Lemploi et les salaires des enfants dimmigrés
16 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
16 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Les Français ayant au moins un parent immigré originaire du Maghreb ont des taux d'emploi inférieurs de 18 points et des salaires 13 % inférieurs à ceux des Français dont les deux parents sont français de naissance. Notre étude cherche à déterminer quelle part de ces écarts peut être attribuée aux niveaux de diplômes obtenus, à l’âge, au lieu de résidence, à la situation familiale des personnes, etc. Pour cela, nous commençons par estimer des équations d'emploi et de salaire sur la population des Français n'ayant pas de parents immigrés. Puis, nous utilisons ces estimations pour attribuer aux Français d'origine maghrébine un niveau d'emploi et un salaire « potentiels » qui tiennent compte de leurs caractéristiques individuelles observées. Un soin particulier est apporté au traitement de la sélection pouvant affecter le processus d’accès à l'emploi. Les résultats montrent que le fait que cette population soit, entre autres, plus jeune et moins diplômée en moyenne, ne rend compte que de 4 des 18 points d'écart de taux d'emploi. En revanche, les différences de caractéristiques individuelles observées expliquent totalement les écarts de salaires entre les deux groupes. Ces résultats demeurent identiques si l'on considère séparément les hommes et les femmes. Les Français ayant au moins un parent immigré originaire d'Europe du Sud ont des taux d'emploi égaux à ceux des Français dont les deux parents ne sont pas immigrés et des salaires inférieurs de 2 %. Là encore, cet écart s'explique entièrement par les différences de caractéristiques observables entre ces populations, en particulier par des niveaux d'éducation différents.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 26
Langue Français

Extrait

TRAVAIL - EMPLOI
L’emploi et les salaires des enfants
d’immigrés
Romain Aeberhardt*, Denis Fougère**, Julien Pouget***
et Roland Rathelot****
Les Français ayant au moins un parent immigré originaire du Maghreb ont des taux
d’emploi inférieurs de 18 points et des salaires 13 % inférieurs à ceux des Français dont
les deux parents sont français de naissance.
Notre étude cherche à déterminer quelle part de ces écarts peut être attribuée aux niveaux
de diplômes obtenus, à l’âge, au lieu de résidence, à la situation familiale des personnes,
etc.
Pour cela, nous commençons par estimer des équations d’emploi et de salaire sur la
population des Français n’ayant pas de parents immigrés. Puis, nous utilisons ces esti-
mations pour attribuer aux Français d’origine maghrébine un niveau d’emploi et un
salaire « potentiels » qui tiennent compte de leurs caractéristiques individuelles obser-
vées. Un soin particulier est apporté au traitement de la sélection pouvant affecter le
processus d’accès à l’emploi.
Les résultats montrent que le fait que cette population soit, entre autres, plus jeune et
moins diplômée en moyenne, ne rend compte que de 4 des 18 points d’écart de taux
d’emploi. En revanche, les différences de caractéristiques individuelles observées expli-
quent totalement les écarts de salaires entre les deux groupes. Ces résultats demeurent
identiques si l’on considère séparément les hommes et les femmes.
Les Français ayant au moins un parent immigré originaire d’Europe du Sud ont des taux
d’emploi égaux à ceux des Français dont les deux parents ne sont pas immigrés et des
salaires inférieurs de 2 %. Là encore, cet écart s’explique entièrement par les différen-
ces de caractéristiques observables entre ces populations, en particulier par des niveaux
d’éducation différents.
* Insee et Crest (Paris). Adresse mél : romain.aeberhardt@ensae.fr
** CNRS et Crest (Paris), CEPR (Londres), IZA (Bonn). Adresse mél : fougere@ensae.fr
*** Insee et Crest (Paris), IZA (Bonn). Adresse mél : julien.pouget@insee.fr
**** Crest (Paris). Adresse mél : roland.rathelot@ensae.fr
Les auteurs tiennent à remercier, pour leurs remarques et suggestions constructives, les deux rapporteurs anonymes d’Économie et
Statistique, les participants à différents séminaires et conférences, ainsi que Jim Albrecht, Manon Domingues Dos Santos, Guy Laroque,
David Neumark, Sébastien Roux, Patrick Simon et François-Charles Wolff, qui ont bien voulu lire et commenter des versions antérieures
de cette étude. Nous restons toutefois entièrement responsables des insuffsances et erreurs qui pourraient subsister dans cet article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 433–434, 2010 31algré l’abondante littérature internatio- ici en tenant compte de la sélection potentielle M nale, tant théorique que statistique, consa- affectant l’accès à l’emploi, la discrimination (si
crée à l’analyse des discriminations (voir enca- discrimination il y a) pouvant survenir tout aussi
dré 1), la situation française a été jusqu’ici peu bien à ce stade qu’au moment de la rémunération
examinée par les économètres, alors même que proprement dite. Ce faisant, nous devons tenir
les statistiques disponibles (Insee, 2005) font compte d’une diffculté à laquelle les chercheurs
apparaître des écarts importants, notamment utilisant des données d’enquête en population
en termes d’accès à l’éducation et à l’emploi, générale font fréquemment face, à savoir la fai-
entre les immigrés et le reste de la population. blesse relative des sous-échantillons de personnes
Toutefois, l’intérêt pour cette question a cru au potentiellement discriminées et l’imprécision sub-
cours de ces dernières années, sous l’infuence séquente des paramètres qui sont au centre de ce
combinée de l’actualité politique et sociale et type d’étude. Les propositions méthodologiques
de la mise à disposition d’ensembles de sources que nous faisons dans cet article sont une réponse
statistiques plus précises et plus riches. à cette diffculté, inhérente au sujet traité.
Plusieurs études, relativement récentes, témoi-
gnent de cet intérêt croissant (1). Ainsi, Fougère Un champ d’étude plus large
et Saf (2005, 2009) ont utilisé des données lon- que celui lié à la nationalité
gitudinales provenant des recensements généraux 1 2 3et au lieu de naissance des parents
de la population pour montrer que l’acquisition
de la nationalité française a un impact positif sur Selon la défnition adoptée par le Haut Conseil
l’accès à l’emploi des immigrants. Cette « prime à l’Intégration, un immigré est une personne
à la naturalisation » semble particulièrement vivant en France, et née étrangère à l’étranger.
importante pour les groupes d’immigrants qui
s’insèrent plus diffcilement sur le marché du tra-
En France, rappelons qu’il existe peu de sour-
vail, notamment les hommes originaires d’Afri-
ces statistiques permettant de connaître tout à
que sub-saharienne et du Maroc et les femmes
la fois la situation des personnes enquêtées sur
originaires de Turquie et du Maghreb. Les études
le marché du travail, leur salaire et leur origine de Silberman et Fournier (1999), et de Meurs et
nationale. Lorsqu’en outre on souhaite s’intéres-al. (2006) montrent que les descendants d’im-
ser aux enfants d’immigrés, il faut, d’une part, migrés pourraient subir des discriminations sur
connaître la nationalité à la naissance et le lieu le marché du travail. Pouget (2005) centre son
de naissance de leurs parents et, d’autre part, dis-analyse sur les diffcultés d’accès à la fonction
poser de l’âge d’arrivée en France des person-publique. Dans une étude similaire, Aeberhardt
nes enquêtées. Ces variables sont disponibles et Pouget (2010) décomposent les écarts de salai-
dans l’enquête Formation et qualification pro-res entre les Français dont les deux parents sont
fessionnelle réalisée par l’Insee en 2003, mais nés en France et ceux dont les deux parents sont
la taille des échantillons concernés par le champ nés au Maghreb, en prenant en compte la sélec-
de cette étude est très réduite. En revanche, dans tion affectant l’accès aux différentes catégories
l’enquête Emploi en continu (EEC), toutes ces socioprofessionnelles. Ils ne trouvent pas d’écarts
variables sont disponibles pour les individus qui salariaux systématiques, mais des probabilités
sont entrés dans le dispositif à partir du premier inégales d’accès aux emplois de cadres. On peut
également noter une série de travaux réalisés par trimestre 2005. Cependant, le champ de notre
le Céreq à partir de l’enquête Génération 92, por- étude est défni à partir d’un critère objectif un
tant plus spécifquement sur les jeunes (2). peu plus large que celui lié à la nationalité et au
lieu de naissance des parents. Nous retenons en
Toutefois, aucun de ces travaux n’examine de effet les personnes nées en France, ou arrivées
façon simultanée l’accès à l’emploi et les salai- en France avant l’âge de cinq ans, et dont au
res des Français d’origine étrangère, notamment moins l’un des deux parents était de nationalité
de ceux nés de parents immigrés. C’est l’objectif étrangère à la naissance (nationalité d’un pays
que poursuit notre article en mobilisant les don-
nées des enquêtes Emploi réalisées par l’Insee de
1. L’étude de Dayan et al. (1996) fait toutefois fgure d’article
2005 à 2008 (3). Plus précisément, notre but est précurseur.
2. Voir, par exemple, Dupray et Moullet (2004), qui trouvent ici d’estimer les parts explicable et plus diffci-
notamment des différences plus marquées dans l’accès à l’em-lement explicable des écarts de salaire et de pro- ploi qu’en matière de salaire.
3. Notre étude généralise l’étude de Boumahdi et Giret (2005) babilité

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents