Le juge civil québécois (Approche comparative d un système de droit mixte) - article ; n°2 ; vol.34, pg 375-404
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1982 - Volume 34 - Numéro 2 - Pages 375-404
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 47
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Noel-Jean Mazen
Le juge civil québécois (Approche comparative d'un système de
droit mixte)
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 34 N°2, Avril-juin 1982. pp. 375-404.
Citer ce document / Cite this document :
Mazen Noel-Jean. Le juge civil québécois (Approche comparative d'un système de droit mixte). In: Revue internationale de droit
comparé. Vol. 34 N°2, Avril-juin 1982. pp. 375-404.
doi : 10.3406/ridc.1982.3908
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1982_num_34_2_3908JUGE CIVIL QUEBECOIS LE
(APPROCHE COMPARATIVE
D'UN SYSTÈME DE DROIT MIXTE)
par
Noël Jean MAZEN
Directeur Maître assistant du Centre à de l'Université recherches de juridiques Nancy
franco-québécoises de de Dijon
Si le système juridique français n'a pas de secret pour les juristes
québécois qui par tradition et par nécessité sont des comparatistes, il n'en
est pas de même des juristes français qui, pour la plupart, ignorent tout du
droit québécois. Pourtant, on ne peut rêver situation plus enviable pour
une étude de droit comparé : le droit québécois issu du droit civil de
tradition française s'exprime essentiellement en langue française et sa
situation au confluent de deux cultures, baignée des influences anglaise et
américaine, en fait un véritable creuset (1), et explique sa nature de droit
mixte.
« Le Code civil est pour l'ensemble du droit québécois la charte
fondamentale du droit privé » (2) ; de là est issu le qualificatif de système
« civiliste » souvent donné au droit codifié de la Province de Québec, par
opposition à ceux des autres provinces canadiennes dominées par la
common law. La codification symbolise l'originalité du droit privé
québécois et a conduit peu à peu à un système autonome d'interprétation
judiciaire.
Les raisons de cette situation sont historiques. Avant le Traité de
Paris de 1763, par lequel le Roi Louis XV abandonna les territoires de la
Nouvelle France à l'Angleterre, le pays connaissait un système judiciaire
calqué sur celui de la France (3). « Le passage au régime anglais n'a pas
(1) P.-B. MIGNAULT, « Les rapports entre le droit civil et la Common Law au
Canada », (1932-33) 11 R. du D. 201 : « ... C'est un fait plus remarquable encore, et là je
parle du Canada tout entier, qu'il y soit possible d'étudier sur place le fonctionnement de la
Common Law et du droit civil ».
(2) L. BAUDOUIN, Les aspects généraux du droit privé dans la province de Québec,
Cujas, p. 54.
(3) Tandis que certaines juridictions seigneuriales tranchaient les litiges portant sur des
intérêts modiques, la justice du Roi s'exprimait par la « Prévoté » de Québec, et les
« Juridictions Royales » de Trois Rivières et Montréal, juridictions dont les décisions étaient
susceptibles d'appel devant le Conseil souverain et éventuellement devant le Roi en Conseil
Privé. LE JUGE CIVIL QUÉBÉCOIS 376
bouleversé l'ancienne organisation judiciaire » (4) mais s'est essentiell
ement contenté de modifier les noms des différentes juridictions. En
revanche, les instructions de Lord Dorchester, alors ministre anglais de la
Justice, constituaient, à peu de choses près, la transposition des
procédures anglaises ; celles-ci s'implantèrent d'autant plus facilement,
qu'à cette époque, juges et avocats venaient pour la plupart
d'Angleterre (5). Le phénomène est particulièrement patent dans le
domaine répressif car l'ensemble du droit pénal canadien est lui-même
d'inspiration anglo-saxonne. Dès lors c'est surtout en matière civile que le
caractère mixte du droit québécois est le plus clair car l'interférence des
influences française et anglaise y est importante. Aussi est-il particulièr
ement intéressant de s'attacher à l'étude du juge civil.
Le premier véritable Code de procédure civile québécois entra en
vigueur le 28 juin 1867 ; fortement influencé par l'Ordonnance civile
française de 1667, il ne répondait qu'imparfaitement aux exigences de la
société de la fin du XIXe siècle. Aussi, trente ans plus tard, dès 1897, fut-il
nécessaire d'y substituer un nouveau texte. Enfin, le Code de procédure
civile actuel fut promulgué le 6 août 1965 (6) : le souci majeur du
législateur était de faciliter au plaideur l'exercice de son action en
éliminant sensiblement le formalisme (7), en incluant, par exemple, la
demande reconventionnelle dans la défense (8) et en accordant au juge la
faculté de proroger les délais qui ne sont pas de rigueur (9). Certes, après
ces multiples modifications, il est parfois difficile de distinguer l'apport du
système anglais fondé sur la common law et celui du système français
reposant sur la codification. En effet loin d'éliminer l'un ou l'autre, le
législateur québécois a plutôt procédé par amalgame, sélectionnant ce qui
lui semblait intéressant dans l'un et l'autre systèmes (10). Il en résulte en
quelque sorte, une procédure anglaise, francisée et inscrite dans un cadre
institutionnel de « droit civiliste ».
Enfin, on ne peut étudier une institution québécoise sans tenir
compte du caractère fédéral de l'État canadien issu de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique de 1867 (11) et du Statut de Westminster
(4) J.-A. CLARENCE SMITH et J. KERB Y, Le droit privé au Canada. Études
comparatives, t. I, vol. I, Ottawa, Ed. Uni. d'Ottawa, 1975, p. 166.
(5) Le Canada étant passé sous domination britannique, les seuls ressortissants français
qui continuaient, en faible nombre, à émigrer étaient pour la plupart des paysans.
(6) Loi du 6 août 1965, S.Q. 1965, c. 80.
(7) Suppression de certaines formalités comme l'avis préalable de poursuites (art. 88 de
l'ancien Code de procédure civile) et les réquisitions (art. Ill C.P.C.). Cf. Rapport des
commissaires présentant le projet de Code de procédure civile, Assemblée législative du
Québec, Bill 20, Québec, R. Lefebvre. Il était nécessaire de « rendre la procédure plus
simple, mieux adaptée aux besoins actuels, et propre à assurer une justice plus expéditive et
moins onéreuse ».
(8) Art. 172 C.P.C.
(9)9 C.P.C. (même en ce qui concerne le délai d'appel, art. 494 et 523 C.P.C).
(10) Outre les tribunaux d'instance et de simple police qui sont par essence des
juridictions non collégiales, le juge unique existe en France, de manière marginale, tant en
ce qui concerne le tribunal de grande instance qu'en ce qui concerne le tribunal
correctionnel.
(11) Celui-ci est en réalité une loi du Parlement britannique mais elle a été rapatriée par
la loi constitutionnelle proclamée le 17 avril 1982. LE JUGE CIVIL QUÉBÉCOIS 377
de 1931 (12). Le fédéralisme s'accompagne, en général, d'un pouvoir
judiciaire fort et respecté, le juge assumant souvent le rôle d'arbitre entre
les gouvernements fédéraux et provinciaux (13) ; pour cela, ses décisions
doivent bénéficier d'un prestige et d'une autorité qui leur assurent le
respect de tous. La multiplicité des textes constitutionnels (14) a fait de
l'ensemble des juges canadiens — et non seulement ceux de la Cour
Suprême — les gardiens et les interprètes de la Constitution tant par les
décisions qu'ils rendent (15) que par les avis juridiques qu'ils émettent en
dehors de tout litige, à la demande du gouvernement fédéral ou d'un
gouvernement provincial (16). On comprend donc que le juge jouisse
dans ces conditions d'une autorité privilégiée ; celle-ci est sans commune
mesure avec celle du juge français, mais elle est très proche de celle de la
plupart des magistrats appartenant à des systèmes de common law.
L'originalité essentielle du juge québécois consiste en son apparte
nance à un système de droit mixte, elle se traduit principalement dans les
institutions judiciaires (I) dont il est l'élément premier mais également
dans la procédure (II) qu'il applique et dans la méthode qu'il suit pour
rendre ses décisions (III).
I. — LES INSTITUTIONS JUDICIAIRES QUÉBÉCOISES
Avant la Confédération de 1867, chaque province l

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