Les connaissances personnelles du juge - article ; n°2 ; vol.38, pg 517-527
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1986 - Volume 38 - Numéro 2 - Pages 517-527
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 34
Langue Français

Extrait

Huguette Le Foyer de Costil
Germain Le Foyer de Costil
Les connaissances personnelles du juge
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 38 N°2, Avril-juin 1986. pp. 517-527.
Citer ce document / Cite this document :
Le Foyer de Costil Huguette, Le Foyer de Costil Germain. Les connaissances personnelles du juge. In: Revue internationale de
droit comparé. Vol. 38 N°2, Avril-juin 1986. pp. 517-527.
doi : 10.3406/ridc.1986.2430
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1986_num_38_2_2430R.I.D.C. 2-1986
LES CONNAISSANCES PERSONNELLES
DU JUGE
par
Huguette Le FOYER de COSTIL
Vice-Président au Tribunal de grande instance de Paris
et
Germain Le FOYER de COSTIL
Conseiller à la Cour d'appel de Paris
II a été souhaité par les rédacteurs de ce rapport sur les « connaissances
personnelles du juge », que l'exposé des questions ainsi soulevées, — à
supposer qu'un tel sujet se prête à une telle résolution — , soit constitué
ou au moins enrichi de leur expérience de praticiens, de juges au sens large
du mot. Il s'ensuit que ces rédacteurs ont parfois supporté leur réflexion
comme un véritable examen de conscience, lequel implique nécessairement
des « omissions », des lacunes ; il leur paraît en effet préférable que celles-
ci ne soient pas imputées à leur maladresse, à la précipitation, ni à un
défaut de cette science qui, selon d'Aguesseau parlant aux magistrats,
« éclaire l'intelligence, étend les bornes de l'esprit, fixe et assure les
jugements ».
Ces lacunes, et certainement aussi certaines digressions, proviennent
de la richesse et de l'ampleur du sujet, de l'imprécision de ses contours et 518 REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE 2-1986
de l'incertitude de ses véritables limites qui, ici, paraîtront trop vastes à
certains et trop exiguës à d'autres.
La complexité des interrogations sur l'utilisation par le juge de ses
connaissances personnelles est mise en lumière, — encore qu'il vise une
hypothèse purement pénale — , par l'un des cas de conscience envisagés
par Pontas au début du XVIIIe siècle, dans son Dictionnaire du même nom.
Le voici, tel qu'il qu'il y est exposé : « Sylvius étant accusé par devant
Théophile, juge criminel, d'avoir assassiné Martial, trois ou quatre témoins
contre lesquels l'accusé ne peut former aucun reproche légitime, déposent
qu'ils lui ont vu commettre cet homicide. Théophile sait très certainement
que leurs dépositions sont fausses, aïant vu de ses propres yeux, Martial
mourir d'une chute de dessus une terrasse dans un fossé profond. Ce juge,
après avoir apporté tous ses soins, pour anéantir les fausses dépositions
des témoins, sans avoir pu y réussir, peut-il en conscience juger Sylvius
secundum allegata etprobata et le condamner au genre de mort que mérite
un assassin, quoiqu'il soit assuré de son innocence ? ».
Qu'il soit possible d'hésiter fait aujourd'hui frémir ! Et pourtant Pont
as donne deux réponses, deux séries d'opinions qui s'affrontent et que
l'on peut ainsi résumer :
Selon les uns, qu'approuve expressément saint Thomas d'Aquin et
qui font choix de l'affirmative, le juge, personne publique, est tenu de
juger conformément à la loi et non selon ses science et connaissance
particulières, ou même pour certains sa conscience, observant que Dieu,
lui-même, par la bouche de Moïse, dit que celui qui est accusé par deux
ou trois témoins doit nécessairement être mis à mort.
Selon les autres, la réponse doit inverse, puisque le « droit natu
rel » défend de faire mourir un innocent, et que le juge n'a aucun autre
pouvoir que celui que lui donnent les lois, lesquelles ont pour seule fin le
bien public, exigeant qu'on « protège et conserve les innocents ».
Estimant notamment que les lois n'obligent les juges à juger secundum
allegata etprobata qu'« afin de les empêcher, qu'en suivant leur préjugé,
leur inclination ou leur passion, ils ne s'écartent de la vérité, et ne rendent
des jugements injustes », l'éminent casuiste répond par la négative à la
question qu'il a posée en tête des développements consacrés à cette affaire.
Mais cette question gravement énoncée, est celle que, toute mesure
gardée, le juge doit de nos jours se poser en matière civile, ou encore
celle que nous devons nous poser à propos du juge civil, puisque, parfois
inconscient, celui-ci n'est pas à même de déceler en lui ses « connaissances
personnelles inconnues », inavouées, que sont ses motivations profondes.
L'article 179 du nouveau Code de procédure civile porte à mi-chemin
de nos interrogations ; il est présentement ainsi libellé : « Le juge peut,
afin de les vérifier lui-même, prendre en toutes matières, une connaissance
personnelle des faits litigieux, les parties présentes ou appelées. »
Ce texte marque clairement les limites du pouvoir du juge civil. Le
législateur ne veut pas cantonner le juge dans un rôle de simple « récep
teur » contraint de se contenter de ce que les parties veulent bien lui
apporter et lui soumettre, et procéduralement incapable de quitter ce rôle H. ET G. LE FOYER DE COSTIL : CONNAISSANCES DU JUGE 519
passif ; l'article 179 permet au juge de vérifier, — cela est une manière
d'approfondissement, de recherches — mais cependant le fruit de celles-
ci ne peut être valablement exploité par le juge, sans avoir été soumis à la
connaissance, à l'examen et à la contradiction des parties.
Voilà ainsi fixé un principe sur lequel il convient que les juges s'ap
puient très fortement, pesamment même ; peut-être penseront à tort cer
tains pour mieux le faire s'effondrer ; cette règle établit en tout cas une
loi, qui en cette qualité, connaîtra des variantes, des interprétations, des
accommodements et des trahisons et qui par là même introduit opportuné
ment notre réflexion.
Le souci d'une bonne administration de la justice, de réalisme, d'ap
proche de la vérité, le désir d'éviter, transposée dans le domaine civil,
toute situation pouvant donner lieu à une solution ressemblant, même de
loin, à celle choisie par ceux qui eussent condamné Sylvius, doivent
conduire à la nuance et à la composition.
Toutefois on doit observer que la Cour de cassation, n'admet, sous la
réserve d'un bénéfice du doute que l'on verra, aucun accommodement
lorsqu'il lui incombe d'apprécier l'utilisation par le juge de ses connaissan
ces personnelles spéciales antérieures au litige qu'il tranche et non soumises
à la contradiction.
Les décisions sont rares, mais significatives et la règle presque sans
failles :
— le juge de paix de Petreto Biechisano ayant opéré des lieux « une
visite après laquelle, ainsi qu'il le déclare, il ne lui est resté aucun doute
sur la légitimité des prétentions du demandeur en complainte », la Cour
Suprême casse « car il est interdit au juge de former sa conviction d'après
les connaissances personnelles qu'il aurait acquises en dehors des moyens
de preuve ou d'instruction admis par la loi ou administrés ou mis en œuvre
suivant les règles qu'elle prescrit » (1) ;
— le Conseil des Prud'hommes de Bordeaux fait droit à la demande
d'une employée, prétendant avoir été congédiée en raison de son activité
syndicale « au motif qu'il résulte des renseignements possédés par ce
Conseil que le congé... de la demoiselle Desprogrès a coïncidé avec la
démission de treize employées du syndicat auquel elles avaient adhéré sur
les conseils de la demanderesse et l'adhésion de dix d'entre elles à la
nouvelle organisation » et « qu'il est également à la connaissance du
Conseil que les candidatures des dix employées en question ont été provo
quées en bloc par un préposé de la maison Pouly à la nouvelle organisa
tion ». La Cour Suprême a cassé en retenant que le Conseil ne pouvait se
fonder sur des renseignements, sans qu'ils aient fait l'objet d'une discussion
contradictoire (2).
La Cour de cassation statue de la sorte :
(1) Cass. civ. 21 ma

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