La déréglementation et les sources du droit du travail - article ; n°1 ; vol.42, pg 9-25
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1990 - Volume 42 - Numéro 1 - Pages 9-25
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Umberto Romagnoli
La déréglementation et les sources du droit du travail
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 42 N°1, Janvier-mars 1990. pp. 9-25.
Citer ce document / Cite this document :
Romagnoli Umberto. La déréglementation et les sources du droit du travail. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 42
N°1, Janvier-mars 1990. pp. 9-25.
doi : 10.3406/ridc.1990.1915
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1990_num_42_1_1915R.I.D.C. 1-1990
LA DEREGLEMENTATION
ET LES SOURCES DU DROIT DU TRAVAIL (*)
par
Umberto ROMAGNOLI
Professeur à l'Université de Bologne
1. — La déréglementation en droit est l'un des nombreux termes
qui rendent barbare le langage utilisé par les juristes. Mais prenons notre
mal en patience : lorsqu'un mot connaît un tel succès, c'est signe qu'il le
mérite.
Il n'en reste pas moins que les juristes se doivent d'en éclaircir le
sens et les implications. Ils se trompent en tout cas en ayant recours
chaque fois à ce terme pour décrire une réalité en pleine évolution sans
en signaler les ambiguïtés.
La déréglementation est en fait une étiquette qui résume des orienta
tions législatives prises dans tous les pays industrialisés, qui, au-delà des
méthodes utilisées convergent toutes vers une même solution : aider les
entreprises à sortir plus compétitives qu'auparavant du tunnel de la crise
économique des années soixante-dix, en leur redonnant, en matière de
gestion de la main-d'œuvre des marges de manœuvre plus souples, marges
autrefois supprimées par un droit syndical et un droit du travail régis aussi
bien par des lois que par des conventions. Et c'est précisément avec les
briques des législations européennes d'urgence que l'on se prépare à
construire l'édifice dans lequel devront vivre au cours des années à venir
le droit syndical et le droit du travail, qu'ils soient régis par des lois ou
par des conventions.
(*) Ce rapport est une synthèse de réflexions qui sont également nées d'idées et de
textes fournis par mes amis et collègues. Je tiens à les en remercier publiquement : Antonio
BAYLOS, de l'Université Complutense de Madrid ; Brian BERCUSSON, de l'Istituto
Universitario Europeo (Florence) ; Wolfgang DAUBLER, de l'Université de Brème ;
Antoine LYON-CAEN, de l'Université de Paris X-Nanterre. 10 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 1-1990
C'est aussi pour cette raison qu'il y a moins de désaccord sur ce que
ce terme décrit que sur ce qu'il prescrit. Quoi qu'il en soit, le patronat
européen dispose désormais, grâce à la déréglementation d'une « boîte à
outils » incomparablement mieux garnie qu'elle ne l'était jusqu'à il y a
une dizaine d'années, pour réaliser une flexibilité à 1' « entrée » ou à la
« sortie » du marché du travail, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'entre
prise. Et cela, parce que les années 80 ont été marquées par une stratégie
de normalisation de la flexibilité de manière très homogène dans tous les
pays d'Europe occidentale.
Ainsi, la flexibilité à l'entrée est assurée par les mesures législatives
incitatives suivantes : incitation du travail à mi-temps, accès à l'emploi
différencié pour les jeunes, multiplication des possibilités d'emploi tempor
aire, réduction de la tutelle du droit du travail pour les catégories sociales
sous-protégées, possibilités accrues de se passer de la médiation des pou
voirs publics pour satisfaire la demande de travail. Alors que la flexibilité
à la sortie est assurée par les législations sur le système des préretraites,
sur la limitation du champ d'application et/ou de la rigueur de la tutelle
en matière de licenciements abusifs et sur les contrats de solidarité associés
à des réductions de personnel.
Cette liste est peut-être incomplète, voire certainement. Mais ce qui
nous intéresse ici, ce n'est pas tant de mesurer la queue de cette sorte de
comète qu'est la déréglementation que de comprendre la manière dont
elle a montré le chemin à suivre pour revenir à la loi du marché et aux
idéologies qui en célèbrent le triomphe.
On peut dire qu'elle l'a fait en renforçant le tissu normatif. En dépit
des apparences, en effet, déréglementer ne signifie pas tarir les sources
de la réglementation, mais seulement les faire fonctionner différemment.
Ainsi, alors qu'en Grande-Bretagne, on assistait à un néo-intervention
nisme étatique destiné à évincer une autonomie contractuelle collective
qui pénalisait l'initiative économique, l'Europe continentale — et notam
ment la France et l'Italie — connaissait une régression de la logique des
acquis du droit du travail avec le soutien de la négociation collective,
même si ce soutien était recherché avec une conviction et une intensité
très inégales.
Pour cette raison, l'idée selon laquelle déréglementer équivaut à
alléger un corpus de règles excessif, dû à un zèle de réglementation
débridé, est une mystification. La déréglementation est avant tout une
formule abrégée qui désigne un processus de redistribution du pouvoir
normatif ; ce processus vise à introduire une réglementation dérogatoire
des relations du travail qui soit plus sensible aux exigences du système de
production qu'à une finalité sociale soucieuse de garantir un niveau d'égal
ité fondamentale plus élevé dans un domaine où il y en a si peu. Cela
revient à dire que, par cet aspect, la déréglementation oblige le droit du
travail à soupçonner que « sa raison avait tort ». Elle entraîne, en outre,
une érosion du contrat type du travail salarié, dont la réglementation
standard s'éloigne de la tendance à l'expansion qui la soutenait depuis le
début. En d'autres termes, « la » subordination n'existe plus, ce qui existe,
ce sont « les » subordinations. Il n'existe pas un prototype de contrat
de travail salarié, mais plusieurs types de négociations intermédiaires DROIT DU TRAVAIL : HIER ET DEMAIN : U. ROMAGNOLI 11
auxquelles on ne peut pas appliquer la règle de protection la plus élevée
(et presque fictive)) mais plutôt une réglementation particulière, plus
adaptée et qui correspond le mieux à l'ensemble des intérêts décidés par
les parties, collectives ou individuelles. La déréglementation est donc, par
conséquent synonyme d'une multiplication de réglementation qualitativ
ement différenciées et augmentation de la tutelle allant de pair avec
les différents types de relations de travail. La équivaut,
en somme, à transformer le droit du travail, d'un système de réglementat
ion pluraliste qu'il était, de par la vocation hégémonique du prototype
normatif ou réglementaire des relations de travail, en un ensemble de
règles qui, pour reprendre une expression imagée de la Cour constitution
nelle « se rabaissent au niveau d'un troupeau privé de berger ». Et de
fait, la flexibilité des règles gouvernant l'utilisation de la ressource-travail
sape les principes de la garantie, et « la réunification juridique de la
communauté de travail » (comme l'exprimait le rapport Auroux) est un
objectif qui perd de son éclat à mesure qu'on le fait reluire.
Ce bref aperçu donné à titre d'éclaircissement, suffit pour mesurer
la distance qui nous sépare de l'époque à laquelle personne ne pouvait
deviner quel avenir attendait le droit du travail, et où les juristes spécialisés
aimaient à décrire leurs travaux de recherche comme un sourcier aurait
décrit le sien.
Ils s'imaginaient, en effet, le droit du travail semblable à une nappe
d'eau qui tente de se frayer un chemin à travers l'écorce terrestre et se
manifeste çà et là par de légers jaillissements, jusqu'à ce que la force
accumulée vienne à bout de la résistance et se libère. On peut dire que
le droit du travail tel que le concevaient nos prédécesseurs était destiné
à avancer sur

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