte rejoint la préoc-cupation des hommes politiques de e la IVRépublique, soucieux de lutter contre la délinquance juvénile et de défendre la moralité. Dans ces condi-tions, la loi protège les productions nationales, pas autant que l’auraient souhaité les communistes qui ne la votent pas, mais suffisamment pour voir la création francophone de bande dessinée connaître un succès considérable, à l’image deTintinet Spirou. Plus largement, ces réussites éditoriales sont liées à des aspects culturels majeurs des Trente Glo-rieuses : générations nombreuses du baby-boom, scolarisation secondaire puis supérieure massive, politiques d’accompagnement de la lecture publique, livres devenus objets de consommation parmi d’autres.
Les publications pour la jeunesse : surveiller, contrôler pour protéger
Article premier. Sont assujetties aux prescriptions de la présente loi toutes les pu-blications périodiques ou non qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinées aux enfants et aux adolescents. Sont toutefois exceptées les publications officielles et les publications scolaires soumises au contrôle du ministère de l’Éducation nationale.
Art. 2. Les publications visées à l’article premier ne doivent comporter aucune illustra-tion, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés de crimes ou délits ou de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesseou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques (ajout de la loi n° 54-1190 du 29 novembre 1954). Elles ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse. Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse.
Les quatre premiers titres parus
6 février 1953
6 février 1953
Les dix meilleures ventes au 31 décembre 1961  Classement en chiffres absolus (total des ventes) Exemplaires Auteur TitreDate vendus de parution 1– 636019 Larousse de poche–.07.1956 2Anne FrankJournal54321.01.1958 510 3348 528Albert Camus La Peste5.11.1955 4André MalrauxLa Condition humaine14.09.1953 347033 Antoine de 5Vol de nuit1836.02.1953 346 SaintExupéry Antoine de 6Terre des hommes38721.06.1954 314 SaintExupéry 7JeanPaul SartreLes Mains sales85620.03.1953 306 8Ernest HemingwayPour qui sonne le glas33822.08.1953 300 9VercorsLe Silence de la mer62920.07.1953 288 10Hervé BazinVipère au poing24.03.1954 288629
6 février 1953
1  Classement relatif (moyenne des ventes) Nombre de semestresMoyenne des ventes Auteur TitreDate d’exploitation semestrielles de parution 1Anne FrankJournal72 93521.01.1958 7 2Christiane RochefortLe repos du guerrier18.05.1960 349 985 3– Laroussede poche–.07.1956 1349 925 Les Carnets du Major 425.04.1960 3Pierre Daninos49 288 Thompson 5Jacques PrévertSpectacle25.01.1960 342 898 6JeanPaul SartreL’Âge de raison13.04.1960 339 462 7Poésies complètes9.03.1960 337 591Arthur Rimbaud 8Daphné du MaurierRebecca35 17810.02.1960 3 Le Mystère de la chambre 934 638Gaston Leroux21.03.1960 3 jaune Roger Martin 10Les Thibault, T 134 08221.04.1959 5 du Gard 1. Le classement tient compte de la durée d’exploitation. Les ventes totales sont divisées par le nombre de semestres d’exploitation.
Données : d’après comptabilité de la Librairie Générale.
23 février 1953
du Livre de Poche
Nombre de titres res publiés (nouveautés) 1 0 36 1 0 37 8 37 4 49 2 61 9 77 1 66 9 78 5 95
n (19531961), Mémoire de DEA,
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