L évaluation du préjudice en cas de perte de gains - article ; n°2 ; vol.38, pg 441-465
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1986 - Volume 38 - Numéro 2 - Pages 441-465
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Yves Chartier
L'évaluation du préjudice en cas de perte de gains
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 38 N°2, Avril-juin 1986. pp. 441-465.
Citer ce document / Cite this document :
Chartier Yves. L'évaluation du préjudice en cas de perte de gains. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 38 N°2, Avril-
juin 1986. pp. 441-465.
doi : 10.3406/ridc.1986.2426
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1986_num_38_2_2426R.I.D.C. 2-1986
L'EVALUATION DU PREJUDICE
EN CAS DE PERTE DE GAINS
par
Yves CHARTIER
Agrégé des Facultés de droit
Professeur à l'Université René-Descartes
(Paris V)
1. — II faut beaucoup de témérité, et sans doute non moins d'in
conscience, pour s'aventurer, en droit français, sur un terrain aussi incer
tain et aussi mouvant que celui de l'évaluation du préjudice de la victime
d'un accident en cas de perte de sa capacité de gains (1).
2. — A. — Le thème est d'apparence facile, voire simpliste, puisque
les principes sur lesquels repose cette évaluation sont bien établis et peu
nombreux ; ils sont pratiquement au nombre de deux.
3. — Le premier, qui constitue d'ailleurs le fondement essentiel du
droit de la responsabilité, est celui de la réparation intégrale. « Le propre
de la responsabilité est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre
détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle
(1) Malgré le caractère très général de l'intitulé de cette étude, le questionnaire remis
aux rapporteurs nationaux précisait que « ce thème de réflexion port(ait) essentiellement sur
l'indemnisation de la victime immédiate pour perte de sa capacité de gains ». Aussi ne sera-
t-il pas question dans la suite de ces développements d'autres aspects de la perte de gains,
comme par exemple celles de l'industriel à la suite d'un sinistre, ou du salarié après licencie
ment, etc. REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1986 442
se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu » (2). « Si la
réparation d'un dommage ne peut excéder le montant du préjudice, elle
doit, en tout cas, être intégrale » (3).
Par conséquent, la perte de gains d'une victime accidentée doit être
indemnisée dans sa totalité dès lors que cette perte est bien en relation de
cause à effet avec l'accident, et que le préjudice invoqué est licite, certain
et direct. Quand la responsabilité est retenue, il est en principe indifférent
pour l'évaluation que la faute soit lourde ou légère : « l'indemnité néces
saire pour compenser le préjudice doit être calculée en fonction de la valeur
du dommage, sans que la gravité de la faute puisse avoir aucune influence
sur le montant de ladite indemnité » (4).
4. — Trois précisions s'imposent seulement. En premier lieu, il est
évident que la loi peut prévoir une limitation de la réparation. On sait en
effet par exemple qu'en droit aérien, la Convention de Varsovie (art. 22)
fixe un maximum à l'indemnisation due à chaque passager par le transpor
teur, sauf cas de dol ou de faute inexcusable : cette règle est aujourd'hui
en principe applicable en droit interne (art. L. 322-3, C. aviat. civ.). De
même, la loi n° 77-5 du 3 janvier 1977 relative à l'indemnisation par l'État
de certaines victimes de dommages résultant d'une infraction prévoit-elle
(art. 706-9, C. pr. pén.) que le montant de l'indemnité pour préjudice
corporel (indemnité qui comprend la réparation pour perte de gains) ne
peut dépasser un maximum fixé « chaque année par décret » — maximum
qui est relativement bas encore qu'il vienne d'être porté à 400.000 F par
un décret n° 86-304 du 5 mars 1986. Mais, au total, les hypothèses sont
rares.
5. — La pratique connaît d'autre part les clauses qui excluent ou
limitent la responsabilité (5). Mais les premières doivent rester en dehors
de notre propos car dans la mesure où elles sont valables, il n'y a pas lieu
à évaluation. Au demeurant, elles sont interdites en matière de responsabil
ité délictuelle, « les articles 1382 et 1383 du Code civil étant d'ordre
public et leur application ne pouvant être paralysée d'avance par une
convention » (6), et leur validité est pour le moins incertaine même en
matière contractuelle, dès lors qu'elles concernent le dommage à la
personne (7).
(2) Cass. civ. 2e, 7 déc. 1978, Bull. civ. II, n° 269, p. 207. Adde les autres décisions citées
in n° Y. 112. CHARTIER, La réparation du préjudice dans la responsabilité civile, Dalloz, 1983,
(3) Cass. civ. 2e, 6 juill. 1983, Bull. civ. II, n° 143, p. 100.
(4)civ. 2e, 8 mai 1964, J.C.P. 1965, II, 14140, note EISMEIN ; Rev. trim. dr. civ.
1965, 137, n° 20, obs. RODIÈRE ; Adde notre ouvrage préc, nos 473 et s.
(5) V. STARCK, « Observations sur le régime juridique des clauses de non-responsabil
ité ou limitatives de responsabilité », D. 1974, chron. 157.
(6) Cass. civ. 2e sect., 17 fév. 1955, D. 1956, 17, note EISMEIN ; J.C.P. 1955, II,
8951, note RODIÈRE ; Grands arrêts jurisp. civ., 8e éd. par A. WEIL, F. TERRÉ et
Y. LEQUETTE, p. 427 et les arrêts cités.
(7) V. H., L. et J. MAZEAUD, Traité de la responsabilité civile, t. III, 2e vol., 6e éd.,
par F. CHABAS, n° 2529, et les références citées note 2. Comp. toutefois Cass. civ. lre, 3
oct. 1972, Bull. civ. I, n° 191, p. 167. Y. CHARTIER : PRÉJUDICE EN CAS DE PERTE DE GAINS 443
6. — Quant aux clauses limitatives de responsabilité, la question de
leur emploi pour restreindre la réparation des dommages à la personne se
pose essentiellement en matière de contrats de transport. Or, le législateur
est intervenu pour les interdire dans certains cas (art. 23 de la Convention
de Varsovie les transports aériens, de même que l'art. 33 de la loi du
18 juin 1966 concernant les transports maritimes ou la de
Berne du 26 février 1966 pour les internationaux de voyageurs
par chemins de fer) et dans les autres types de transports, elles ne sont pas
usitées (8). Il faut ajouter qu'en cas de plafonnement, le principe de la
réparation intégrale subsiste, ce qui veut dire que l'évaluation du dommage
s'effectue de la même façon : c'est seulement si le chiffre auquel elle
aboutit est supérieur au maximum autorisé que la condamnation est alors
limitée en conséquence.
7. — Enfin, et c'est la troisième précision, en droit contractuel, seul
est en principe réparable le dommage prévisible puisqu'en vertu de l'arti
cle 1150 du Code civil, « le débiteur n'est tenu que des dommages et
intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque
ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée ». Mais ce
texte est en réalité sans incidence sur l'évaluation du dommage résultant
d'une atteinte à la personne. Ou bien en effet ce tient à une
mauvaise exécution ou à une inexécution d'une obligation conventionnelle,
et de ce fait même, il était prévisible, ou bien il se situe hors du champ
contractuel, et il relève alors de la responsabilité délictuelle. Dans tous les
cas, par conséquent, le préjudice doit être en principe réparé intégralement
à condition — c'est concrètement la seule question — qu'il soit bien direct.
8. — Le second principe fondamental de la réparation est que « l'exi
stence et l'étendue du préjudice (sont) souverainement appréciés par les
juges du fond » (9). Cette liberté ainsi reconnue aux juges du fait est aussi
admise par la Chambre criminelle : les juges de répression apprécient
souverainement dans la limite des conclusions de la partie civile, l'indemn
ité qui lui est allouée sans qu'ils soient tenus de spécifier sur quelle base
ils ont évalué le montant de cette indemnité (10). Il n'en est autrement
que lorsque l'appréciation des juges découle de motifs contradictoires ou
erronés (11). Il en résulte que les juges du fond ne peuvent « se référer,
dans une espèce déterminée, à des règles établies à l'avance pour justifier
leur décision » (12).

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