Comparer - article ; n°2 ; vol.48, pg 279-318
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1996 - Volume 48 - Numéro 2 - Pages 279-318
40 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

M. Pierre Legrand
Comparer
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 48 N°2, Avril-juin 1996. pp. 279-318.
Citer ce document / Cite this document :
Legrand Pierre. Comparer. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 48 N°2, Avril-juin 1996. pp. 279-318.
doi : 10.3406/ridc.1996.5355
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1996_num_48_2_5355R.I.D.C. 2-1996
COMPARER
Pierre LEGRAND *
« [L]' essentiel est la différence, qu'il
s'agit de comprendre sans céder à la
tentation de la réduire ».
Jean Pouillon '
Le regard rétrospectif nous montre une configuration juridique euro
péenne ayant favorisé l'avènement de deux grands ordres cognitifs ou de
deux formes de la connaissance en droit, chacun, dans sa précarité histori
que, avec ses principes propres de mémorisation, de reproduction et d'ex
tension : d'une part, la tradition romaniste, de facture nomologique, et
d'autre part, la tradition de common law, d'allégeance idiographique. Étant
entendu qu'il convient de réserver, au premier chef, la désignation d'études
« comparatives » à la confrontation de phénomènes qui se déroulent d'un
côté et de l'autre des lignes de démarcation intervenant entre les deux
constitutions langagières de la réalité que sont ces traditions juridiques
(toute tradition juridique est autre), il n'est sans doute pas excessif d'appli
quer à l'Europe, du moins à l'Europe de l'Union européenne, une formule
à laquelle Nietzsche avait eu recours pour rendre compte, en son temps,
d'un « âge de la comparaison » 2. Car, pour la première fois, les deux
traditions juridiques européennes — l'une d'origine romaniste et l'autre
* Professeur titulaire de la Chaire de culture juridique comparée à l'Université de
Tilburg et professeur associé aux Universités de Paris I (Panthéon-Sorbonne) et Paris II
(Panthéon- Assas).
1 Jean POUILLON, « L'œuvre de Claude Lévi-Strauss », Les Temps Modernes, 1956
(n° 126), p. 152.
2 Friedrich NIETZSCHE, « Mensliches, Allzumenschliches », dans Nietzsche Werke,
sous la dir. de Giorgio COLLI et Mazzino MONTINARI, t. IV, vol. 2, Berlin, de Gruyter,
1967, pp. 40-41 [d'abord publié en 1878], où l'auteur emploie l'expression « Zeitalter der
Vergleichung ». V. Erik JAYME, « Das Zeitalter der Vergleichung — Emerico Amari (1810-
1870) und Friedrich Nietzsche (1844-1900) », dans Aldo MAZZACANE et Reiner SCHULZE
(sous la dir. de), Die deutsche und die italienische Rechtskultur im « Zeitalter der
Vergleichung », Berlin, Duncker & Humblot, 1995, pp. 21-29. 280 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1996
de souche anglaise — sont contraintes à une interaction effective dans
le cadre des paramètres juridiques définis par le Traité de Rome 3.
Ce n'est pas dire que le common law n'avait pas déjà subi l'influence
de la tradition juridique romaniste 4. Au contraire, toute archéologie avertie
de la de common law révélera comment celle-ci, en tant que
manifestation coutumière précoce de ce qui allait devenir le droit français,
fait figure de véritable sous-produit de la tradition romaniste. Le common
law qui s'affine au douzième siècle, en effet, n'est pas autre chose qu'une
cristallisation du droit normand de l'époque. Comme le rappelle Peter
Goodrich, la spécificité anglaise de la vieille Angleterre n'était alors
guère affirmée : son peuple, sa langue et son droit étaient tous d'origine
étrangère 5. Par ailleurs, la pensée romaniste marquera pendant plusieurs
siècles, tant sur le fond que du point de vue processuel, certains droits
d'exceptions anglais comme ceux issus des cours ecclésiastiques, de la
cour de Chancery appliquant le droit d' equity et de la cour d'amirauté.
Il reste acquis que l'impact de la tradition romaniste se trouve toutefois
largement circonscrit à ces régimes complémentaires et qu'en tout état
de cause, le mouvement de pensée qu'on a affublé de l'épithète «jus
commune », quoiqu'on se plaise trop souvent à l'oublier6, n'a jamais
conquis le common law anglais 7. Mais, pour le juriste anglais d'au
jourd'hui, l'heure n'est plus aux importations librement consenties de
certains morceaux choisis de la pensée romaniste au vu de ce que le droit
communautaire lui impose dorénavant l'obligation de s'astreindre à un
authentique entendement de la tradition juridique romaniste tant dans
son expression historique que contemporaine. Le juriste anglais doit, par
exemple, apprendre à comprendre le contexte dans lequel une question
3 Ainsi l'article 3 (h) du Traité prévoit « le rapprochement des législations nationales
dans la mesure nécessaire au fonctionnement du marché commun ». Faut-il ajouter que le
terme « législations » est toutefois fort mal choisi ? Il traduit bien, en tout cas, la mécompré-
hension de la tradition de common law qui continue à sévir chez les juristes de la tradition
juridique romaniste.
4 L'emploi du genre masculin et de l'italique eu égard à l'expression « common law »
s'accorde avec un argument que j'ai déjà mis en avant. V. Pierre LEGRAND, «Pour le
common law», [1992] Revue internationale de droit comparé 941. V. toutefois, pour une
réponse law" », dans circonstanciée Français juridique à ma démonstration, et science du Georges droit, Bruxelles, ROUHETTE, Bruylant, « Le genre 1995, de pp. "common 311-25.
5 V. Peter GOODRICH, Oedipus Lex, Berkeley, University of California Press, 1995,
p. 85. V. aussi R. C. van CAENEGEM, The Birth of the English Common Law, 2e éd.,
Cambridge, Cambridge University Press, 1988, pp. 96-97.
6 Des comparatistes américains font état du sentiment de « nostalgie » du juriste de
la tradition juridique romaniste qui le pousse à une « idéalisation » du jus commune : John
Henry MERRYMAN et David S. CLARK, Comparative Law : Western European and Latin
American Legal Systems [:] Cases and Materials, Indianapolis, Bobbs-Merrill, 1978, pp. 104-
105. 7 V. Donald R. KELLEY, The Human Measure [ :] Social Thought in the Western
Legal Tradition, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1990, p. 182 ; A.W.B. SIMP
SON, « The Survival of the Common Law System », dans Legal Theory and Legal History [ :]
Essays on the Common Law, Londres, Hambledon Press, 1987, p. 394 ; David IBBETSON
et Andrew LEWIS, « The Roman Law Tradition », dans A.D.E. LEWIS et DJ.
(sous la dir. de), The Roman Law Tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 1994,
p. 9. LE DROIT COMPARE : AUJOURD'HUI ET DEMAIN 281
préjudicielle en provenance des cours allemandes aura été résolue de telle
ou telle autre manière par la Cour européenne de justice puisque la réponse
de cette cour constitue du droit communautaire donc — l'interprétation
judiciaire du Traité de Rome l'a voulu ainsi — du droit anglais 8. Or, si
une problématique allemande doit donner naissance, au terme d'un proces
sus de transmutation par la Cour européenne de justice, à une manifestation
de droit anglais, il devient essentiel au juriste anglais, désireux d'appréhen
der le passage du fait au droit à travers ses différentes étapes, de saisir
le droit allemand même afin de prendre la mesure du contexte dans lequel
celui-ci a jugé pertinent de juridiciser, en la européanisant, une facticité
donnée. Cette compréhension du droit allemand appelle, quant à elle, à
une bonne connaissance de la culture juridique allemande dans son ensemb
le puisque c'est celle-ci qui confine les savoirs juridiques en deçà d'une
gamme finie de possibles. Ce ne devrait plus être qu'un lieu commun,
en effet, d'affirmer qu'un droit s'inscrit inéluctablement dans une culture
juridique dont il est le produit et, par le biais d'un mimétisme apparemment
jamais démenti, qu'il contribue à conforter. Pour vraiment connaître l'état
du droit dans un contexte donné, il est donc impératif d'en analyser les
soubassements culturels. Et il faut aller très loin, puisque cette culture
juridique allemande se trouve elle-même comme étant inscrite dans une
culture tout court dont elle est le produit et, par le biais d'un
mimétisme apparemment jamais démenti, qu'elle contribue à conforter 9.
8 C'est la thèse de l'effet direct du droit communautaire. V., par exemple, Guy

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