La querelle sur le premier Code civil japonais et l ajournement de sa mise en vigueur : le refus du législateur étranger ? - article ; n°2 ; vol.43, pg 389-405
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La querelle sur le premier Code civil japonais et l'ajournement de sa mise en vigueur : le refus du législateur étranger ? - article ; n°2 ; vol.43, pg 389-405

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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1991 - Volume 43 - Numéro 2 - Pages 389-405
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Yasuo Okubo
La querelle sur le premier Code civil japonais et l'ajournement
de sa mise en vigueur : le refus du législateur étranger ?
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 43 N°2, Avril-juin 1991. pp. 389-405.
Citer ce document / Cite this document :
Okubo Yasuo. La querelle sur le premier Code civil japonais et l'ajournement de sa mise en vigueur : le refus du législateur
étranger ?. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 43 N°2, Avril-juin 1991. pp. 389-405.
doi : 10.3406/ridc.1991.2228
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1991_num_43_2_2228R.I.D.C. 2-1991
LA QUERELLE SUR
LE PREMIER CODE CIVIL JAPONAIS
ET L'AJOURNEMENT
DE SA MISE EN VIGUEUR :
REFUS DU LÉGISLATEUR ÉTRANGER ?
par
OKUBO Yasuo (*)
Directeur de Professeur la Maison à du la Faculté Japon à de la droit Cité de internationale l'Université universitaire de Nagoya de Paris,
C'est le 24 juin 1873 que Gustave Boissonade (1) signait à Paris son
premier contrat d'engagement avec le gouvernement japonais pour trois
années consécutives du jour de son arrivée au Japon. Embarqué à Mars
eille le 28 septembre, il arrivait au port de Yokohama le 15 novembre.
Selon le texte de son contrat (2), sa mission consistait à « aider à la
confection des lois et autres travaux réglementaires et consultatifs, comme
légiste au service du gouvernement japonais ». L'article 8 précisait par
ailleurs qu' « il est expressément stipulé que M. Boissonade s'engage,
pendant la durée du présent engagement, à ne s'occuper ni directement,
ni indirectement, d'opération de commerce ou d'industrie, et à ne se
mêler, en quoi que ce soit, à la religion ou aux questions politiques du
Japon ». En mars 1874 à Tôkyô, était conclu le contrat supplémentaire
portant sur l'enseignement du droit (3).
(*) Pour les noms de personnes japonaises, on a respecté l'usage du pays de placer le
nom de famille avant le prénom.
(1) Exactement : Gustave, Emile BOISSONADE DE FONTARABIE.
(2) Pour le texte intégral du premier contrat, v. ÔKUBO, « Gustave Boissonade, père
français du droit japonais moderne 1825-1910 », dans Revue historique de droit français et
étranger, vol. 59, 1981, pp. 50-52.
(3) Selon ce contrat, Boissonade percevait deux cents yens d'indemnité, en raison
d'une heure et trente minutes d'enseignement par jour. (Contrat conservé aux Archives
d'État à Tôkyô, dans la série Dajô-Ruiten). REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1991 390
Après avoir accepté cette proposition qui lui semblait séduisante,
Boissonade espérait naturellement et avec ardeur faire prévaloir dans la
codification des nouvelles lois japonaises les principes de la législation
française.
Mais, du côté japonais, l'état des choses n'était pas simple. A l'épo
que où le professeur français arrivait dans l'archipel nippon, le processus
de « modernisation » du pays — ce que l'on désigne par les termes « Meiji-
Ishin » — avait été entrepris depuis déjà quelques années. Il était dominé
par des conflits permanents : d'une part, on prônait l'occidentalisation
fulgurante, soumise aux pressions des grandes Puissances, et d'autre part,
la défense et la conservation des anciennes traditions et de la civilisation.
Significatif est le fait que le mot de « Meiji-Ishin » est traduit, tantôt par
« Révolution de Meiji », tantôt par « Restauration de Meiji ».
Si, par chance et par un concours de circonstances historiques, la
menace de l'occupation militaire et politique étrangère s'était avérée
moins imminente et moins réelle qu'on ne l'avait cru, le Japon, qui venait
de s'ouvrir au monde extérieur, dut affronter pour longtemps le vrai
danger de la colonisation culturelle. Les mots d'ordres célèbres : « Wakon-
Yôsai » [esprit (ou âme) du Japon, technique de l'Occident], illustrent
bien les doubles efforts déployés pour faire face à cette crise : apprendre
et faire siennes énergiquement les sciences et les techniques de l'Occident,
tout en ne perdant pas pour autant son identité nationale (4).
A vrai dire, il existait au Japon une tradition très ancienne — celle
de recevoir en la modifiant et en l'assimilant — l'influence étrangère
venue du Continent asiatique, de la Chine principalement. C'était même
la caractéristique de la civilisation japonaise (5). Mais cette fois, il s'agis
sait d'un véritable raz-de-marée de civilisation occidentale dont les apports
radicalement différents de la tradition nationale, risquaient d'emporter,
avec les valeurs d'une société, cette société elle-même.
Pour en revenir au problème qui nous intéresse — celui de la législa
tion — disons que quelques dirigeants japonais éclairés avaient très tôt
reconnu, plus ou moins explicitement, la nécessité d'une réforme juridique
complète et radicale et de surcroît « basée sur les principes occidentaux ».
Il n'y avait d'ailleurs guère d'autres choix devant l'effondrement et le
bouleversement de l'ancien régime juridique, en vigueur à l'époque de
Tokougawa jusqu'en 1867.
Il y avait aussi une autre raison, plus directe et plus frappante encore :
c'est que cette réforme juridique apparaissait comme la condition préala
ble à la révision des traités, inégaux et humiliants, qui avaient été conclus
(4) Roland BAHR, Die Rechtsrezeption Japans in der europäischen Beurteilung —
Versuch eines Anstosses zur Neubewertung mit "Wakon Yosai" als Schlüssel und Masstab,
traduit en japonais par HIRANO Toshihiko, dans Conscience et Société en Allemagne
moderne et contemporaine, Mélanges dédiés au Professeur Uevama Yasutoshi (en japonais),
Kyoto, 1987. pp. 395-427.
(5) MARUYAMA Masao. « Genkei. Kosô et Shitsuyo-teion » (Prototype, strate
ancienne et basso ostinato. A propos des trois mots utilisés pour analyser les caractéristiques
de la civilisation japonaise), dans Nihon-bunka no kakureta Kata (en japonais), Tokyo.
1984, p. 87 et s. Y. : BOISSONADE 391 OKUBO
avec les grandes Puissances, à la fin de l'époque de Tokougawa. Pour
relâcher leur tutelle, ces Puissances étrangères exigeaient avec intransi
geance, en effet, qu'en bon élève de l'Occident, ce pays fit preuve de sa
volonté d'établir un système juridique « moderne » de nature à garantir
toute sécurité à leurs ressortissants (6) (7).
Ainsi, dès le début, le problème de la codification du droit et celui
de la révision des traités, conclus précédemment avec les pays étrangers
se trouvaient-ils étroitement liés et indissociables, et c'est dans ce contexte
et dans ces perspectives que doit être replacée l'invitation faite à Gustave
Boissonade.
Mais l'œuvre qu'on attendait de lui était-elle réalisable ?
Un double objectif lui était assigné : établir une codification du
droit suivant les principes occidentaux, tout en conservant les valeurs
traditionnelles de la société nipponne. Ce double but ne renfermait-il pas
une telle contradiction que les efforts d'un législateur étranger — aussi
grand fût son zèle — semblaient voués d'avance à l'échec ? Autrement
dit, la querelle sur le premier Code civil japonais rédigé par le juriste
français paraissait inévitable et son ajournement une issue presque fatale.
Après avoir fait rapidement l'historique de l'élaboration du Code
Boissonade, nous rappellerons les principaux points de cette querelle
restée célèbre au Japon. Puis, nous tenterons de présenter et d'analyser
quelques-uns des principaux arguments développés par les adversaires et
par les partisans de cette codification. Enfin, en guise de conclusion, nous
poserons la double question de savoir, d'une part, si le rejet du Code
Boissonade équivalait au refus pur et simple d'une codification étrangère,
œuvre d'un législateur étranger — ce qui éclaire en partie la relation du
Japon avec l'Occident — et, d'autre part, si cet échec cruel de Boissonade
n'a pas contribué en fait à renforcer sa renommée et à en faire une figure
exemplaire dans notre pays.
(6) V. par ex., Albert ALTMAN, « Guido

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