L effet de l allocation unique dégressive sur la reprise d emploi
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L'effet de l'allocation unique dégressive sur la reprise d'emploi

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Le profil de l'indemnisation du chômage influence-t-il la reprise d'emploi ? Cette question est étudiée en comparant deux réglementations successives de l'assurance chômage. La réglementation en vigueur de 1986 à 1992 prévoit un profil simple en deux paliers : l'indemnisation connaît une seule chute, plus ou moins forte, lors du passage de l'allocation de base à l'allocation de fin de droits. Dans le système d'allocation unique dégressive (AUD) introduit en 1992, le profil d'indemnisation se caractérise par des baisses régulières du montant de l'allocation. L'estimation de modèles de durée montre que dans la réglementation en vigueur avant 1992, le taux de reprise d'emploi augmente fortement à l'approche de la fin de la période d'indemnisation à taux plein. Ce pic dans la reprise d'emploi n'est plus observé dans la nouvelle réglementation : l'introduction de l'AUD a écrêté le profil temporel des taux de reprise d'emploi. Ce résultat vaut principalement pour les chômeurs qui bénéficiaient en emploi d'un salaire élevé. On observe un écart très significatif entre les probabilités de rester en chômage dans l'ancienne et la nouvelle réglementation (AUD). La conjoncture macroéconomique plus défavorable qui caractérise la période postérieure à 1992 n'explique qu'en partie cette différence. Ainsi, la dégressivité, telle qu'elle a été mise en oeuvre de 1992 à 1996, aurait ralenti le retour à l'emploi.

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n° 343 -p3/26 - Emploi 26/07/2001 11:46 Page 3
EMPLOI
L'effet de l'allocation unique
dégressive sur la reprise d'emploi
Brigitte Dormont, Denis Fougère et Ana Prieto*
Le profil de l’indemnisation du chômage influence-t-il la reprise d’emploi ? Cette ques-
tion est étudiée en comparant deux réglementations successives de l’assurance chômage.
La réglementation en vigueur de 1986 à 1992 prévoit un profil simple en deux paliers :
l’indemnisation connaît une seule chute, plus ou moins forte, lors du passage de l’allo-
cation de base à l’allocation de fin de droits. Dans le système d’allocation unique
dégressive (AUD) introduit en 1992, le profil d’indemnisation se caractérise par des
baisses régulières du montant de l’allocation.
L’estimation de modèles de durée montre que dans la réglementation en vigueur avant
1992, le taux de reprise d'emploi augmente fortement à l'approche de la fin de la période
d'indemnisation à taux plein. Ce pic dans la reprise d’emploi n’est plus observé dans la
nouvelle réglementation : l'introduction de l'AUD a écrêté le profil temporel des taux de
reprise d'emploi. Ce résultat vaut principalement pour les chômeurs qui bénéficiaient en
emploi d’un salaire élevé.
On observe un écart très significatif entre les probabilités de rester en chômage dans
l'ancienne et la nouvelle réglementation (AUD). La conjoncture macroéconomique plus
défavorable qui caractérise la période postérieure à 1992 n’explique qu’en partie cette
différence. Ainsi, la dégressivité, telle qu'elle a été mise en œuvre de 1992 à 1996, aurait
ralenti le retour à l'emploi.
* Brigitte Dormont fait partie du THEMA, Université Paris X-Nanterre, Denis Fougère du CNRS, du Crest-Insee et du CEPR, Ana
Prieto du THEMA, Université Paris X-Nanterre, et du Crest-Insee.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
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de la population des chômeurs : les jeunes, les uelle est l'influence de la dégressivité
travailleurs précaires situés à la frange deQdes allocations chômage sur le retour à
l'emploi et du chômage indemnisé, et les chô-l'emploi des chômeurs indemnisés ? Dans cet
meurs âgés. Toutefois, les échantillons finale-article, cette question est abordée en étudiant
ment retenus correspondent à la majorité desles effets de l'introduction, en 1992, de l'allo-
chômeurs indemnisés (environ 60 %). De plus,cation unique dégressive. La période préalable,
si la portée de l'analyse est nécessairementde 1986 à 1992, se caractérisait par une certaine
limitée par cette restriction de champ, la vali-stabilité réglementaire. Les chômeurs indemni-
dité de ses conclusions concernant l'impactsés percevaient tout d'abord l'allocation de
des profils d'indemnisation sur les taux debase (AB), puis l'allocation de fin de droits
retour à l'emploi ne s'en trouve pas affectée.(AFD) qui correspondait à un niveau plan-
cher. Le protocole d'accord de juillet 1992
modifia profondément cette réglementation :
après une période à taux plein, le montant de Définir des profils temporels
l'indemnisation perçue baisse tous les quatre d’indemnisation
mois jusqu'à atteindre un plancher. Le nombre
de paliers de dégressivité parcourus dépend Les modèles théoriques d'assurance chômage
de la durée du chômage et du niveau de salaire optimale définissent des profils temporels d'in-
perçu lors du dernier emploi. Pour comparer demnisation qui devraient, en principe, limiter
ces deux systèmes, qualifiés par la suite la désincitation à la recherche d'emploi. Par
d'ancienne (1986-1992) et de nouvelle régle- exemple, Shavell et Weiss (1979), puis Hopen-
mentation (1993-1996), on examine les taux hayn et Nicolini (1997), montrent que la
de reprise d'emploi des chômeurs dont les dégressivité continue de l'indemnisation au
profils d'indemnisation sont les plus fréquents. cours de l'épisode de chômage est, de ce point
de vue, le profil le plus adéquat. Relativement
L'assurance chômage a pour fonction pre- complexes, ces modèles reposent toutefois sur
mière de limiter la chute de revenu subie par des hypothèses restrictives par rapport à la
le salarié en cas de chômage. Elle doit égale- réalité : on n'y envisage qu'un seul épisode de
ment permettre d'améliorer les conditions de chômage (et d'emploi si le chômeur retrouve
la recherche d'emploi, et conduire à une du travail), le taux d'arrivée des offres d'em-
bonne adéquation de l'emploi retrouvé avec ploi est homogène, constant dans le temps, et
la qualification et les capacités de l'individu, ne dépend que de l'effort de recherche indivi-
mais aussi avec ses préférences en matière de duel ; tous les emplois proposés sont supposés
salaire et de conditions de travail. Ces effets identiques, associés à un taux de salaire unique
positifs ont toutefois une contrepartie: un et fixe au cours du temps. En particulier, ces
certain niveau d'indemnisation peut limiter modélisations théoriques ne tiennent pas
les incitations à rechercher activement un compte de la diversité des qualifications
emploi. En l'absence de possibilités d'obser- des chômeurs qui, de ce fait, subissent des
vation et de contrôle effectif de l'effort de contraintes plus ou moins fortes sur leur offre
recherche, il y a là un problème de risque de travail. Par ailleurs, la restriction à un
moral qu'il convient d'intégrer dans le calcul seul épisode de chômage et les hypothèses
de l'indemnisation, si l'on veut que le système d'homogénéité des emplois et de constance
d'assurance soit viable financièrement (1). des salaires proposés ne permettent pas de
rendre compte de comportements relevant
d'une démarche d'insertion : un chômeur peutLa réglementation de l’assurance chômage en
accepter un emploi, non pour ses caracté-France est complexe (cf. infra) et comporte
ristiques intrinsèques, mais parce qu'il s'agitdes profils très variés d'indemnisation poten-
d'une première étape dans une dynamique detielle. Pour comparer de façon rigoureuse les
taux de retour à l'emploi dans les deux régle-
1. Pour l'anecdote, ce problème avait été repéré dès 1912 par
mentations, on a dû se restreindre aux chômeurs Charles Gide. Celui-ci estimait que seules les associations pro-
fessionnelles pouvaient jouer le rôle d'assureurs sans risquer indemnisés dans le cadre de filières particulières
la faillite, car elles connaissaient suffisamment l'état du marché
de l'ancienne et de la nouvelle réglementation. du travail dans leur branche pour pouvoir vérifier « la sincérité de
la déclaration ». Ce problème a été reconsidéré tout récemmentCe choix, effectué pour des raisons méthodo-
par Chiu et Karni (1998), qui montrent que lorsque les salariés
logiques, limite le champ d'observation aux sont les seuls à détenir l'information sur leurs préférences et leur
effort productif, le secteur privé peut, à l'équilibre, ne pas avoirchômeurs âgés de 25 à 50 ans et ayant une
intérêt à offrir une assurance chômage. Dans les cas de profes-
durée minimale d'affiliation au régime d'assu- sions à fort turnover (tels que les intermittents du spectacle) ou
de secteurs dont l’activité est fortement saisonnière (l’hôtellerierance chômage. Ce faisant, on n’étudie pas ici
par exemple), l’argument de rissque moral prend une dimension
les comportements de composantes importantes particulière.
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réinsertion permettant d'accéder par la suite à conduite à l'aide de modèles de durée à
de meilleurs emplois. Ces deux arguments – hasards proportionnels constants par inter-
les contraintes sur l'offre de travail et l'exis- valles (de type « Piecewise Constant Hazard »)
tence de comportements d'insertion – pour- (3). Ces modèles présentent un avantage
raient ainsi limiter l'ampleur des incitations majeur : ils permettent, en effet, d'estimer le
induites par une inde

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