Ce rapport propose des pistes pour responsabiliser davantage les entreprises dans leur politique de gestion du personnel.
Lidée directrice est claire : les firmes qui licencient devraient payer une taxe aux caisses dassurance-chômage. Le sys-tème sinspire en partie dune formule appliquée aux États-Unis et trouve une illustration spéci-fique dans le contexte français avec la contribution Delalande.
Le rapport montre pourquoi le taux de la taxe de licenciement doit être positif mais inférieur à lunité. Autrement dit, il doit subsister une partie mutualisée dans lassurance-chômage. Concrètement, cette taxe viserait les licenciements économiques.
Les implications dune telle taxe seraient multiples : liens avec la politique de formation continue, liaisons possibles mais pas indispensables avec des formules de subventions à la création demplois... En outre, le rôle du juge serait à revoir.
Le rapport conclut quune telle taxe pourrait entraîner « une protection de lemploi plus efficace, des coûts plus faibles pour les entreprises et une diminution du chômage ». Le débat est ouvert.
Christian de Boissieu
n° 6/2003 OCTOBRE 2002
ISSN : 1287-4558
Analyses Économiques
Protection de lemploi et procédures de licenciement
Rapport de Olivier Blanchard et Jean Tirole
Olivier Blanchard et Jean Tirole examinent les liens entre chômage et protection des salariés face aux licenciements. Leffet global dune protection élevée sur le taux de chômage nest pas démontré. Dans les pays où les salariés sont très protégés, le marché du travail est cependant moins fluide et la durée moyenne du chômage plus longue. Les auteurs proposent de responsabiliser davantage les entreprises en les faisant contribuer de manière plus directe (en fonction des licen-ciements quelles décident) au financement de lassurance chômage. Des mesu-res incitatives pour ce faire pourraient sinspirer du système en vigueur dans cer-tains États américains. Le rôle du judiciaire dans le processus de licenciement devrait alors être réduit. À coût égal, les incitations ainsi mises en place rendraient la protection de lemploi, à laquelle sont très attachés les citoyens, plus efficace. Ce rapport dont Jean-Christophe Bureau a assuré le suivi au sein de léquipe per-manente du CAE, a été discuté en séance plénière du Conseil le 27 mars 2003, puis le 5 mai 2003 en présence du Premier ministre.
Des positions crispées, des réformes à la marge
Le dialogue constructif est difficile autour de la protection de lemploi, définie ici comme lensemble des obligations des en-treprises et des salariés en jeu lors de la sup-pression dun emploi. Les entreprises se plai-gnent du coût direct des licenciements ainsi que de la complexité et de lincertitude liées aux règles en vigueur. Selon elles, les insti-tutions actuelles les empêchent de sajuster aux mutations technologiques et aux rapi-des changements de demande qui caractéri-sent les économies modernes. Cette perte defficacité et les surcoûts quelle implique, disent-elles, découragent la création dem-plois. Les salariés insistent, eux, sur le coût personnel et social du chômage et sur la né-cessité de faire supporter une partie de ce coût par les entreprises, cest-à-dire de linternaliser. Tout en reconnaissant le coût social élevé du chômage, de nom-breux économistes considèrent que les systèmes de protection de lemploi actuels sont inefficaces. Au minimum, les règles en vigueur devraient être amélioréeset simplifiées et, vraisemblablement, le niveau de protection de lemploi devrait être réduit.
Les gouvernements en Europe continen-tale ont appris, souvent à leurs dépens, que les salariés sont très attachés aux rè-gles de protection de lemploi. Non seu-lement ceux qui sont protégés par ces rè-gles ont un poids électoral important, mais le soutien à des politiques protégeant les salariés est plus étendu que le cercle de ceux qui en bénéficient directement. La plupart des réformes en la matière ont donc procédé « à la marge », par exem-ple, en France, avec lintroduction et le développement des contrats à durée dé-terminée (CDD). La protection de lem-ploi pour les contrats à durée indétermi-née (CDI) na, elle, que peu changé. Ces réformes ont engendré un marché du tra-vail dual, avec des inégalités importantes entre salariés et des effets douteux sur lef-ficacité globale du système.
Plus généralement, les entreprises récla-mant une réduction de la protection, les salariés et les syndicats campant sur leurs positions et les gouvernements poussant les réformes qui leur paraissent les moins coûteuses politiquement, il résulte de cette situation une série de mesures dont la cohé-rence est limitée et lobjectif mal défini.