La valeur du témoignage en droit civil - article ; n°2 ; vol.46, pg 437-460
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1994 - Volume 46 - Numéro 2 - Pages 437-460
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 57
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Jean-Pierre Gridel
La valeur du témoignage en droit civil
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, Avril-juin 1994. pp. 437-460.
Citer ce document / Cite this document :
Gridel Jean-Pierre. La valeur du témoignage en droit civil. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 46 N°2, Avril-juin
1994. pp. 437-460.
doi : 10.3406/ridc.1994.4883
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1994_num_46_2_48832-1994 R.I.D.C.
LA VALEUR DU TEMOIGNAGE
EN DROIT CIVIL
Jean-Pierre GRIDEL
Professeur à l'Université de Paris V-René Descartes
Directeur de l'Institut d'Études Judiciaires
Pourquoi le témoignage suscite-t-il, tout à la fois, méfiance et séduc
tion ?
A cette question, Henri Levy-Bruhl, dans l'ouvrage qu'il avait consa
cré h La preuve judiciaire (Paris, 1964) après avoir souligné que la preuve
était vraiment l'âme de la décision de justice, écrivait que le témoignage à la fois le mode le plus fragile, mais aussi, celui qui offrait le plus
de prise au juge décidé à accéder à la vérité du fait (op. cit., p. 126).
La fragilité du témoignage tient certes à ses dépendances avec la
mémoire, la lucidité, mais aussi, l'honnêteté intellectuelle et la force de
caractère. Devant toutes ces qualités, les hommes ne sont certainement
pas égaux, et, le dernier point nous fournit l'occasion de rappeler que,
en grec classique, témoin se dit martyr. J'ai vu sous l'autel les âmes de
ceux qui furent tués pour le témoignage qu'ils portaient, écrit l'apôtre
en son Apocalypse... Néanmoins, observait par ailleurs le maître cité plus
haut, le témoignage, au sens judiciaire du terme, avec l'aveu et l'attitude
plus générale des parties elles-mêmes, entre dans la catégorie plus vaste
de la « preuve vivante », celle qui peut se déduire tant du comportement
adopté tout au long du procès que des réactions face à une donnée objective
soudainement révélée.
1964-1994... Trente ans après, y a-t-il lieu de relativiser les conclu
sions de la magistrale étude sus-relatée ? Si l'explosion du progrès scienti-
fico-technique n'a certes pas changé la nature humaine, du moins a-t-elle,
sur un autre terrain de réflexion, conduit à modérer certaines affirmations,
classiques et parallèles, de la supériorité probatoire de Y écrit sur Y oral.
D'une part, les mérites de conservation et de fidélité de la preuve écrite REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1994 438
ont trouvé certaines limites, soit dans la difficulté matérielle d'archiver
des pièces toujours plus nombreuses, soit dans les possibilités nouvelles
de falsification, et, lorsque la fraude est seulement soupçonnée, dans les
querelles d'experts, et de profit du doute éventuellement subsistant. Par
ailleurs, et pour ce qui concerne la « preuve vivante », un souci, venu
de la procédure pénale, mais auquel le droit civil participe à sa façon,
proscrit de façon générale, au nom du respect dû à la personne, l'obtention
d'un récit par hypnose, narco-analyse, ou quelque procédé permettant
pourtant l'annihilation de toute volonté de taire ou de travestir.
Le témoignage conserve donc ses utilités, et, donc, ses vertus et
faiblesses, avec cette forte nuance, toutefois, que les possibilités modernes
de vérification conduiront parfois à le valoriser ou à l'écarter avec une
plus grande assurance. Si un commerçant conteste la conclusion d'un
contrat, malgré les témoins qui soutiennent, en dépit de ses dénégations
absolues, qu'ils l'ont entendu faire état d'un accord intervenu au téléphone
avec l'autre partie, la production des relevés informatiques des P. et T.
permettra au moins de savoir si les deux postes ont été ou non en contact
aux jour et heure prétendus. Pour conforter ou anéantir le témoignage,
la production de la bande enregistreuse d'un répondeur sera peut-être
significative elle aussi.
Le droit de la filiation suscite, également, des interdépendances nou
velles du témoignage et de la science. Avant les possibilités et les affine-
ments de l'investigation biologique, une action en recherche de paternité
naturelle présentait de grandes chances d'être accueillie si plusieurs person
nes dignes de foi attestaient le concubinage fidèle de la mère et du
défendeur à l'époque de la conception. En revanche, que l'expertise bioméd
icale moderne vienne exclure catégoriquement la paternité, et l'on en
restera là quant à cette demande. A l'inverse, aujourd'hui, que les dires
plus ou moins consistants d'un tiers fortuitement informé d'une brève et
discrète liaison puissent constituer « les présomptions ou indices graves »
auxquels la loi française (8 janvier 1993, a. 340 C. civ.) subordonne
désormais la recevabilité de l'action en recherche, et celle-ci, naguère
irrecevable, tiendra, de l'examen hématologique ou génétique, son épilogue
de fond.
Comme les autres modes de preuve, le témoignage apparaît bousculé
par l'investigation technico-scientifique, soit que celle-ci se présente
comme un procédé probatoire autonome, soit qu'elle tende à devenir,
lorsque la chose est possible, maîtresse ou arbitre de la crédibilité de
tous. Ce n'est pas là, toutefois, le seul phénomène de nos sociétés à
affecter le témoignage.
Que comprendre, d'abord et exactement, par « témoignage » pour la
suite de la présente recherche ? Une déclaration, orale ou écrite, faite
sous serment, et par laquelle une personne, tiers à un événement, en
affirme la certitude, parce qu'il a été perçu par ses propres sens lorsqu'il
s'est produit. Le témoin est celui qui a vu, lu, entendu, senti, identifié,
constaté, ou, parfois, recueilli les propos d' autrui à ces différents égards.
Le témoignage est donc parfaitement distinct, en droit, des dires des
parties elles-mêmes, comme, de façon plus théorique, des relations faites
par des tiers mais sans serment préalable, ainsi que de la commune J.-P. GRIDEL : TEMOIGNAGE EN DROIT CIVIL 439
renommée, laquelle se ramène à une croyance fortement répandue et non
contredite. Par ailleurs, laissant de côté le témoignage instrumentaire, tiré
de la présence physique de tiers organisée par la loi lors de la passation
d'un acte afin de le valider, ou de confirmer les identités des parties, ou
certaines de leurs déclarations, cette étude s'en tiendra au seul témoignage
en justice.
A son propos, une interrogation a pris, ces dernières années, une
importance croissante. Le système juridique doit-il vouloir que, par souci
de la nécessaire application du droit aux faits, le tiers qui a eu connaissance
de ceux-ci soit absolument entendu ? Les restrictions traditionnelles étaient
commandées par des mises à l'écart légales et a priori, déduites tantôt
de la dignité de la justice — tel Y intestabilité dont le droit romain frappait
celui qui avait déjà refusé son témoignage, ou était l'auteur d'un écrit
diffamatoire (F. Girard, Droit romain, 2e éd., p. 192) — tantôt de la crainte
de partialité — ainsi, dans les articles 268 et 283 du Code de procédure
civile de 1807, Y interdiction testimoniale des parents et alliés en ligne
directe, ou conjoint, même divorcé, et le mécanisme des reproches, permett
ant de solliciter du juge le rejet des dépositions d'autres personnes,
parents, héritier présomptif, donataire, domestiques d'une partie, ... sans
oublier « celui qui aura bu ou mangé avec elle, et à ses frais, depuis la
prononciation du jugement qui a ordonné l'enquête ».
S'il y avait bien là des inspirations qui correspondent à des préoccupat
ions nécessaires et permanentes du droit, leur place et leur régime se
sont modifiés sensiblement.
D'une part, les dernières décennies ont vu se multiplier les interroga
tions sur l'opposabilité en justice des secrets professionnels, réels ou
prétendus, situant ainsi la licéité du témoignage sur un nouveau terrain
encore. Toujours plus nombreuses sont en effet les personnes ou

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