Le juridisme fait place à la politique : l arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 12 juillet 1994 sur l envoi à l étranger de forces armées allemandes - article ; n°1 ; vol.40, pg 371-378
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Le juridisme fait place à la politique : l'arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 12 juillet 1994 sur l'envoi à l'étranger de forces armées allemandes - article ; n°1 ; vol.40, pg 371-378

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Annuaire français de droit international - Année 1994 - Volume 40 - Numéro 1 - Pages 371-378
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Profesor Dr Christian
Tomuschat
Le juridisme fait place à la politique : l'arrêt de la Cour
constitutionnelle allemande du 12 juillet 1994 sur l'envoi à
l'étranger de forces armées allemandes
In: Annuaire français de droit international, volume 40, 1994. pp. 371-378.
Citer ce document / Cite this document :
Tomuschat Christian. Le juridisme fait place à la politique : l'arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 12 juillet 1994 sur
l'envoi à l'étranger de forces armées allemandes. In: Annuaire français de droit international, volume 40, 1994. pp. 371-378.
doi : 10.3406/afdi.1994.3197
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1994_num_40_1_3197ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL
XL - 1994 - Editions du CNRS, Paris
LE JURIDISME FAIT PLACE À LA POLITIQUE.
L'ARRÊT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
ALLEMANDE DU 12 JUILLET 1994
SUR L'ENVOI À L'ÉTRANGER
DE FORCES ARMÉES ALLEMANDES
CH. TOMUSCHAT
I. - L'ARRÊT DU 12 JUILLET 1994
L'arrêt de la Cour fédérale constitutionnelle du 12 juillet 1994 (1) a mis
un terme (momentané ?) à un débat qui avait duré beaucoup trop longtemps.
Avec tout le raffinement dont l'exégèse juridique est capable, deux écoles
s'étaient combattues, l'une prétendant que la Bundeswehr — les forces armées
allemandes - était strictement bornée à assurer la défense au sens de l'article
87a, al. 2 de la Loi fondamentale (2), alors que l'autre avait insisté sur la
disposition-clef de l'article 24, al. 2 qui, selon elle, permettait toute opération
qui s'insérait dans le cadre d'un système de sécurité mutuelle collective.
Ainsi qu'il a été décrit dans notre article paru dans cet Annuaire en 1993 (3),
cette controverse avait considérablement affaibli la politique étrangère de la
République fédérale d'Allemagne (RFA), surtout sa position au sein des
Nations Unies (ONU). En fait, selon la doctrine restrictive, soutenue même
par le gouvernement fédéral, la Bundeswehr ne pouvait participer à part
entière ni à des opérations de casques bleus ni à des opérations selon le
chapitre VII de la Charte de l'ONU sans une « clarification » antérieure de
la Loi fondamentale.
Trois opérations avaient été attaquées par la voie de l'action interinsti
tutionnelle (« Organklage ») des groupes parlementaires faisant valoir à l'en-
contre du Gouvernement fédéral le droit prétendument violé du Bundestag
d'accorder ou refuser son autorisation ou bien par voie de loi constitutionnelle
ou bien par loi ordinaire : (1) la participation de la Bundeswehr à l'opération
navale, organisée par l'OTAN et l'UEO, tendant à faire contrôler le respect
de l'embargo décrété par le Conseil de sécurité de l'ONU par ses résolutions
713 (1991) et 757 (1992) à l'égard de l'ex- Yougoslavie ; (2) la participation
de la Bundeswehr à l'opération aérienne, organisée par l'OTAN, tendant à
faire respecter l'interdiction de vols militaires adoptée également à l'égard
de l'ex- Yougoslavie par le Conseil de sécurité par ses résolutions 781 (1992)
et 816 (1993) ; (3) la participation de la Bundeswehr à l'opération ONUSOM II
en Somalie.
(*) Christian Tomuschat, professeur à l'Université Humboldt de Berlin, membre de la
Commission du droit international de l'ONU.
(1) Entscheidungen des Bundesverfassungsgerichts (BVerfGE), 90, 286.
(2) Ci-dessous, les articles de la Loi fondamentale seront mentionnés sans indications
spécifiques.
(3) C. Tomuschat, « Les opérations des troupes allemandes à l'extérieur du territoire all
emand », AFDI, 1993, pp. 451-467. 372 L'ENVOI À L'ÉTRANGER DE FORCES ARMÉES ALLEMANDES
Pour l'essentiel, le Gouvernement fédéral a eu gain de cause. Les recours
n'ont été accueillis que sur un point mineur. C'est le Gouvernement fédéral
lui-même qui avait pris toutes les décisions. Selon l'opinion de la Cour
constitutionnelle, le Bundestag aurait dû autoriser les opérations concernées
par une résolution simple. D'autre part, la Cour a reconnu que, en principe,
la constitutionnalité de ces opérations était hors de doute.
1. Les opérations collectives - conditions matérielles
En grande partie, la Cour constitutionnelle a suivi les lignes esquissées
dans notre contribution précédente. Se basant sur une analyse soigneuse de
l'histoire de la Loi fondamentale à travers ses différentes modifications par
voie d'amendements, elle a conclu que la volonté de joindre un système de
sécurité mutuelle collective, exprimée déjà en 1949 par les auteurs des textes
constitutionnels, impliquait nécessairement la volonté de fournir à un tel
système toutes les contributions dont il a besoin pour produire les effets
attendus de lui. Puisque la sécurité collective est impensable sans une
composante militaire, qui doit comme ultima ratio être capable d'arrêter un
agresseur par la force, la RFA est habilitée à mettre à la disposition d'un
système de sécurité mutuelle collective les troupes nécessitées par celui-ci
(p. 345). Ainsi, la distinction entre les opérations de maintien de la paix et
les opérations en vertu du chapitre VII de la Charte de l'ONU s'est estompée,
étant donné que toutes les deux font aujourd'hui partie intégrante du système
de sécurité collective de l'ONU.
Pour la Cour constitutionnelle, le critère décisif est la mission d'un
système international d'assurer la paix et la sécurité internationales, comme
le précise le texte même de l'art. 24, al. 2. Dans cette perspective, elle déclare
que la distinction usuelle du droit international entre des organisations
mettant en œuvre la sécurité collective et celles qui préparent la légitime
défense collective ne correspond pas aux intentions des auteurs des textes
constitutionnels, qui n'ont pas eu une idée très nette de la signification d'un
système de sécurité mutuelle collective (p. 349). Par conséquent, la Cour
constitutionnelle est à même de faire tomber tant les mécanismes pertinents
de l'ONU que de l'OTAN et l'UEO sous le coup de l'article 24, al. 2 (p. 351).
Cette interprétation était vivement contestée auparavant. Mais il y avait eu
bon nombre de voix qui avaient prétracé la voie où maintenant la Cour s'est également engagée (4).
2. Les conditions formelles
Ce sont deux conditions formelles qui doivent être remplies pour que
l'on puisse reconnaître une habilitation constitutionnelle permettant, aux
termes de l'article 24, al. 2, un engagement des troupes allemandes dans le
cadre d'un système de sécurité international. Premièrement, la Cour consti
tutionnelle estime que le législateur doit avoir approuvé de façon générale
« l'intégration » (« Einordnung ») de la RFA dans le système en question
(p. 351). Il n'appartient donc pas à l'exécutif de prendre une décision de
politique étrangère d'une telle importance pour l'existence de l'Etat allemand.
La Cour constitutionnelle précise qu'une loi d'approbation au sens de l'arti
cle 59, al. 2 doit intervenir, faisant observer que l'on se trouve ici dans
(4) V. notamment notre commentaire de l'art. 24, dans : Bonner Kommentar, 1994, n° 181. L'ENVOI À L'ÉTRANGER DE FORCES ARMÉES ALLEMANDES 373
l'hypothèse d'un traité « politique », traité qui affecte de façon incisive la
position de la RFA dans la communauté internationale.
La deuxième condition est celle d'une réserve « parlementaire ». Chaque
engagement militaire de troupes allemandes requiert le consentement
« constitutif » non pas des deux chambres du « parlement » - notion que le
droit constitutionnel allemand ne connaît pas comme telle - mais unique
ment du Bundestag, la chambre des représentants directement élue par le
peuple (p. 381). La Cour n'y distingue pas entre les différentes missions que
la Bundeswehr pourrait être appelée à accomplir - défense de la RFA, défense
d'un allié dans le cadre de l'OTAN ou mise à la disposition de l'ONU d'un
contingent de ca

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