De l  « Esprit des lois » au constitutionnalisme moderne - article ; n°2 ; vol.4, pg 205-216
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1952 - Volume 4 - Numéro 2 - Pages 205-216
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1952
Nombre de lectures 33
Langue Français

Extrait

Boris Mirkine-Guetzevitch
De l' « Esprit des lois » au constitutionnalisme moderne
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 4 N°2, Avril-juin 1952. pp. 205-216.
Citer ce document / Cite this document :
Mirkine-Guetzevitch Boris. De l' « Esprit des lois » au constitutionnalisme moderne. In: Revue internationale de droit comparé.
Vol. 4 N°2, Avril-juin 1952. pp. 205-216.
doi : 10.3406/ridc.1952.8802
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1952_num_4_2_8802L'« ESPRIT DES LOIS » DE
AU CONSTITÜTIONNALISME MODERNE*
Directeur Professeur Doyen de Boris Section d« de à la à MIRKINB-GTJETZÉVITCH l'Institut l'Université Faculté l'Inititat de l'Université de des d« droit française droit hautes et de des compara Paris de études science« New-York de internationales l'Université politiques de Paris
l
En 1948, V Institut de droit comparé de l'Université de Paris
prit l'initiative de la commémoration du bicentenaire du grand livre
de Montesquieu : une séance solennelle eut lieu à la Sorbonne; des
leçons et conférences furent faites, en 194849, à Pinstitut. Et le
présent ouvrage doit dresser un bilan d'observations doctrinales et
critiques, des idées, des certitudes, des pressentiments de VEsprit
des lois.
Montesquieu est un savant au sens moderne et technique de ce
mot. Il fut sociologue, historien, philosophe politique, juriste. Tout
es les branches des sciences sociales ont été étudiées, systématisées,
perfectionnées par lui. Durkheim voyait en lui le fondateur de la
sociologie moderne (1), et le précurseur d'Auguste Comte (2). En
même temps, Montesquieu est un juriste-comparativiste, à peu de
chose près le fondateur du droit comparé (3).
Mais Montesquieu n'est pas seulement un des fondateurs de notre
# Ces pages constituent la partie de l'Introduction écrite par M. Boris Mir-
kine-Guetzévitch pour le recueil d'études qui sera publié prochainement dans 1»
Collection de l'Institut de droit comparé de l'Université de Paris : La pensée poli
tique et constitutionnelle de Montesquieu. Bicentenaire de VEsprit des Lois, 1748-
19i8.
(1) E. Durkheim, Montesquieu, sa part dans la fondation des sciences politi
ques et de la science des sociétés, Revue d'histoire politique et constitutionnelle,
1937, p. 407 et s., p. 458.
(2) Op. cit., p. 463.
(3)p. 453 : « On peut dire en toute vérité qu'il a créé le droit com
paré ». 206 DE L'« ESPRIT DES LOIS » AU CONSTITUTIONNALISME MODERNE
science politique; son plus grand mérite est d'avoir intégré les phé
nomènes politiques dans le processus du devenir de la civilisation (1) .
Pour lui, le fait politique rentre dans l'ensemble de l'histoire de la
culture. Son œuvre appartient à des disciplines voisines, mais dis
tinctes, et, pour examiner l'héritage scientifique (2) de VEsprit des
lois, il a fallu faire appel à toute une équipe de spécialistes.
Les directeurs de la Section de droit public de l'Institut de droit
comparé se sont donc chargés de lancer cet appel aux juristes, his
toriens, sociologues, spécialistes de la science politique.
Les directeurs de la Section de droit public — notre excellent
collègue et ami, le Conseiller d'Etat Henry Puget, et l'auteur de ces
lignes — ont partagé la tâche de présenter, dans deux Introductions
séparées, quelques réflexions synthétiques sur le livre de Montesq
uieu. M. Puget a bien voulu prendre sur lui de traiter les divers
problèmes du droit public; il nous incombe à nous un devoir plus
limité, mais cependant complexe : examiner la science politique en
tant que science de la liberté, science de la démocratie. C'est sous
cet angle, dans sa perspective d'avenir que nous parlerons, dans
cette Introduction, de Montesquieu — non seulement de Montes
quieu tel qu'il était en 1748, mais de celui des hommes de 1789, de
1793, du Montesquieu de la démocratie moderne.
Pour statuer sur la valeur politique de VEsprit des lois, valeur
non seulement contemporaine mais celle du devenir, il faut sortir
des cadres chronologiques en subordonnant le contemporain à l'évo
lutif, en dépassant ce xviii6 siècle, qui — comme dira à l'occasion
d'un autre grand bicentenaire Lucien Fèvre — « s'avance en glis
sant sur l'aile de l'idée » (3). Car l'histoire des idées politiques, tout
en suivant l'enchaînement des générations et des idées, n'est pas
seulement la science du passé, mais celle du perpétuel avenir. On a
dit récemment : « libéraux, socialistes, communistes, fascistes, seront
les enfants avancés ou perdus du xviii6 siècle » (4) .
Si nous admettons que Montesquieu, orienté vers l'avenir, nous
intéresse en premier lieu, nous serons obligés de reconnaître que la
vraie gloire de Montesquieu réside beaucoup plus dans ses jugements
moraux que dans sa. technicité constitutionnelle. Il est vraiment
grand quand, selon l'expression de Lanson, il condamne « l'horreur
du despotisme » (5) .
Que la vie de ce combattant ait ignoré les dangers et les épreuv
es, que son style calme, serein, « académique », répugne aux apos-
(1) V. Lanson, Montesquieu, 1912, p. 9. V. les intéressantes remarques sur la
Culture politique d'André Siegfried (Préface au livre de J.-J. Chevallier, Les gran
des œuvres politiques, Paris, 1949, p. IX-X).
(2) V. David C. Cabeen, Montesquieu : a bibliography, Bulletin of the New-
York Public Library, vol. 51, 1947, p. 359 et s.
(3) Esprit de Vencyclopédie, dans L'éducation nationale, 4 janvier 1951, p. 4.
(4) Duclos, L'évolution des rapports politiques depuis 1750, Bibliothèque de la
science politique, dirigée par B. Mirkine-Guetzévitch et Marcel Prélot, lre série,
Paris, 1950, p. 12.
(5) Montesquieu. Paris, 1912, p. 16. DE L'<t ESPRIT DES LOIS » AU CONSTITUTIONNALISME MODERNE 207
trophes ou au pathétique de Hugo ou de Michelet, que Montesquieu,
dans la recherche de l'impartialité scientifique, ait dit : « Je n'écris
point pour censurer ce qui est établi dans quelque pays que ce
soit » (1), il n'en reste pas moins qu'il s'est consacré entièrement à
la lutte contre le despotisme, dont il définit ainsi la nature : « un
seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses
caprices » (2).
Mais pour pouvoir parler plus ou moins librement, au milieu
du xviii6 siècle, il fallait être « philosophe » ; il fallait aussi rester
l'observateur impassible du passé et du présent et non le prophète
d'une cité future. Rousseau lui-même, le radical, le révolutionnaire,
sera obligé d'éviter les prévisions sur l'avenir et de chercher dans
l'histoire imaginaire les traces d'un contrat social qui n'a jamais été
conclu ou conçu par aucun peuple.
Le despotisme du xviii6 siècle n'acceptait aucune vision de l'ave
nir et excluait aussi totalement les critiques du régime que les pré
dictions. L'avenir, voilà l'ennemi ! l'ennemi de toutes les tyrannies
qui espèrent éterniser l'obscurantisme, l'injustice, la violence.
Le futur est toujours révolutionnaire. Clemenceau disait qu'il
reconnaîtrait toujours la plume de Jaurès parce que tous les verbes
y étaient au futur... Eh oui: les verbes au futur, c'est déjà le com
mencement de la Révolution. Et pour ne pas éveiller les soupçons
des autorités, Montesquieu parle du passé, de l'antiquité, de Rome,
de la Grèce ; il trouve, dans le classicisme démocratique, les nobles
exemples qui seront plus tard retenus et popularisés à la tribune de
la Constituante. Or, les lecteurs français, les lecteurs européens de
1748 avaient besoin d'autre chose que des récits du passé. Ils avaient
soif de visions de lendemain, de perspectives de libération. Et pour
déguiser l'avenir, Montesquieu le transpose en un présent imagi
naire — et il décrit la Constitution anglaise.
II
Qu'y avait-il de commun entre l'Angleterre de Montesquieu et
l'Angleterre réelle du milieu du xviii6 siècle ? Rien, ou à peu près
rien. A l'exemple de tant d'autres écrivains du xviii6 siècle, Mont
esquieu fait un voyage dans un pays imaginaire ; l'Angleterre de
Montesquieu c'est l'Utopie, c'est un pays de rêve.
L'Anglete

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