L affaire du Rainbow Warrior : la sentence arbitrale du 30 avril 1990 (Nouvelle Zélande c. France) - article ; n°1 ; vol.36, pg 395-407
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L'affaire du Rainbow Warrior : la sentence arbitrale du 30 avril 1990 (Nouvelle Zélande c. France) - article ; n°1 ; vol.36, pg 395-407

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Description

Annuaire français de droit international - Année 1990 - Volume 36 - Numéro 1 - Pages 395-407
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 229
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. le Professeur Jean
Charpentier
L'affaire du Rainbow Warrior : la sentence arbitrale du 30 avril
1990 (Nouvelle Zélande c. France)
In: Annuaire français de droit international, volume 36, 1990. pp. 395-407.
Citer ce document / Cite this document :
Charpentier Jean. L'affaire du Rainbow Warrior : la sentence arbitrale du 30 avril 1990 (Nouvelle Zélande c. France). In:
Annuaire français de droit international, volume 36, 1990. pp. 395-407.
doi : 10.3406/afdi.1990.2969
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1990_num_36_1_2969ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL
XXXVI - 1990 - Editions du CNRS, Paris.
L'AFFAIRE DU RAINBOW WARRIOR :
LA SENTENCE ARBITRALE DU 30 AVRIL 1990
(Nouvelle-Zélande c/France) (1)
Jean CHARPENTIER
1) L'étrange affaire, décidément ! Après avoir été réglée, dans un pre
mier temps, par une médiation qu'on pouvait prendre pour un arbitrage (2),
voici qu'elle fait l'objet d'un arbitrage qui ressemble fort à une médiation !
L'arbitrage et la seraient-ils, malgré leur différence de nature,
également adaptés au règlement des différends politiques ?
2) Car l'affaire a toujours été hautement politique. Son origine est po
litique (3). C'est la décision - prise par qui ? c'est une autre question, mais
disons - assumée par le gouvernement français, de faire couler par des
agents des services secrets, un navire, le Rainbow Warrior, appartenant à
la fondation écologiste Greenpeace, dans le port néozélandais d'Auckland,
pour l'empêcher d'aller perturber les essais nucléaires français dans l'atoll
de Mururoa. L'objet, le cœur du différend qui est en résulté entre la France
et la Nouvelle-Zélande est politique : il ne s'agit pas de débattre de la res
ponsabilité de la France : elle la reconnaît. Il s'agit de trouver un moyen,
acceptable par la Nouvelle-Zélande, de faire sortir des geôles néo-zélandaises
où ils avaient été condamnés à dix ans de réclusion, les deux malheureux
- et maladroits - agents français - les faux «époux Turenge» - arrêtés sur
place et jugés responsables, ou tout au moins complices, du crime. Le rè
glement sera politique : faute d'y parvenir par la négociation, on fait appel
au Secrétaire Général des Nations Unies qui imagine la solution que les
deux Parties entérinent par un accord signé le 9 juillet 1986 (4) : les deux
agents — le commandant Mafart et le capitaine Prieur — , seront remis par
la Nouvelle-Zélande à la France mais celle-ci s'engage à les exiler pendant
trois ans sur un îlot perdu du Pacifique, Hao.
(*) Jean Charpentier, Professeur à l'Université de Nancy II.
(1) Le texte de la sentence a été publié à la R.G.D.I.P. 1990, p. 838, et au J.D.I. 1990,
p. 841, avec le commentaire du Professeur Pinto.
(2) Voir notre article : «L'affaire du Rainbow Warrior : le règlement interétatique», cet Ann
uaire, 1986, p. 873-885, et G. Apollis : «Le règlement de l'affaire du Rainbow Warrior», R.G.D.I.P.
1987, p. 10-43.
(3) Voir notre article : «L'affaire du Rainbow Warrior», cet Annuaire, 1985, p. 210-220.
(4) L'échange de lettres du 9 juillet est publié au J.O.R.F., 13 juillet 1986, et à la R.G.D.I.P.,
1986, p. 1 096. - Le règlement comporte également l'engagement d'adresser des excuses for
melles, de verser une somme de 7 millions de $, l'assurance d'un traitement commercial favorable
et l'obligation d'arbitrage dont il va être question plus loin. Voir l'article précité. 396 L'AFFAIRE DU RAINBOW WARRIOR
3) Mais voici que par la suite, contrairement au texte de l'accord, les
deux agents sont rapatriés par le gouvernement français, l'un après l'autre,
avant l'expiration de leur peine. Le différend se reforme, autour du même
problème : une fois encore la France a reconnu sa responsabilité (5); ce dont
il s'agit, c'est de calmer la colère du néo-zélandais sans avoir
à renvoyer à Hao les deux officiers. Une fois de plus, les négociations
échouent; va-t-on solliciter à nouveau M. Perez de Cuellar ? C'est malheu
reusement impossible, car il a pris la précaution d'insérer dans son règl
ement une clause d'arbitrage obligatoire pour tout différend relatif à son
application. Constitué à la demande de la Nouvelle-Zélande (6), le tribunal,
qui doit statuer conformément aux accords du 9 juillet 1986 et aux principes
du droit international, va-t-il faire droit à sa demande et ordonner le renvoi
des deux agents français à Hao ?
4) Décision à haute charge émotive qu'aucun gouvernement, et surtout
pas le gouvernement en place (7), ne pourrait exécuter, sans prendre un
risque politique considérable. Le tribunal en est bien conscient : il va trouver
un raisonnement juridique approprié pour s'y refuser.
Est-ce le signe révélateur de la dérive médiatrice de notre arbitrage ?
Révélateur, sans doute, mais pas suffisant. Car chacun sait que le mécanisme
intellectuel de tout juge consiste à justifier par un raisonnement juridique
cohérent une solution qu'il estime à priori équitable. Après tout, la Cour
Permanente d'Arbitrage avait bien trouvé les moyens pour ne pas avoir à
ordonner à la Grande-Bretagne de restituer Savarkar à la France ! (8).
Mais il y a plus. Le tribunal, soucieux vraisemblablement d'atténuer la
déception de la Nouvelle-Zélande, prend sur lui, non pas d'ordonner à la
France de lui verser une compensation monétaire qu'elle n'a jamais réclamée,
mais de lui recommander de le faire en apportant une contribution d'un
montant de 2 millions $ à un «fonds destiné à promouvoir d'étroites et ami
cales relations entre les citoyens des deux pays».
Si la médiation consiste bien «à concilier les prétentions opposées et à
apaiser les ressentiments qui peuvent s'être produits entre les États en
conflit» (9) alors, cet arbitrage-là y ressemble fort !
(5) Voir les déclarations du Premier ministre publiées à YA.F.D.I, 1989, p. 887.
(6) Cette demande a été notifiée officiellement le 22 septembre 1988. Le tribunal a été consti
tué le 14 février 1989, et composé de M. Eduardo Jimenez de Arechaga, président, de sir Kenneth
Keith, désigné par le gouvernement de la Nouvelle-Zélande et de M. Jean-Denis Bredin, désigné
par le gouvernement de la République française. Un accord complémentaire d'arbitrage a été
conclu le même jour.
(7) Comme l'écrivait un journaliste (Edwy Plenel, «Le Monde» du 14 octobre 1988), «Certes
un premier ministre R.P.R. n'a pas respecté la parole internationale de la France. Mais un premier
ministre socialiste peut-il en faire payer les conséquences à (des) officiers qui ne furent que les
exécutants disciplinés d'une opération organisée sous un gouvernement... socialiste ?» Il y aurait
une étude fort intéressante à faire sur l'incidence des changements de gouvernements sur le
règlement des différends internationaux...
(8) 24 février 1911, R.S.A., vol. XI, p. 243.
(9) Selon les termes de la lère Convention de La Haye, 18 octobre 1907, art. 4. - Effect
ivement, la sentence semble avoir été bien accueillie des deux côtés. La France, pour sa part,
s'est déclarée très favorable à la constitution de ce fonds et disposée à y verser la contribution
«recommandée». - (Communiqué du Quai d'Orsay du 7 mai 1990, P.E.F., mai-juin, p. 13 et ré
ponse du Premier ministre à Q.G. Lokgeoux, JO.AN.CR., 10 mai 1990, p. 1087). L'AFFAIRE DU RAINBOW WARRIOR 397
5) Mais il n'est pas pour autant dénué d'intérêt pour le juriste. Tant
s'en faut. Certes, à première vue, la sentence déçoit. Une bonne partie de
ses 128 paragraphes est consacrée à l'appréciation des faits. La discussion
juridique semble dictée par les arguments des Parties entre lesquels le Tri
bunal tranche sans laisser percevoir le fil conducteur d'un raisonnement
continu. Les positions retenues par le tribunal s'appuient le plus souvent
sur le Projet de codification de la Commission du droit international sur la
Responsabilité des États, voire sur l'avis de ses rapporteurs successifs qui,
quelles que soient leur haute valeur et la commodité de leur consultation,
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