Réflexions sur l introduction de l État de droit en Afrique noire francophone - article ; n°4 ; vol.43, pg 853-1238
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Réflexions sur l'introduction de l'État de droit en Afrique noire francophone - article ; n°4 ; vol.43, pg 853-1238

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Revue internationale de droit comparé - Année 1991 - Volume 43 - Numéro 4 - Pages 853-1238
Face à l'échec des régimes autoritaires en Afrique, nombreux sont ceux qui souhaitent introduire le concept d'État de droit sur ce continent. Or, ce concept, né en Europe, est profondément lié à une certaine culture et idéologie qui ne font par partie du vécu africain. De ce fait, le transfert risque d'être encore un échec. Cette étude analyse les raisons du transfert des principes de l'État de droit (des intellectuels africains, occidentaux et la pratique des gouvernements français et africains). Puis, elle met en exergue les obstacles à l'épanouissement de l'État de droit. Ceux-ci sont essentiellement d'ordre culturel : liés à la conception du droit et de la justice que se font ces sociétés stucturées sur un mode segmentaire.
In view of the failure of the autoritarian political regimes in Africa, many would like to introduce the rule of law on that continent. This concept, however, which was born in Europe, is deeply rooted in specific culture and ideology which are not part of the african experience. Consequently, a simple transfer runs a serious risk of failure. In this paper, the reasons for transferring the rule of law principles (of occidental and european intellectuals and the practice of french and african governments) are analysed. In addition, the obstacles to the flourishing of the rule oflaw are emphasized. Those obstacles are essentially cultural : they are existing in those societies which are structurée on a segmental model.
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Alain Moyrand
Réflexions sur l'introduction de l'État de droit en Afrique noire
francophone
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 43 N°4, Octobre-décembre 1991. pp. 853-878.
Résumé
Face à l'échec des régimes autoritaires en Afrique, nombreux sont ceux qui souhaitent introduire le concept d'État de droit sur ce
continent. Or, ce concept, né en Europe, est profondément lié à une certaine culture et idéologie qui ne font par partie du vécu
africain. De ce fait, le transfert risque d'être encore un échec.
Cette étude analyse les raisons du transfert des principes de l'État de droit (des intellectuels africains, occidentaux et la pratique
des gouvernements français et africains). Puis, elle met en exergue les obstacles à l'épanouissement de l'État de droit. Ceux-ci
sont essentiellement d'ordre culturel : liés à la conception du droit et de la justice que se font ces sociétés stucturées sur un
mode segmentaire.
Abstract
In view of the failure of the autoritarian political regimes in Africa, many would like to introduce the rule of law on that continent.
This concept, however, which was born in Europe, is deeply rooted in specific culture and ideology which are not part of the
african experience. Consequently, a simple transfer runs a serious risk of failure.
In this paper, the reasons for transferring the rule of law principles (of occidental and european intellectuals and the practice of
french and african governments) are analysed. In addition, the obstacles to the flourishing of the rule oflaw are emphasized.
Those obstacles are essentially cultural : they are existing in those societies which are structurée on a segmental model.
Citer ce document / Cite this document :
Moyrand Alain. Réflexions sur l'introduction de l'État de droit en Afrique noire francophone. In: Revue internationale de droit
comparé. Vol. 43 N°4, Octobre-décembre 1991. pp. 853-878.
doi : 10.3406/ridc.1991.4401
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1991_num_43_4_44014-1991 R.I.D.C.
REFLEXIONS SUR L'INTRODUCTION
DE L'ÉTAT DE DROIT
EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE (*)
par
Alain MOYRAND
Maître de conférences à l'Université de Bordeaux I
Face à l'échec des régimes autoritaires en Afrique, nombreux sont
ceux qui souhaitent introduire le concept d'État de droit sur ce continent.
Or, ce concept, né en Europe, est profondément lié à une certaine culture
et idéologie qui ne font par partie du vécu africain. De ce fait, le transfert
risque d'être encore un échec.
Cette étude analyse les raisons du transfert des principes de l'État de
droit (des intellectuels africains, occidentaux et la pratique des gouverne
ments français et africains). Puis, elle met en exergue les obstacles à
l'épanouissement de l'État de droit. Ceux-ci sont essentiellement d'ordre
culturel : liés à la conception du droit et de la justice que se font ces sociétés
stucturées sur un mode segmentaire.
In view of the failure of the autoritarian political regimes in Africa,
many would like to introduce the rule of law on that continent. This concept,
however, which was born in Europe, is deeply rooted in specific culture and
ideology are not part of the african experience. Consequently, a simple
transfer runs a serious risk of failure.
In this paper, the reasons for transferring the rule of law principles (of
occidental and european intellectuals and the practice of french and african
governments) are analysed. In addition, the obstacles to the flourishing of
the rule of law are emphasized. Those obstacles are essentially cultural : they
(*) Communication au troisième Congrès annuel de la Société africaine de droit interna
tional et comparé a Arusha (Tanzanie) des 2 au 5 avril 1991 et dont le thème portait sur
« Constitutionnalisme et Droits de l'homme en Afrique ». REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ 4-1991 854
are existing in those societies which are structured on a segmental model.
INTRODUCTION
Lors des indépendances, le constitutionnalisme africain était total
ement imprégné des concepts et techniques du droit constitutionnel euro
péen. Les premières constitutions promulguées pendant la période d'auto
nomie interne puis celle de la Communauté faisaient en effet une large
place aux mécanismes du régime parlementaire. Cependant, pratiquement
tous les États subsahariens ont rapidement abandonné cette forme consti
tutionnelle et l'évolution politique a été conduite dans le sens d'un renfo
rcement du pouvoir exécutif. Le paroxisme était atteint lorsque le pouvoir
était confisqué par les militaires à l'issue d'un putsch. Mais même lorsque
le régime politique n'était pas accaparé par les forces armées, on a pu
remarquer que le pouvoir était tout entier exercé par un Chef d'État
omnipotent. Cette concentration du pouvoir a marginalisé l'action des
autres organes constitutionnels et l'avènement du parti unique a supprimé
toute contestation possible à l'égard de l'Exécutif.
Pour justifier cette nouvelle tendance autoritaire du constitutionna
lisme africain, les dirigeants affirmaient qu'il convenait de rassembler
toutes les forces, d'être unis, pour mener à bien le combat contre le sous-
développement et pour consolider la Nation. Dès lors, la démocratie
pluraliste devait être écartée car le libéralisme risquait de développer le
« tribalisme » et amènerait à terme l'éclatement du pays.
Cependant si l'on apprécie le bilan de cette politique, force est de
constater son échec. En matière de développement, on remarque non
seulement que le « décollage » n'a pas eu lieu, mais encore que le niveau
de vie des populations n'a cessé de régresser. Quant à l'avènementi de
l'État-Nation, chacun a pu remarquer que l'appareil d'État a été incapable
de susciter la participation des populations aux projets initiaux. De fait,
« le parti et l'idéologie uniques, loin de susciter rassemblement et mobili
sation, accroissent la solitude de l'État, sécrètent des circuits parallèles aux
circuits administratifs institués, engendrent l'irresponsabilité des agents
publics » (1). Si bien qu'aujourd'hui, les réflexes de conservation et de
repli sur soi observés dans les communautés ainsi que les antagonismes
tribaux — souvent teintés de racisme — sont nettement plus prononcés ' qu'ils ne l'étaient au début des années soixante.
Pour qualifier toutes les pratiques déviantes (corruption, gestion
patrimoniale, tribalisme, népotisme...) de l'État africain, les politologues
ne manquent pas d'épithètes. Celui-ci serait un État sous-développé (2),
(1) Charles ZORGBIBE, in préface de l'ouvrage de Guillaume PAMBOU TCHI-
VOUNDA, Essai sur l'État africain postcolonial, L.G.D.J., 1982, p. 11.
(2) Jean-François MED ARD, « L'État sous-développé au Cameroun », in L'Année
africaine, 1977, pp. 35-84. A. MOYRAND : ÉTAT DE DROIT EN AFRIQUE NOIRE 855
prédateur (3), mou, patrimonial (4), néo-patrimonial (5), etc. Quoi qu'il
en soit, l'autoritarisme des dirigeants africains se trouve désormais privé
de justifications. Et c'est la raison pour laquelle le retour au multipartisme
et à la démocratie pluraliste est parfois revendiqué et souvent proposé
comme remède aux maux dont souffrent les États africains.
Constatons cependant, que cette situation n'est pas inédite. L'Afrique
a déjà connu une période — certes, fort courte — où les valeurs démocrati
ques, léguées par l' ex-colonisateur, devaient présider au fonctionnement
du jeu politique. Or, l'abandon de ces valeurs, nous l'avons signalé, a été
rapide. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, n'y a-t-il pas alors
un risque pour que le scénario d'un rejet du pluralisme et l'avènement de
régimes autoritaires ne se reproduisent ?
On doit cependant noter un changement dans le modèle proposé
pour reconstruire (ou réaménager) l'État africain. Celui-ci doit désormais,
à l'instar des démocraties occidentales, devenir un État de droit. L'avène
ment de ce concept en terre africaine devrait donc permettre de résoudre
les multiples problèmes auxquels ces sociétés doivent faire face, et si la
greffe réussit,

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