Pour un droit linguistique comparé - article ; n°2 ; vol.23, pg 309-330
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1971 - Volume 23 - Numéro 2 - Pages 309-330
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 6
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Guy Héraud
Pour un droit linguistique comparé
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 23 N°2, Avril-juin 1971. pp. 309-330.
Citer ce document / Cite this document :
Héraud Guy. Pour un droit linguistique comparé. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 23 N°2, Avril-juin 1971. pp.
309-330.
doi : 10.3406/ridc.1971.15975
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1971_num_23_2_15975POUR UN DROIT
LINGUISTIQUE COMPARÉ
par
Guy HÉRAUD
et des Professeur sciences à politiques la Faculté de Strasbourg droit
Nombreux sont les Etats qui réunissent des populations de langues
différentes. Les rapports entre groupes ethniques — ou ethnies — (1)
soulèvent d'importantes questions qui relèvent de l'ethnopsychologie et,
en tant que phénomènes politiques, de l'ethnopolitique (2). Cependant,
la pluralité linguistique n'est pas toujours enregistrée par le droit. Dans
certains de ces Etats — comme aujourd'hui l'Espagne et la Grèce ou, à
peu de choses près, la France — une seule langue est officiellement recon
nue, de telle sorte que la situation ne diffère pas juridiquement de celles
des pays ethniquement homogènes. Dans d'autres, la pluralité linguistique
est officiellement assumée, deux ou plusieurs langues ayant droit de cité
ou faisant du moins l'objet d'une réglementation. Les exemples les plus
connus sont ceux de la Suisse, de la Belgique, de la Finlande, de
l'U.R.S.S., de l'Inde.
La pluralité linguistique affecte un ensemble de relations, soulève
une série de questions dont une étude globale, à ce jour, n'a guère été
tentée. A côté de l'intérêt intrinsèque de sa problématique, ce domaine
revêt une importance d'autant plus grande que s'accroît en Europe et
dans le reste du monde — soit comme une conséquence de la décolonis
ation, soit comme l'effet de la promotion des ethnies — le nombre des
Etats ouvertement plurilingues. Ainsi se trouve habilité un nouveau sec
teur de recherche juridique : le droit linguistique. Comme toutes les bran
ches nationales du droit, le droit linguistique peut être appréhendé de
deux manières, soit dans la perspective d'un seul pays, soit dans la
perspective comparative. Cette dernière optique apparaît d'autant plus
recommandable que le droit linguistique est encore mal inventorié, que
(1) Sur le sens du mot < ethnie », v. notre ouvrage, Peuples et langues d'Eu
rope, Denoël, 1968, pp. 32-37 et 41-53.
(2) Sur le contenu de cette discipline, v. l'opuscule de François Fontan,
Ethnisme, vers un nationalisme humaniste, 1961 ; adde : Heinz Kloss, Grundfragen
der Ethnopolitik im 20. Jahrhundert, Ethnos 7, Vienne-Stuttgart, Braumüller éd.,
1969, 624 p. POUR UN DROIT LINGUISTIQUE COMPARÉ 310
sa problématique reste à faire ; or ce n'est qu'en additionnant les expé
riences diverses réalisées dans ce domaine et en les comparant qu'on
pourra découvrir l'architecture de cette discipline et présenter de façon
cohérente, correctement ramifiée, les problèmes qu'elle embrasse et la
diversité des solutions.
Le droit linguistique comparé doit être soigneusement distingué de
deux disciplines connexes mais épistémologiquement différentes.
Il s'agit de Fethnopolitique d'une part — à laquelle il a déjà été fait
allusion — et de la doctrine ethnique d'autre part (3). L'ethnopolitique,
branche de la sociologie au sens large, relève de la perspective causale,
et la doctrine ethnique des jugements de valeur et de la politique. Entre
ces deux ordres de considérations, le droit linguistique a sa place ori
ginale. Il est positif comme l'ethnopolitique — et non pas normatif
comme la doctrine — mais a pour objet, non pas les rapports de force
ou de collaboration entre ethnies, mais les règles de droit qui les réfl
échissent à un moment donné. Le droit linguistique comparé apparaît
ainsi comme la prospection et la présentation systématiques des solutions
juridiques positives apportées par les différents ordres étatiques ouverte
ment plurilingues aux divers problèmes que pose cette pluralité.
On notera que le droit linguistique présente aussi un aspect inter
national. Tant les relations internationales, spécialement la conclusion
des traités, que les organisations internationales soulèvent des problèmes
linguistiques et offrent un lot de solutions diverses (4). Comme il arrive
pour les autres branches du droit (droit administratif, droit financier,
droit commercial, etc.), la comparaison est possible entre le droit national
et le droit des organisations internationales ou encore entre les organisa
tions internationales les unes par rapport aux autres. On peut comparer,
par exemple, le régime linguistique d'un Etat (la Suisse) à celui d'une orga
nisation internationale (le Conseil de l'Europe) ou étendre la compar
aison à d'autres organisations internationales (O.N.U.). Pour simplif
ier, il ne sera question ici que du droit linguistique interne comparé.
Nous distinguerons les cinq points principaux suivants :
I. Langues officielles et langues nationales.
II. Territorialité et personnalité linguistique.
III. Stratification administrative et stratification linguistique.
IV. Les langues dans les activités privées, dans les rapports avec
l'administration et en justice, à l'école.
V. Langue et nationalité.
Charleroi, (3) V. Fondation notre opuscule, Jules Qu'est-ce Destrée, que 1967. l'ethnisme ? coll. « Etudes et documents »,
(4) V. Ivo Lapenna, « La situation juridique des langues officielles avant la
fondation des Nations Unies », dans La monda lingvo-problemo, 1969, n° 1, La
Haye, Mouton, pp. 5-18 ; adde R.L. Harry, « The language problem in diplomacy »,
ibid., pp. 49-61. POUR UN DROIT LINGUISTIQUE COMPARÉ 311
I. — Langues officielles et langues nationales
Dans un ordre logique et d'importance, la première question que
rencontre le droit linguistique est celle de la langue officielle de l'Etat.
Encore faut-il distinguer entre langue « officielle » et langue « natio
nale » ; sur le contenu de ces concepts, une étude approfondie mériter
ait d'être faite.
Notons d'abord que la plupart des pays, surtout ceux qui disposent
de constitutions anciennes, ne se prononcent pas explicitement sur le
choix de la langue ; si les textes sont muets, c'est parce que la solution
ne fait aucun doute. C'est ainsi que les Constitutions françaises —
dont les plus récentes cependant consacrent un article aux symboles de
l'Etat (drapeau, hymne, devise) — omettent de se prononcer sur la ques
tion de la langue (5).
D'autres Etats, même officiellement unilingues, présentent des dis
positions linguistiques. Il s'agit, le plus souvent, de pays qui ont rénové
leurs constitutions ou viennent d'accéder à l'indépendance. Parfois
cependant, c'est une loi ordinaire qui règle la matière. Il en va ainsi
du Grand-Duché de Luxembourg, dont la Constitution stipule : « Le
choix des langues sera réglé par le législateur » ; or il se trouve que
le législateur n'est pas intervenu, de telle sorte que le Luxembourg vit
sous un régime linguistique de facto, d'ailleurs fort subtil et nuancé (6).
Les Etats bi- ou plurilingues sont amenés, presque inévitablement, à
se prononcer expressis verbis sur le rang et sur l'emploi des langues. Le
premier à l'avoir fait est la Suisse, dont l'article 116, paragraphe 1
de la Constitution énonce : « L'allemand, le français et l'italien sont les
langues officielles de la Confédération ». Avant 1938, l'article 116 se
réduisait à ce paragraphe unique. Depuis la révision de la Constitution,
intervenue cette année-là, et qui eut pour objet de reconnaître le romanc
he, l'article 116 comporte un second paragraphe : « L'allemand, le franç
ais, l'italien et le romanche sont les langues nationales de la Suisse ».
Ainsi apparaît la distinction entre langues officielles et langues nationales,
distinction dont il convient d'apprécier la portée.
Une première différence apparaît à l'évidence. Seules les langues
officielles peuvent être employées dans les rapports avec l'administration.
L'intérêt manifesté pour le romanche — parlé actuellement, et sous cinq
formes dialectales, par 0,9 % seulement des citoyens helvétiques — ne
pouvait aller j

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