Le présent document a été parachevé en septembre 2004 par le cercle de réflexion «Serendip » dédié aux enjeux de sécurité des États et de l’Union. Ce cercle fut baptisé Serendip, du nom d’un conte persan dans lequel trois princes trouvent sur leur chemin, par chance, par sagacité ou par accident, autre chose que ce qu’ils étaient initialement partis chercher.
QUELLE SÉCURITÉ APRÈS LE 11 MARS ?
SERENDIP
Le présent document a été parachevé en septembre 2004 par le cercle d e réflexion
«Serendip » dédié aux enjeux de sécurité des États et de l’Union.
Ce cercle fut baptisé Serendip, du nom d’un conte persan dans lequel trois princes
trouvent sur leur chemin, par chance, par sagacité ou par accident, aut re chose que
ce qu’ils étaient initialement partis chercher.QUELLE SÉCURITÉ APRÈS LE 11 MARS ?
SOMMAIRE
Éléments pour une doctrine 4
I. Conduire une révolution dans les affaires intérieures 6
1. Optimiser l’action des services publics de sécurité 6
2. Former un portefeuille de solutionstechnologiques de sécurité 8
3. Développer un espace de confiance avec les partenaires industriels 11
II. Orienter l’effort de sécurité 14
1. L’identification des personnes 14
2. La sécurité des systèmes d’information 16
3. La maîtrise de la chaîne de sécurité 18
4. Le renseignement des décideurs 20
5. La gestion des crises 23
III. Penser l’Europe de la sécurité 26
1. L’Europe, puissance responsable 26
2. L’intégration européenne des fonctions de sécurité 28
3. La projection de la doctrine européenne de sécurité 30Éléments pour une doctrine
L’élaboration du présent document se situe dans le sillage de la première « St ratégie
européenne de sécurité » de l’Union européenne. Il est né de la volonté de co nstruire
une doctrine d’emploi dans le domaine d’action le plus sensible pour le s États
européens et l’Union : celui de la sécurité. Il tente de répondre à l’urgence après les
attentats du 11 mars 2004 à Madrid. Notre posture de sécurité doit être re pensée
dans des délais extrêmement brefs. Aucun pays en Europe n’est à l’abri d’une crise
majeure.
Un droit de la sécurité
Les États de l’Union sont désormais confrontés à une première contrainte : réécrire
un droit de la sécurité. Il est le fondement de l’État de droit : garantir la sécurité,
première des libertés, et offrir aux citoyens un environnement stable, sûr et
prévisible. Ce droit est d’autant plus indispensable que la sécurité est elle même
menacée par le caractère excessif du discours sécuritaire.
La sécurité constitue aujourd’hui une politique publique prioritaire, souven t mal
évaluée, perçue comme une contrainte avec ses coûts et ses obligations, alors
qu’elle est, en fait, un des investissements les plus rentables de l’Éta t et une
condition incontournable de la prospérité.
Désormais, le premier défi de la sécurité est l’efficacité. Et il ne peut y avoir
d’optimisation des forces de sécurité sans l’insertion rapide d’outils moderne s et de
technologies adaptées. Les propositions qui suivent ont pour but d’ouvrir des pistes
susceptibles d’engager les décideurs dans la voie d’une politique de co-
responsabilité entre l’État et des acteurs industriels de confiance.
Défense et sécurité
Les États de l’Union s’inquiétent d’un déficit de doctrine d’emploi en ma tière de
sécurité. La situation est en effet très différente de celle que connaît la défen se. Les
ministères en charge des armées ont su, en permanence, depuis l’après-guerre, fa ire
évoluer leurs moyens en hommes et en techniques.
Une doctrine de sécurité de l’Union propose pour périmètre la lutte cont re les
différentes formes de risques : la criminalité de masse, la criminalité organ isée, le
terrorisme, l’accès aux armes de destruction massive, les risques accident els, les
risques naturels.Elle ne couvre pas les risques de guerre entre États, qui relèvent de la d éfense
nationale et européenne avec les fonctions traditionnelles de dissuasion , de
projection ou de protection.
Néanmoins, ce propos n’interdit pas, au constat des transversalités technolog iques
ou des communalités de moyens évidentes aujourd’hui, de reconnaître la fo ngibilité
des emplois et des outils qui apparaissent entre sécurité et défense.
Cette doctrine comprend naturellement la gestion des crises, car celle-ci s’avè re
identique qu’il s’agisse de faits d’origine accidentelle, naturelle ou intentionne lle. Elle
doit conduire au thème de la coopération civile et militaire afin de contrib uer au
renforcement du lien entre l’armée, chargée de mettre en œuvre une défense active
du territoire, et la population qui participe à sa propre sécurité. Les États de l’Union
sont soucieux d’éviter de se voir imposer une stratégie dont ils ne seraient pas les
initiateurs et des moyens qui seraient mis à leur disposition essentiellement p ar nos
alliés américains.
La sécurité dans l’Union
Les réponses aux enjeux qui sont présentés ici doivent être mises en œuvre dans les
tout prochains mois.
Les risques ne s’arrêtent pas aux frontières de chaque État membre et doive nt être
évalués pour l’ensemble du territoire européen. C’est pourquoi la sécurité co nstitue
désormais une dimension prioritaire dans la construction européenne.I. Conduire une révolution dans les affaires intérieures
Il est nécessaire et urgent d’engager en Europe un changement radica l des
méthodes utilisées par les États pour imaginer et gérer la sécurité.
Les forces de sécurité sont en effet confrontées à une économie crimi nelle
dynamique, efficace et innovante.
Par ailleurs, les évolutions démographiques pourraient conduire à une « impasse
sécuritaire ». En effet, les besoins et exigences de sécurité ne cessent de croître,
alors même que les contraintes qui pèsent sur les ressources sont de plus en plus
fortes. Il est donc impératif d’allouer ces dernières de façon optimale.
1. Optimiser l’action des services publics de sécurité
En matière de sécurité, les États sont assimilables à des opérateurs de se rvices.
Dans cette perspective, l’optimisation de l’action des services publics de sécurité
obéit à trois principes : efficacité, partage, partenariat.
1.1. Accroître la productivité des forces de sécurité
[Efficacité]
Les forces de sécurité doivent être conçues moins comme une administratio n que
comme une industrie de services qui doit produire de la sécurité pour satisfa ire les
citoyens. C’est pourquoi il est important que leurs missions et leurs moyens soient
modernisés pour concourir à une efficacité optimale et à une me illeure
responsabilisation des acteurs.
À ce titre, elles doivent :
– raisonner en termes de ressources (humaines, technologiques, financière s),
d’organisation, (recherche d’une plus grande homogénéité des éche lons
géographiques, lutte contre l’éclatement des structures territoriales – police, j ustice,
gendarmerie –) et de résultats obtenus (taux de criminalité, taux d’éluci dation,
transferts à la justice) ;
– désamorcer la spéculation sur la différence entre la criminalité recensée et la
criminalité relevée par les enquêtes de victimisation (le « chiffre noir ») ;
– présenter une véritable comptabilité (compte de résultat, bilan financier) ;
– connaître leur effectif réel et leur disponibilité ;
– communiquer le coût salarial réel, retraites comprises, d’un salarié ;
– enfin, évaluer le coût des fonctions et des missions.La nécessité de réaliser rapidement des gains de productivité rend en part iculier
néces-saire la poursuite des efforts de modernisation déjà engagés et l’intensificatio n
du recours aux technologies civiles de l’information.
1.2. Concentrer l’action des forces de sécurité sur leur cœur de métier
[Partage]
Un deuxième principe de gestion vise à concentrer les ressources des force s de
sécurité sur les tâches constituant leur cœur de métier, c’est-à-dire la part réga lienne
et consubstantielle à l’État.
En revanche, l’État doit envisager de confier les tâches ne relevant pas de ses
fonctions essentielles à des partenaires de confiance qui sont structurellement mieux
à même d’optimiser la gestion des ressources et d’accélérer l’obtention de gains de
productivité. L’État doit éviter de se substituer aux acteurs économiques et, au
contraire, susciter l’émergence de solutions industrielles récurrentes, déclinab les à
l’export, et donc sources de progrès partagé.
La liste des prestations déjà effectivement externalisées par tel ou tel État de l’Union
est longue : travaux de recherche et développement, production de titres d ’identité
1personnalisés1 (cartes d’identité, passeports, permis de conduire, etc.), impressi on
fiduciaire, exploitation de réseaux de télécommunications, etc.
En France, l’introduction de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF)
devrait faciliter le recours à l’externalisation, faire bouger les frontières entre
ministères et favoriser une approche interministérielle indispensable.
1 1. La production de titres d’identité est assurée par des acteurs industriels privés en All emagne
(Bundesdruckerei) et au Royaume-Uni (SPS).1.3. Recourir de façon pragmatique à des solutions de financement alternatif
[Partenariat]
Les contraintes budgétaires sont désormais élevées au sein de l’Union. Or le besoin
de sécurité est exponentiel.
Dans ce secteur, comme cela a été mis en place depuis le début du XXe siècl e dans
d’autres services publics, les États membres vont avoir de plus en plus recours à de s
2formules de « partenariat public-privé » (PPP) .
Cette solution présente deux avantages : alléger la dette des États, mai s aussi
transformer la relation entre États et entreprises. À ce stade, deux options principal es
ont été levées par les États : le recours à un tiers bénéficiant d’une d élégation
3complète de service public jusqu’au patrimo,ine ou une cession limitée à
4l’exploitation, l’État restant propriétaire de l’infrastructure de sé. curité
Pour créer ou maintenir des capacités autonomes en matière de sécurité, les États
doivent engager une véritable politique industrielle. Une telle politique est d’ autant
plus praticable que, dans le champ de la sécurité, les montants à inve stir sont
particulièrement faibles à l’échelle des États.
2. Former un portefeuille de solutions technologiques de sécurité
Pour créer ou maintenir des capacités autonomes en matière de sécurité, les États
doivent engager une véritable politique industrielle. Une telle poli