L’authenticité d’une œuvre d’art. Comparaison franco-anglaise - article ; n°3 ; vol.56, pg 625-654
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 2004 - Volume 56 - Numéro 3 - Pages 625-654
Les concepts d’erreur en droit français et de mistake en droit anglais ont des domaines très différents. Le premier est entendu d’une façon très large pour protéger le consentement des parties. Le second est défini très restrictivement afin de garantir la sécurité contractuelle. La décision Great Peace, rendue par la Court of Appeal en octobre 2002, a renforcé cette différence en supprimant le concept de mistake qui existait en
Equity.
Cette divergence est évidente lorsque l’erreur porte sur l’authenticité d’une oeuvre d’art. Alors que l’inauthenticité permet d’obtenir l’annulation du contrat pour vice du consentement en droit français, il faut se tourner, en droit anglais, vers d’autres mécanismes comme la misrepresentation et l’inexécution pour obtenir un résultat similaire. Cette illustration montre que l’harmonisation européenne doit se faire par la définition de clauses contractuelles communes, comme la Commission européenne l’a envisagé dans son récent Plan d’action et non par catégorie de concepts. Une telle harmonisation permettrait d’encourager la création d’un marché de l’art européen homogène.
Erreur in French law and mistake in English law have different aims. Erreur is interpreted broadly in order to ensure the parties’ consent. Conversely, mistake is narrowly defined, so as to ensure that contracts are valid. The Court of Appeal case of Great Peace (2002) has confirmed this difference in putting an end to the concept of mistake in Equity. This opposition is obvious when illustrated by mistake as to the authenticity of works of art. If a party buys a painting mistakenly believing that it is genuine, he can rescind the contract in French law, since an erreur vitiates consent. Mistake as to the authenticity of a work of art is not a ground for rescission in English law. The subjectivity of consent is not taken into account. It is however possible to attain a similar result by other means, such as misrepresentation or breach of contract. This example illustrates that any European harmonisation cannot be attained simply by harmonising concepts. It should be done by the definition of common contractual terms, as envisaged by the European Commission in its recent Action Plan on European contract law. Such a harmonisation would encourage a unified European art market.
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Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2004
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Langue Français

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R.I.D.C. 3-2004
    L’AUTHENTICITÉ D’UNE ŒUVRE D’ART UNE COMPARAISON FRANCO-ANGLAISE    Sophie VIGNERON     Les concepts d’erreur en droit français et demistake en droit anglais ont des domaines très différents. Le premier est entendu d’une façon très large pour protéger le consentement des parties. Le second est défini très restrictivement afin de garantir la sécurité contractuelle. La décisionGreat Peace, rendue par laCourt of Appealen octobre 2002, a renforcé cette différence en supprimant le concept demistake existait en qui Equity. Cette divergence est évidente lorsque l’erreur porte sur l’authenticité d’une œuvre d’art. Alors que l’inauthenticité permet d’obtenir l’annulation du contrat pour vice du consentement en droit français, il faut se tourner, en droit anglais, vers d’autres mécanismes comme lamisrepresentationet l’inexécution pour obtenir un résultat similaire. Cette illustration montre que l’harmonisation européenne doit se faire par la définition de clauses contractuelles communes, comme la Commission européenne l’a envisagé dans son récent Plan d’action et non par catégorie de concepts. Une telle harmonisation permettrait d’encourager la création d’un marché de l’art européen homogène.  Erreur inlaw and mistake in English law have different aims. French Erreur is interpreted broadly in order to ensure the parties’ consent. Conversely, mistake is narrowly defined, so as to ensure that contracts are valid. The Court of Appeal case of Great Peace (2002) has confirmed this difference in putting an end to the concept of mistake in Equity. This opposition is obvious when illustrated by mistake as to the authenticity of works of art. If a party buys a painting mistakenly believing that it is genuine, he can rescind the contract in French law, since anerreur as to the Mistake consent. vitiates authenticity of a work of art is not a ground for rescission in English law. The                                                  Lecturer, University of Kent, England. Membre de l’Association Art et Droit.
626 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 3-2004  subjectivity of consent is not taken into account. It is however possible to attain a similar result by other means, such as misrepresentation or breach of contract. This example illustrates that any European harmonisation cannot be attained simply by harmonising concepts. It should be done by the definition of common contractual terms, as envisaged by the European Commission in its recent Action Plan on European contract law. Such a harmonisation would encourage a unified European art market.   En 2002, un tableau de Rubens « Le Massacre des Innocents » a été adjugé pour 72 millions d’euros. Un an auparavant, le même tableau, attribué à un successeur de Rubens : Jan van den Hoecke, était évalué 740.500 livres sterling1. Après un siècle de tergiversations, une peinture intitulée « La jeune femme assise à la virginale » vient d’être reconnue comme une œuvre de V2Son estimation, 4,5 millions d’euros, ermeer . reflétait les doutes liés à des tergiversations. L’œuvre a toutefois été assurée pour 24 millions d’euros3. La contestation de l’authenticité d’une paire d’urnes Louis XV a fait chuter leur valeur de 2,8 millions à 45000 euros4. L’originalité d’un bien est l’élément qui, d’une part est recherché par un collectionneur, et d’autre part, lui donne une valeur marchande. Si l’œuvre n’est qu’une reproduction, une copie, un faux, une imitation ou une contrefaçon, elle n’a aucune valeur. Elle n’est plus rare mais commune, elle n’est plus unique mais banale. Alors, le collectionneur déçu se retourne contre le vendeur pour obtenir la restitution des sommes versées. Les règles juridiques françaises et anglaises peuvent lui permettre d’obtenir à ce résultat mais selon des cheminements très différents liés à la conception du contrat. La conception française est plutôt subjective, la convention est un accord de volontés, alors que la conception anglaise est plutôt objective, le contrat est un échange de promesses. En droit français, le consentement, expression de la volonté d’un contractant, s’apprécie de façon subjective. En droit anglais, le consentement d’une personne se cristallise dans une promesse, engagement objectif qui se détache de la volonté5. Cette distinction entre expression de volonté subjective et promesse objective se retrouve dans l’appréciation des                                                  1T. BRANIGAN, « Desperately seeking Rubens »,Londres,The Guardian, 2 sept. 2002.  2 Fallen Woman restored as 36 M. KENNEDY, «th Vermeer », Londres,The Guardian, 31 mars 2004. 3 M. KENNEDY, « Vermeer fetches £16.2 million », Londres,The Guardian, 8 juillet 2004. 4 S. MORRIS, « £1.9m urns or just a pair of old bowls? », Londres,The Guardian, 11 mars 2004.Thomson v. Christie, Manson & Woods[2004] EW 1101. 5G. SAMUEL,Law of Obligations and Legal Remedies,2eéd., Londres, Cavendish, 2001, p. 318. Selon l’auteur,« there is no mechanism by which the subjective intentions of the parties can affect the objectivity of the promises ». V. également,Paal Wilson & Co. A/S v. Partenreederei Hannah Blumenthal[1983] 1AC854, p. 915.
 
 
S. VIGNERON : L’AUTHENTICITÉ D’UNE ŒUVRE D’ART : ANGLETERRE 627
vices du consentement. L’erreur en droit français protège la volonté d’un contractant en lui permettant de demander la nullité de la convention lorsque son objet ne correspond pas à ce qu’il croyait. En revanche, l’erreur, en droit anglais, est appréciée très restrictivement. Dès lors que la promesse est détachée de la volonté (véritable siège du vice), il est rare qu’elle soit entachée d’un vice suffisant pour annuler le contrat enCommon Law6ou en Equitydroit dans laquelle l’erreur n’existe plus depuis la, branche du décision de laCourt of Appeal, Great Peace Shipping Ltd. v. Tsavliris (International) Ltd7. Les répercussions de ces différentes appréciations du concept d’erreur sont évidentes lorsqu’elles s’appliquent à l’authenticité des œuvres d’art qui, en France et en Angleterre, sont à l’origine d’une jurisprudence intéressante. En effet, alors qu’en France, l’erreur peut être invoquée en cas de doute sur l’authenticité d’un bien, en Angleterre, le contrat est valablement formé. Cependant, la convention peut être remise en cause par deux autres mécanismes : lamisrepresentation et l’inexécution contractuelle pour obtenir soit la disparition du contrat, soit l’octroi de dommages et intérêts. Ces deux actions sont fondées sur l’engagement pris par une partie lors de la conclusion du contrat et non sur la volonté. L’appréciation du contrat est alors objective et non subjective. Cette divergence entre les approches subjectives et objectives du contrat illustre les difficultés liées à l’harmonisation du droit privé européen. En effet, l’harmonisation ne peut pas porter sur des catégories de concepts comme l’objet, la cause, l’erreur ou le dol. Il est impossible de définir une notion commune de l’erreur en droit français et anglais ou même de définir un standard commun de protection des parties qui devrait absolument se faire par le concept de l’erreur. En revanche, il est possible et même souhaitable de définir des clauses contractuelles communes afin de garantir qu’en droit français et en droit anglais l’œuvre d’art achetée correspond à sa description. Si ce n’est pas le cas, soit le contrat pourrait disparaître sur le fondement de l’erreur (nullité relative), de lamisrepresentation (rescission ou nullité8) ou de l’inexécution (résolution), soit la partie pourrait recevoir                                                  6Le termeCommon Lawa trois significations distinctes. La première est celle de pays de droit coutumier opposé au pays de droit écrit. La deuxième est celle de droit coutumier (Common Lawet Equity) opposé à la loi (statute law). La dernière est celle de droit commun à tous (Common Law) opposé à l’Equitysans indication supplémentaire, il a le sens de droit. Si le terme est employé commun opposé à l’Equity. 7 Great Peace Shipping Ltd. v. Tsavliris (International) Ltd.,(CA)[2002] EWCA Civ. 1407, [2002] 3WLR1617. 8 terme anglais Lerescissionvise tantôt la nullité dans le cas de lamisrepresentation (rescission in Equityrésolution dans le cas de l’inexécution contractuelle (), tantôt la rescission for breach). J. BEATSON,Anson’s Law of Contract,28eéd., Oxford, OUP, 2002, p. 581.
 
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