Contribution Delalande et transitions sur le marché du travail
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Instaurée en 1987, la contribution Delalande est une taxe qui vise à dissuader les entreprises de licencier des travailleurs de plus de 50 ans. Un tel dispositif peut néanmoins avoir des effets pervers. Il peut inciter, en particulier, les entreprises à éviter l'embauche de travailleurs âgés, afin de ne pas risquer d'être redevables ultérieurement de cette taxe. Les différents effets sur les embauches et les licenciements sont évalués ici empiriquement, en tirant parti des nombreuses modifications que le dispositif a connues. L'effet de restriction des embauches de travailleurs âgés est étudié à partir d'un changement, intervenu en 1992, qui exonère du dispositif les travailleurs recrutés après 50 ans. Conformément aux prédictions théoriques, on observe alors une amélioration des chances de retour à l'emploi des chômeurs de plus de 50 ans par rapport aux chômeurs de moins de 50 ans. Cette évolution ne semble pas due à d'autres changements concomitants, comme l'introduction de contrats aidés ciblés particulièrement sur les chômeurs de plus de 50 ans. L'effet sur les licenciements est, en revanche, plus faible, ou du moins difficile à mettre en évidence : les décisions de licenciement des entreprises seraient peu sensibles aux fortes variations du barème de la contribution Delalande.

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Langue Français

Extrait

MARCHÉ DU TRAVAIL
Contribution Delalande
et transitions sur le marché
du travail
Luc Behaghel, Bruno Crépon et Béatrice Sédillot*
Instaurée en 1987, la contribution Delalande est une taxe qui vise à dissuader les
entreprises de licencier des travailleurs de plus de 50 ans. Un tel dispositif peut
néanmoins avoir des effets pervers. Il peut inciter, en particulier, les entreprises à éviter
l’embauche de travailleurs âgés, afin de ne pas risquer d’être redevables ultérieurement
de cette taxe. Les différents effets sur les embauches et les licenciements sont évalués ici
empiriquement, en tirant parti des nombreuses modifications que le dispositif a connues.
L’effet de restriction des embauches de travailleurs âgés est étudié à partir d’un
changement, intervenu en 1992, qui exonère du dispositif les travailleurs recrutés après
50 ans. Conformément aux prédictions théoriques, on observe alors une amélioration des
chances de retour à l’emploi des chômeurs de plus de 50 ans par rapport aux chômeurs
de moins de 50 ans. Cette évolution ne semble pas due à d’autres changements
concomitants, comme l’introduction de contrats aidés ciblés particulièrement sur les
chômeurs de plus de 50 ans.
L’effet sur les licenciements est, en revanche, plus faible, ou du moins difficile à mettre
en évidence : les décisions de licenciement des entreprises seraient peu sensibles aux
fortes variations du barème de la contribution Delalande.
* Luc Behaghel appartient à l’Université de Marne-la-Vallée, au Centre d’études de l’emploi et au Crest-Insee (labora-
toire de microéconométrie). Bruno Crépon appartient au département de la recherche du Crest-Insee. Au moment de
la rédaction de cet article, Béatrice Sédillot était chef de la division Redistribution et politiques sociales de l‘Insee.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 372, 2004 61epuis le milieu des années 1970, les susceptibles d’entrer rapidement dans la tranche
départs anticipés des salariés de plus de d’âge concernée par la mesure. On trouve ainsiD
55 ans ont été encouragés par de nombreux dis- en tête du rapport de la Chambre de Commerce
positifs institutionnels : régime d’allocation et d’Industrie de Paris consacré à la contribution
spéciale du Fonds National de l’Emploi (FNE), Delalande une prise de position particulière-
contrats de solidarité préretraite démission, dis- ment négative : « (...) il n’est pas établi qu’elle
pense de recherche d’emploi notamment. Si, à [la contribution Delalande] ait permis d’enrayer
partir du milieu des années 1980, les conditions l’augmentation du chômage des plus de 50 ans.
d’accès aux préretraites financées par l’État ont Au contraire, en privilégiant une logique de
été durcies (suppression des contrats de solida- sanction, elle a constitué un véritable frein à
rité en 1983, remontée de l’âge minimal l’emploi et a participé à la mise à l’écart de
d’entrée en préretraite, augmentation de la par- cette population : craignant une forte pénalisa-
ticipation financière des entreprises aux pré- tion, les entreprises se sont abstenues en majo-
retraites AS-FNE), de nouveaux dispositifs rité de recruter des chômeurs – notamment ceux
conventionnels comme l’allocation de rempla- âgés de 45 à 50 ans ».
cement pour l’emploi (ARPE) ont partiellement
pris le relais. Ce débat renvoie à l’ambiguïté théorique des
effets des coûts de licenciement sur l’emploi.
Parallèlement aux mesures favorisant les Conformément à l’objectif poursuivi, la protec-
retraits d’activité, plusieurs dispositifs ont cher- tion de l’emploi a pour effet de réduire les licen-
ché à favoriser le retour ou le maintien dans ciements (en augmentant leur coût). Mais elle a
l’emploi des quinquagénaires. Des contrats aussi pour effet de réduire les embauches, puis-
aidés tels que le contrat de retour à l’emploi (de que les entreprises prennent en compte la hausse
1989 à 1995) ou le contrat initiative emploi (à moyenne du coût du travail liée aux coûts de
partir de 1995) visent ainsi à améliorer les pers- licenciement. L’effet net sur l’emploi reste
pectives de retour à l’emploi dans le secteur théoriquement indéterminé. (1)
marchand en allégeant sensiblement le coût du
travail. Ces contrats sont particulièrement ciblés Plusieurs approches empiriques se sont déve-
sur des publics dits « prioritaires » qui incluent loppées pour lever cette ambiguïté théorique. La
les chômeurs de plus de 50 ans. D’autres dispo- première, à l’instar de Mortensen et Pissarides
sitifs visent à protéger l’emploi des salariés en (1999), consiste à étalonner et à simuler les
fin de carrière. En juillet 1987 est ainsi créée la deux effets (sur les licenciements et sur les
« contribution Delalande » qui vise à réduire les embauches) dans un modèle avec création et
transitions vers le chômage des salariés de plus destruction endogènes d’emplois, de façon à
de 55 ans en accroissant leur coût de licencie- caractériser les effets de la protection de
ment. Cette mesure a connu plusieurs modifica- l’emploi dans un contexte précis. Cette appro-
tions depuis 1987 : élargissement des conditions che fait ressortir combien l’effet net sur
d’âge ; suppression du champ de la mesure de l’emploi est sensible (i) au dispositif de protec-
certaines catégories de salariés ; augmentation tion de l’emploi considéré (2) ; (ii) à la popula-
des pénalités encourues par les entreprises. tion sur laquelle la protection s’exerce (3) ; (iii)
à l’interaction avec d’autres dispositifs institu-
Au sein du système français de protection de tionnels (par exemple, le Smic). Ces trois points
l’emploi, la contribution Delalande occupe une montrent bien comment une étude spécifique de
place spécifique. Il s’agit, en effet, du seul dis- la contribution Delalande est utile, dans la
positif instaurant une taxe sur les licenciements mesure où le dispositif, original, cible un public
dont le produit (1) sert au financement de l’assu- particulier, les plus de 50 ans, déjà concerné par
rance chômage (Blanchard et Tirole, 2003). de nombreuses autres mesures. La deuxième
L’effet de la contribution Delalande sur
l’emploi des salariés âgés est toutefois large-
1. 270 millions d’euros par an, en moyenne, entre 1993 et 1999.ment débattu. Pour ses partisans, ce dispositif
2. En particulier, lorsque la protection de l’emploi permet de
permet de responsabiliser les entreprises en réduire le coût du travail en finançant l’assurance chômage, selon
le modèle américain d’experience rating (modulation des cotisa-« internalisant » le coût social des licenciements
tions chômage patronales en fonction des licenciements effec-
et réduit, de ce fait, les sorties de l’emploi des tués), l’effet négatif sur les embauches se trouve fortement
atténué (Cahuc et Malherbet, 2004). Ce point est intéressantsalariés âgés. Pour ses détracteurs, un renchéris-
dans la mesure où le produit de la contribution Delalande estsement du coût de licenciement des salariés affecté au financement de l’Unedic, ce qui rapproche cette taxe
âgés peut avoir des effets pervers : anticipant un du système de l’experience rating.
3. La protection de l’emploi bénéficie ainsi davantage aux plussurcoût en cas de licenciement, les entreprises
qualifiés, et de façon générale aux insiders déjà bien insérés dans
seraient moins incitées à embaucher les salariés le marché du travail (cf. Mortensen et Pissarides, 1999).
62 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 372, 2004approche empirique s’appuie sur des comparai- robustes à des changements mineurs dans la
sons internationales (Nickell, 1997 ; OCDE, méthode d’inférence utilisée. Plusieurs études
1999). Elle confirme l’absence de lien tranché ont déjà examiné l’effet de la contribution Dela-
entre niveau de protection de l’emploi et chô- lande sur les d

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