Les effets incitatifs de la prime pour l emploi : une évaluation difficile
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Description

L’idée que des problèmes d'offre affectent le marché de travail aboutit, au début des années 2000, à la création de la prime pour l'emploi (PPE), adoptée dans le cadre d'un ensemble de réformes visant à rendre plus rémunérateur le passage du non-emploi à l'emploi. La loi du 30 mai 2001 portant sa création présente ainsi sa finalité : « Afin d'inciter au retour à l'emploi ou au maintien de l'activité, il est institué un droit à récupération fiscale, dénommé prime pour l'emploi, au profit des personnes physiques domiciliées en France ». À partir de l'enquête Revenus fiscaux (ERF) de 2001, deux méthodes sont utilisées pour évaluer un éventuel effet de la PPE sur l’emploi, chaque fois en organisant la comparaison entre un groupe de traitement (constitué par ses bénéficiaires potentiels) et un groupe de contrôle dont les membres ne sont pas affectés par la mesure mais ont des caractéristiques proches de celles du premier groupe. Il n’apparaît pas d’effet significatif de la PPE sur l'emploi, y compris en se focalisant sur l'emploi des femmes mariées. Ces résultats, cohérents avec ceux des études ex ante, qui soulignaient le faible caractère incitatif de la réforme, s'expliquent, d'une part, par la faiblesse des montants de la PPE en 2001 et, d'autre part, sans doute aussi par le décalage important entre la reprise d'activité et le versement effectif de la PPE (qui peut atteindre jusqu'à 18 mois), qui réduit sa visibilité. Ces résultats doivent être cependant relativisés. Tout d'abord, notre étude porte sur la PPE versée au titre des revenus de 2001 et le dispositif était probablement encore peu connu une année seulement après son instauration. Depuis, la PPE a été aménagée (augmentation des montants distribués en cas d’emploi à temps partiel, revalorisation de la prime versée, acompte et mensualisation) ce qui, combiné à son apprentissage par les agents, a pu en modifier l'impact incitatif.

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Langue Français

Extrait

EMPLOI
Les effets incitatifs de la prime
pour l’emploi : une évaluation diffi cile
Marion Cochard, Bérengère Junod-Mesqui*, Franck Arnaud
et Sébastien Vermare**
L’idée que des problèmes d’offre affectent le marché de travail aboutit, au début des
années 2000, à la création de la prime pour l’emploi (PPE), adoptée dans le cadre d’un
ensemble de réformes visant à rendre plus rémunérateur le passage du non-emploi à
l’emploi. La loi du 30 mai 2001 portant sa création présente ainsi sa fi nalité : « Afin
d’inciter au retour à l’emploi ou au maintien de l’activité, il est institué un droit à
récupération fiscale, dénommé prime pour l’emploi, au profit des personnes physiques
domiciliées en France ».
À partir de l’enquête Revenus fiscaux (ERF) de 2001, deux méthodes sont utilisées pour
évaluer un éventuel effet de la PPE sur l’emploi, chaque fois en organisant la compa-
raison entre un groupe de traitement (constitué par ses bénéfi ciaires potentiels) et un
groupe de contrôle dont les membres ne sont pas affectés par la mesure mais ont des
caractéristiques proches de celles du premier groupe.
Il n’apparaît pas d’effet signifi catif de la PPE sur l’emploi, y compris en se focalisant sur
l’emploi des femmes mariées.
Ces résultats, cohérents avec ceux des études ex ante, qui soulignaient le faible caractère
incitatif de la réforme, s’expliquent, d’une part, par la faiblesse des montants de la PPE
en 2001 et, d’autre part, sans doute aussi par le décalage important entre la reprise d’ac-
tivité et le versement effectif de la PPE (qui peut atteindre jusqu’à 18 mois), qui réduit
sa visibilité.
Ces résultats doivent être cependant relativisés. Notre étude porte en effet sur la PPE
versée au titre des revenus de 2001 et le dispositif était probablement encore peu connu
une année seulement après son instauration. Depuis, la PPE a été aménagée (augmenta-
tion des montants distribués en cas d’emploi à temps partiel, revalorisation de la prime
versée, acompte et mensualisation) ce qui, combiné à son apprentissage par les agents, a
pu en modifi er l’impact incitatif.
* Marion Cochard est chargée d’études économiques à l’OFCE, marion.cochard@ofce.sciences-po.fr ;
Bérengère Junod-Mesqui était chargée d’études économiques à la Dares au moment de la rédaction de cet article, berengere.junod-
mesqui@dgtpe.fr
** Franck Arnaud et Sébastien Vermare étaient étudiants à l’Ensae au moment de l’étude.
Nous remercions Frédéric Lerais, Ronan Mahieu et Bertrand Lhommeau pour leur aide précieuse tout au long de ce projet. Nous
remercions également Sylvie Le Minez, Dominique Goux, Béatrice Sédillot et nos trois rapporteurs anonymes pour leurs remarques
constructives qui nous ont permis d’améliorer la version initiale de notre papier. Enfi n nous remercions Elena Stancanelli de nous avoir
présenté son article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 412, 2008 57lors que jusqu’à la fi n des années 1990, Le montant de la PPE diminue avec le salaire Ales politiques de l’emploi ont essentiel- horaire et augmente avec la durée travaillée dans
lement visé à stimuler la demande de travail, l’année. Il est maximal pour une personne ayant
notamment à travers les baisses dégressives de travaillé à temps plein sur l’année et rémunérée
cotisations patronales, l’idée que des problèmes au Smic (cf. annexe 1). Par ailleurs, le montant
d’offre affectent également le marché du travail de PPE varie en fonction de la situation matri-
émerge au début des années 2000 : il existerait moniale et du nombre d’enfants, en raison des
des désincitations à l’emploi (des « trappes à majorations pour personne à charge. Ainsi,
inactivité »), notamment pour les bénéfi ciaires parmi les différentes confi gurations envisagées
de minima sociaux ou d’allocations chômage, (cf. graphique I), les couples mono-actifs per-
nécessitant de rendre le travail plus rémunéra- çoivent les montants de PPE les plus élevés.
teur. En particulier, le développement du temps Depuis 2001, les montants de la prime pour
partiel réduit les gains fi nanciers à l’emploi par l’emploi ont été revalorisés, notamment au pro-
rapport au non-emploi, ce problème étant pro- fi t des travailleurs à temps partiel. Par ailleurs,
noncé pour les bénéfi ciaires de minima sociaux le mode de versement de la prime a également
puisqu’en 1998 le RMI était à peu près identique évolué avec l’instauration de la possibilité de
à la moitié du Smic (1). Ainsi, un bénéfi ciaire demander un acompte de PPE, puis la mensua-
1du RMI sans qualifi cation gagnait peu à repren- lisation du versement de la prime.
dre un travail à temps partiel. Ce phénomène
pouvait d’ailleurs être aggravé par la perte au Les propositions alternatives pour remédier au
niveau local d’un ensemble de prestations socia- problème des trappes à inactivité se sont succé-
les (aides au transport, prise en charge de factu- dées : les mesures d’intéressement temporaire
res d’eau ou d’électricité, etc.) à la reprise d’un adoptées en 1998, l’Allocation compensatrice de
emploi comme l’ont montré Anne et L’Horty revenu proposée par Godino (1999), puis la ris-
(2002). Les personnes bénéfi ciant des minima tourne CSG (2000) et fi nalement la prime pour
sociaux étaient ainsi soumises à des taux margi- l’emploi (cf. encadré 2). Toutes ces mesures se
naux de prélèvement élevés susceptibles de les distinguent par la nature du public visé, l’unité
dissuader de reprendre une activité. de référence considérée ou le mode de verse-
C’est dans ce contexte que la prime pour l’em-
1. En 1998, le RMI pour une personne seule était de 370,36
ploi (PPE) est adoptée en mai 2001 par le gou- euros alors que le Smic mensuel net (pour 169 heures) était de
821,10 euros.vernement de M. Jospin. Elle s’inscrit dans
le cadre d’un ensemble de réformes incitati-
ves visant à rendre payant le passage du non- Graphique I
emploi à l’emploi, mais permet également de Quelques cas-types, prime pour l’emploi
soutenir le niveau de vie des ménages modes- versée au titre des revenus 2001
tes, et répond à un souci de « justice sociale » : Montant de la PPE en euros
600
l’emploi doit être plus rémunérateur que le non-
500emploi. Mise en place par la Loi nº 2001-458
du 30 mai 2001, la prime pour l’emploi est un 400
crédit d’impôt au profi t des personnes actives
300
faiblement rémunérées, permettant d’amélio-
200rer leur revenu net. Elle peut prendre la forme
d’une réduction d’impôt ou d’un chèque du 100
Trésor public, lorsque le bénéfi ciaire n’est pas 0
0 0,5 1 1,5 2 2,5soumis à l’impôt sur le revenu. La PPE concerne
Revenu d’activité en fraction du Smic
les actifs dont le revenu annuel d’activité pro-
Célibataire sans enfant Couple bi-actif 2 enfantsfessionnelle est compris entre 0,3 et 1,4 fois le
Couple mono-actif sans enfant Parent isolé 1 enfant
Smic annuel sur la base de 39 heures à temps
Lecture : pour des revenus inférieurs au Smic annuel à 39 heu-plein (cf. encadré 1). De plus, le revenu global
res à temps plein, le graphique indique le montant de PPE dont
du foyer ne doit pas excéder un certain plafond bénéficie un individu rémunéré au Smic horaire, travaillant à
temps partiel ou ayant travaillé une partie de l’année seulement. dont la valeur dépend de la situation familiale.
Pour des revenus supérieurs au Smic annuel, le graphique indi-
La prime pour l’emploi au titre des revenus de que le montant de PPE d’un individu travaillant à temps complet
sur l’année. Ainsi, un célibataire sans enfant ayant travaillé 3 mois l’année n est versée en septembre de l’année
dans l’année rémunéré au Smic horaire (donc touchant 0,3 fois n + 1, au moment

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