Responsabilité civile et risque atomique - article ; n°3 ; vol.11, pg 505-518
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1959 - Volume 11 - Numéro 3 - Pages 505-518
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1959
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. René Rodière
Responsabilité civile et risque atomique
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 11 N°3, Juillet-septembre 1959. pp. 505-518.
Citer ce document / Cite this document :
Rodière René. Responsabilité civile et risque atomique. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 11 N°3, Juillet-
septembre 1959. pp. 505-518.
doi : 10.3406/ridc.1959.11238
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1959_num_11_3_11238RESPONSABILITÉ CIVILE
ET RISQUE ATOMIQUE *
PAR
RODIÈRK
Professeur à la Faculté de droit et des sciences économiques de Paris
Les accidents dus à l'utilisation même pacifique de l'énergie atomi
que nous transportent dans un monde où l'espace se trouve démesuré
ment élargi et le temps extrêmement distendu.
Un cocher renverse un piéton ; un camionneur en déchargeant sa
voiture fait tomber un colis sur un passant. La faute de l'un cause aus
sitôt un dommage à l'autre. Méfait et préjudice sont simultanés et voi
sins. La preuve de la causalité est facile. La faute est aisément établie ;
l'idée de responsabilité rassure les hommes en quête de justice car le
cocher pouvait être plus prudent et le camionneur plus diligent ; la
crainte de la sera un guide pour leur conduite future et
un encouragement à mieux faire pour les autres. Enfin le dommage est
proportionné aux fautes et la réparation est à l'échelle des patrimoines
humains. Ces banales applications des principes de la responsabilité
civile montrent comment ces règles ont pu pendant des siècles assurer
de façon harmonieuse une double fonction préventive et correctrice :
les hommes savaient ce qu'ils devaient faire ; quand ils avaient mal fait,
ils devaient indemniser leurs victimes.
Un réacteur atomique « s'emballe » ; des déchets radioactifs mal
enfermés sont jetés dans la mer ; des expériences font des nuages qui se
résoudront un jour en « retombées radioactives » ; les dommages qui s'en
suivent se font sentir à des milliers de kilomètres et à des dizaines d'an
nées de distance. Dès aujourd'hui, les expériences atomiques ont augmenté
dans le corps humain la quantité de strontium dans des proportions
telles qu'elle approche peut-être du seuil de danger. Et qui pourra dire
(*) Texte d'une conférence faite à l'Institut de droit comparé de l'Université de
Paris le 6 février 1959. RESPONSABILITÉ CIVILE ET RISQUE ATOMIQUE 506
que la maladie qui, dans tel pays, atteindra des populations entières a
pour cause telle expérience faite dix ans auparavant à 3.000 kilomè
tres à l'Est ou tel accident survenu à 4.000 kilomètres cinq ans avant
à l'Ouest ?
Les idées sur lesquelles nos pères ont vécu sans trouble, sur lesquel
les nous-mêmes n'avions conçu encore, malgré les développements du
machinisme, que de timides hésitations, ces idées sont menacées et dans
leurs plus profondes racines.
Les juristes sont naturellement conservateurs. Ces premières remar
ques vont les agacer. Les juristes sont volontiers portés vers l'abstrait.
Cette opposition simple entre des situations qui ne se distinguent que
par des éléments concrets va les heurter.
Arrêtons-nous à ces premières réactions et mettons-les en forme
pour en apprécier la valeur. En général la qualité d'une règle de droit
ne dépend pas davantage de la nature concrète des objets que de l'i
ndividualité des sujets. Les règles de la vente valent aussi bien pour des
oranges que pour du ciment. Si elles sont justes, si elles établissent des
rapports équitables entre vendeurs et acheteurs d'oranges et arbitrent
correctement le conflit de leurs intérêts, elles doivent donner les mêmes
satisfactions si on les applique aux rapports entre vendeurs et acheteurs
de ciment. C'est si vrai que les progrès du machinisme n'ont pas altéré
la construction des obligations et des contrats, que les inventions en
leur temps de l'électricité, de la machine à vapeur ou du moteur à explo
sion ne semblent pas avoir bouleversé notre Droit. Pourquoi la fission
ou la fusion de l'atome aurait-elle cet effet ? Nos principes juridiques
seraient-ils impuissants à régir l'Atomique ? En matière de responsab
ilité précisément, nous avons réussi en France à intégrer les dommages
dus au machinisme dans une construction de la responsabilité écrite en
1804 ; pourquoi cette même serait-elle impuissante à se
courir de la même manière les victimes de l'énergie atomique et à le
faire de façon juste ? Pourquoi ne pas en adapter les règles aux accidents
de l'ère atomique puisqu'on a réussi à les appliquer à ceux de l'âge des
machines ?
Que des législations où la victime doit encore aujourd'hui établir
la faute du défendeur pour obtenir réparation soient conduites à prévoir
des règles nouvelles faire face aux exigences de justice de l'âge
atomique, cela est certain. Mais nous, grâce à la profonde évolution que
la jurisprudence a fait subir à notre droit positif, nous pouvons faire
l'économie d'une législation nouvelle...
Puisque telle pourrait être notre prétention ou notre tentation à
nous juristes français, mon premier devoir sera d'examiner de plus près
ce que pourrait donner cette application de notre droit positif aux acc
idents causés par l'emploi de l'énergie atomique. Ce sera la première
partie de cet exposé et elle sera critique, car nous démêlons d'avance
les insuffisances, disons même les injustices, de cette solution paresseuse.
La deuxième partie sera constructive. Nous indiquerons comment,
en respectant les principes qui inspirent notre droit français, et en leur
faisant leur place, la responsabilité du fait de l'énergie atomique pour- RESPONSABILITÉ CIVILE ET RISQUE ATOMIQUE 507
rait trouver dans des cadres nouveaux les justes solutions qu'un proche
avenir réclamera. Et dans cette Maison, il serait impardonnable de ne
pas appuyer ces vues prospectives sur les enseignements de l'étranger.
Le très vaste sujet qui nous est proposé engagerait à considérer
toutes les situations possibles. Nous ne parlerons néanmoins ni des cas
où la victime était employée par le défendeur, ni des cas où quelqu'autre
contrat liait le demandeur au défendeur. Cette conférence sera limitée
à l'examen des problèmes de responsabilité civile délictuelle ou quasi-
délictuelle. Le schéma suivi pourrait servir à l'examen des autres situa
tions de droit privé dont j'écarte l'étude. Il conduirait, au moins dans la
partie critique, à des conclusions semblables.
I. — Les insuffisances de notre droit positif
Si demain, en France, est intentée une action en réparation d'un
dommage d'origine nucléaire, le demandeur ne manquera pas d'invoquer
la présomption de l'article 1384 alinéa 1. En bref, cela signifie : 1) que
la victime n'a autre chose à démontrer que la participation de la chose
du défendeur à la production du préjudice qu'elle a éprouvé ; 2) que le
gardien de cette chose, pour se dégager de la présomption de responsab
ilité qui pèse sur lui, doit établir que le dommage considéré est dû à
un événement de force majeure, à la faute de la victime ou à la faute
d'un tiers ; 3) que s'il ne réussit pas à l'établir, si donc la présomption
n'est pas détruite, la victime obtiendra de ce gardien l'entière réparation
de son préjudice.
Nous sommes si accoutumés à ces propositions et à leur applica
tion quotidienne aux dommages de toutes sortes que causent les choses
inanimées les plus variées que nous n'apercevons pas d'abord en quoi
l'application n'en serait pas également simple et juste aux dommages
dus à l'emploi de la force nucléaire.
Et en effet elles le seraient, ni plus ni moins, pour certains dommages.
Il a déjà été jugé que les aiguilles de radium étaient une chose soumise
à l'obligation de garde et que leur gardien était donc tenu par la présompt
ion de l'article 1384, alinéa 1 envers celui qui avait été atteint de radio-
dermite par leur fait (1). Les s

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