La liberté personnelle et les limites du pouvoir judiciaire - article ; n°3 ; vol.27, pg 549-570
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1975 - Volume 27 - Numéro 3 - Pages 549-570
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

André Grisel
La liberté personnelle et les limites du pouvoir judiciaire
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 27 N°3, Juillet-septembre 1975. pp. 549-570.
Citer ce document / Cite this document :
Grisel André. La liberté personnelle et les limites du pouvoir judiciaire. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 27 N°3,
Juillet-septembre 1975. pp. 549-570.
doi : 10.3406/ridc.1975.16425
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1975_num_27_3_16425LA LIBERTÉ PERSONNELLE
ET LES LIMITES DU POUVOIR JUDICIAIRE
par
André GRISEL
Juge au Tribunal fédérai suisse
Un petit pays subit plus qu'un autre l'influence de ses voisins, sur
tout s'il s'agit de grands Etats. La Suisse n'échappe pas à la règle : plus
d'une de ses institutions porte l'empreinte du droit allemand ou du
droit français. Je ne vais pas rechercher ce que nos codes de droit privé
ou notre Code pénal doivent à la France ou à l'Allemagne ; les compa-
ratistes qui m'écoutent le savent sans doute mieux que moi. Dans tous
les cas, en droit public suisse, les emprunts à l'étranger sont manifestes.
Ici, la marque germanique est prépondérante, sur les questions de pro
cédure comme sur celles de fond. Il n'y a pas lieu de s'en étonner. La
République fédérale d'Allemagne et la Suisse étant toutes deux des
Etats fédératifs, la ressemblance de leurs structures peut expliquer la
parenté de leurs droits constitutionnels et administratifs ; des raisons
historiques ont probablement aussi favorisé ce rapprochement, sans parl
er de la communauté de langue. Bref, par la force des choses, les publi-
cistes suisses s'orientent principalement vers le Nord. Je ne crois pas
devoir m'en excuser auprès de mes hôtes, dont le prestige n'a pas besoin
d'être rehaussé par une créance contre la Suisse. Si j'ai tout de même
un regret, c'est à l'idée que les Suisses français, avec un peu plus de
persévérance ou de loisirs, pourraient faire bénéficier davantage notre
droit public des enseignements de la doctrine et de la jurisprudence
françaises.
Toutefois, la similitude des notions et des techniques n'exclut pas
la diversité des solutions. Les mêmes mots n'ont pas toujours exacte
ment le même sens des deux côtés du Rhin ; telle formule du Bundesv
erfassungsgericht peut être reprise par le Tribunal fédéral suisse sans
conserver tout à fait son acception première. Ces observations s'appli
quent notamment à notre sujet : la liberté personnelle. J'entends par
là ce que les juristes français appellent en général la liberté indivi
duelle. Si je parle néanmoins de liberté personnelle, c'est parce qu'il
(*) Texte complété d'un exposé présenté à Paris, le 24 janvier 1975, lors de
l'Assemblée générale de la Société de législation comparée. 550 LA LIBERTÉ PERSONNELLE
s'agit d'une liberté individuelle parmi plusieurs autres (1). C'est aussi
pour une raison linguistique : l'expression de liberté personnelle traduit
littéralement celle de persönliche Freiheit, usuelle en Suisse allemande
comme en Allemagne (2). Or, en l'occurrence, l'étiquette n'est pas une
garantie d'origine. A mon point de vue, telle que la conçoit maintenant
la jurisprudence helvétique, la liberté personnelle n'a guère pris que
son nom au droit allemand. Certes, les arrêts les plus récents du Tribunal
fédéral suisse semblent s'inspirer directement de ceux de la Cour consti
tutionnelle d'Allemagne ; on trouve dans nos considérants des termes
visiblement importés de Karlsruhe. Aussi va-t-on jusqu'à nous reprocher
d'avoir adopté une théorie germanique que nous aurions plus ou moins
bien comprise. En réalité, j'ose l'attester, la critique se fonde sur des
indices. A travers les vocables, qui peuvent justifier le soupçon d'imi
tation manquée, une pensée propre, peut-être personnelle, cherche à
se manifester. Vous serez d'ailleurs en mesure d'en juger.
I. — LA CONTROVERSE
Loin d'être unanimement approuvés, les derniers arrêts du Tri
bunal fédéral sur la liberté personnelle se heurtent à des objections aux
quelles je viens de faire allusion. C'est pourquoi, dans une première
partie, j'exposerai l'évolution de la jurisprudence, puis les réactions de
la doctrine.
A. L'ÉVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE
Bien que notre revue jurisprudentielle s'étende sur un siècle, la
matière à analyser n'est pas très abondante. Dans un pays peu import
ant, certaines questions ne se posent qu'occasionnellement à sa Cour
suprême. Or, moins les contestations à trancher sont nombreuses, plus
il est difficile d'assurer la cohérence des solutions. En Suisse, durant
longtemps, les recours fondés sur la violation de la liberté personnelle
ont été plutôt rares ; aussi les arrêts rendus à cette époque ne s'accor
dent-ils pas tous sur chaque point. Toutefois, depuis une dizaine d'an
nées, les recourants se multiplient, c'est-à-dire que la ligne suivie par
le Tribunal fédéral devient plus régulière. Il est donc moins malaisé
aujourd'hui que jadis de dégager de la jurisprudence trois aspects prin
cipaux de la liberté personnelle : sa nature, son contenu et ses limites.
1 . La nature de la liberté personnelle
La liberté personnelle est un droit constitutionnel fédéral, non écrit,
inaliénable et imprescriptible.
(1) La confusion que peuvent faire naître les termes de liberté individuelle
n'échappe pas aux auteurs français (cf. Burdeau, Les libertés publiques, Paris,
Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1966, p. 103).
(2) L'expression de liberté individuelle, qui figure dans les Constitutions des
cantons romands, se retrouve dans plusieurs arrêts en langue française (RO 90 1 34
ss ; 91134 s. ; 95 1241 ; 99 I/a 695). ET LES LIMITES DU POUVOIR JUDICIAIRE 551
a) Un droit constitutionnel fédéral
Sont appelés constitutionnels les droits protégés par la Constitut
ion fédérale ou une Constitution cantonale. Peu importe qu'ils soient
inscrits ou non dans une ; il suffit qu'ils bénéficient de sa
garantie. Ce qui les caractérise notamment, c'est que leurs prétendues
violations peuvent être attaquées par une voie de droit instituée à cet
effet, le recours de droit public, dont connaît le Tribunal fédéral comme
juge constitutionnel.
Sur les vingt-cinq Constitutions cantonales, vingt-trois proclament
la liberté personnelle, sous ce nom ou celui de liberté individuelle ; seu
les les Constitutions de Bâle-Ville et du Tessin font exception. Les
différences de texte sont en général peu importantes ; après avoir déclaré
intangible la liberté personnelle, la plupart des constituants cantonaux
ont énoncé quelques règles de procédure pénale, telles que l'interdic
tion des arrestations arbitraires, l'obligation d'entendre l'inculpé et la
soumission de toute condamnation au principe de la légalité.
Pour sa part, la Constitution fédérale ne sauvegarde pas expres
sément la liberté personnelle, mais elle se borne à proscrire certains
actes qui y portent atteinte, en particulier la contrainte par corps et les
peines corporelles. En 1848, à la création de l'Etat fédératif, de même
qu'en 1874, lors de l'unique révision totale de la Constitution fédérale,
c'est sans doute à dessein que le principe de la liberté personnelle n'y
a pas été introduit. Vraisemblablement, le constituant fédéral a estimé
que la protection de cette liberté par la Confédération n'ajouterait rien
à celle qu'accordaient déjà presque tous les cantons. D'ailleurs, la liberté
personnelle étant souvent invoquée en matière de procédure pénale, il
pouvait se justifier de réserver aux cantons, restés compétents dans ce
domaine, le soin de déterminer le degré de liberté compatible avec le
fonctionnement de la justice pénale (3). Ainsi, pendant près de quatre-
vingt-dix ans, faute d'être reconnue par la Constitution fédérale, la liberté
personnelle a été considérée exclusivement comme un droit constitu
tionnel cantonal. <

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