Les choix d activité des femmes en couple : une approche longitudinale
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L'analyse de l'activité des femmes en couple repose généralement sur une hypothèse de spécialisation qui s'opèrerait au sein du couple. L'homme est supposé disposer d'une meilleure rentabilité sur le marché du travail et la femme prend prioritairement en charge les activités domestiques du foyer. Dans ce cadre, les travaux économétriques ont montré la complexité de la décision d'activité des femmes en analysant le lien entre fécondité et participation au marché du travail, les effets incitatifs ou désincitatifs de la politique fiscale ou le coût lié aux jeunes enfants. Ces résultats présentent l'inconvénient majeur de ne pas tenir compte de l'hétérogénéité des comportements individuels dus aux aptitudes ou aux préférences personnelles des individus et à la façon dont celles-ci s'inscrivent dans leurs trajectoires. L'exploitation du volet français du Panel européen des ménages et l'utilisation de nouvelles méthodes économétriques permettent d'affiner l'analyse du comportement d'activité des femmes vivant en couple sur des données longitudinales. Cette nouvelle approche remet en cause l'influence habituellement admise de certains déterminants du comportement d'activité des femmes. Si, comme attendu, les femmes sont d'autant plus actives qu'elles sont diplômées, le revenu du conjoint joue peu sur la décision d'activité, au moins à court terme. C'est davantage son niveau moyen ou sur longue période qui importe. De même, si le jeune enfant pèse temporairement sur l'activité des femmes, le nombre total d'enfants semble donner lieu à un arbitrage entre fécondité et activité plutôt sur l'ensemble du cycle de vie, même si les coûts induits par la charge des enfants comptent également dans la décision d'activité de nombreuses femmes.

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Langue Français

Extrait


ACTIVITÉ
Les choix d'activité
des femmes en couple :
une approche longitudinale
Stéfan Lollivier*
L’analyse de l’activité des femmes en couple repose généralement sur une hypothèse de
spécialisation qui s’opérerait au sein du couple. L’homme est supposé disposer d’une
meilleure rentabilité sur le marché du travail et la femme est supposée prendre
prioritairement en charge les activités domestiques du foyer. Dans ce cadre, les travaux
économétriques ont montré la complexité de la décision d’activité des femmes en
analysant le lien entre fécondité et participation au marché du travail, les effets incitatifs
ou désincitatifs de la politique fiscale ou le coût lié aux jeunes enfants. Ces résultats
présentent l’inconvénient majeur de ne pas tenir compte de l’hétérogénéité des
comportements individuels dus aux aptitudes ou aux préférences personnelles des
individus et à la façon dont celles-ci s’inscrivent dans leurs trajectoires. L’exploitation
du volet français du Panel européen des ménages et l’utilisation de nouvelles méthodes
économétriques permettent d’affiner l’analyse du comportement d’activité des femmes
vivant en couple sur des données longitudinales.
Cette nouvelle approche remet en cause l’influence habituellement admise de certains
déterminants du comportement d’activité des femmes. Si, comme attendu, les femmes
sont d’autant plus actives qu’elles sont diplômées, le revenu du conjoint joue peu sur la
décision d’activité, au moins à court terme. C’est davantage son niveau moyen ou sur
longue période qui importe. De même, si le jeune enfant pèse temporairement sur
l’activité des femmes, le nombre total d’enfants semble donner lieu à un arbitrage entre
fécondité et activité plutôt sur l’ensemble du cycle de vie, même si les coûts induits par
la charge des enfants comptent également dans la décision d’activité de nombreuses
femmes.
* Stéfan Lollivier est directeur de l’Ensae.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 349-350, 2001-9/10 125
’activité des femmes vivant en couple a Le couple a donc collectivement intérêt à ce que
sans doute été l’un des sujets les plus étu- la femme se spécialise dans les tâches ménagè-L
diés dans la littérature économique et économé- res, libérant le temps de son conjoint, à charge
trique. L’une des raisons en est probablement pour lui de le valoriser sur le marché du travail.
que le comportement de choix d’activité illustre Même si ce fait demeure aujourd’hui, l’explica-
de façon quasi immédiate l’un des aspects de la tion n’est plus qu’à moitié convaincante, les
théorie du consommateur : l’arbitrage entre tra- femmes ayant, notamment pour les générations
vail et loisir. Selon celui-ci, l’individu rationnel récentes, des diplômes au moins équivalents à
arbitre l’allocation de son temps entre activité ceux des hommes.
rémunérée permettant d’acquérir des biens de
Outre l’intérêt théorique, la seconde raison pourconsommation et loisir, ces deux derniers lui
laquelle les économistes se sont penchés surétant nécessaires pour obtenir un certain niveau
l’activité des femmes en couple est la nécessitéd’utilité. D’après ce schéma, le comportement
de disposer de projections à moyen terme de laest optimal lorsque le surcroît d’utilité obtenu
population active. La connaissance des détermi-grâce aux biens de consommation permis par la
nants structurels et conjoncturels de la flexiondernière heure travaillée est égal à l’accroisse-
des taux d’activité féminins est alors précieusement de bien-être que lui procurerait la même
pour déterminer le nombre d’actifs dans le futur,heure passée en temps de loisir. La réalité s’éloi-
même si pratiquement, on se limite souvent àgne cependant de ce comportement stylisé. En
projeter les tendances antérieures. premier lieu, l’individu n’est pas totalement
maître de sa quantité d’offre de travail. En
France, notamment, la durée de travail relève de
Une approche jusqu’ici essentiellement la loi ou de conventions collectives et présente
transversaleun caractère indivisible entre temps complet,
temps partiel ou inactivité. Mais le travail en
De nombreux travaux portant sur les détermi-temps partiel est lui-même soumis à des con-
nants de l’activité des femmes en couple ont ali-traintes réglementaires. En outre, la décision de
menté la littérature économique depuis lestravailler à temps partiel renseigne mal sur
années 70. Dans le sillage de Mincer (1963),l’offre de travail de l’individu puisqu’une frac-
bon nombre d’entre eux ont cherché à explicitertion importante des personnes concernées
les liens entre fécondité et participation au mar-occupe un emploi à temps partiel dit contraint,
ché du travail. Ces travaux ont, en outre, étéc’est-à-dire imposé par l’employeur. Au total, la
l’occasion d’avancées économétriques impor-décision d’activité porte davantage sur le fait de
tantes, notamment dans la façon de traiter le faittravailler ou non que sur la durée travaillée elle-
que la sous-population des femmes actives n’estmême. C’est pourquoi un bon nombre d’études
pas représentative de l’ensemble (biais deempiriques s’intéresse à la décision d’activité
« sélectivité », Heckman, 1974). En France, desplutôt qu’au nombre d’heures travaillées. Du
travaux analogues sont apparus plus tardive-fait de cette indivisibilité et de la nécessité de
ment. Ils ont visé soit à décrire la situation desdisposer de ressources pour acheter des biens de
femmes en couple (Riboud, 1985 ; Lollivier,consommation, la décision d’activité ne se pose
1984), soit à évaluer les aspects incitatifs oumême pas lorsque le ménage ne comporte qu’un
désincitatifs de la politique fiscale (Bourgui-seul adulte en âge (ou en état) de travailler.
gnon, 1986 ; Dagsvik, Laisney, Strom et Oster-
vold, 1988). Dans les années 90, les développe-
Un comportement d’offre de travail peut, en ments ont approfondi la description des
revanche, se manifester lorsque le ménage est comportements. Eggink, Hop et Van Praag
composé d’un couple, avec ou sans enfants. (1994) ont ainsi considéré l’offre conjointe de
L’activité d’un seul adulte peut apporter des res- travail au sein du ménage, en prenant en compte
sources monétaires jugées suffisantes pour que le rôle de l’épouse et de son conjoint : le com-
l’autre ne se porte pas sur le marché du travail. portement de la femme est ainsi plus sensible
Même si la question se pose en des termes aux variations de l’environnement socio-écono-
symétriques pour les deux membres du couple, mique que celui de l’homme. Cette approche a
c’est dans la quasi-totalité des cas sur la femme été approfondie par Chiappori, Fortin et Lacroix
que va se reporter la décision d’activité. Dans (1998), puis par Moreau (2000), qui ont mis en
une étude un peu ancienne, Becker (1983) expli- évidence, sur des données individuelles, une
que que la femme reste au foyer prioritairement rationalité collective des choix d’activité au sein
à l’homme à l’issue d’un processus de spéciali- du couple. Pour sa part, Van Der Klaauw (1996)
sation, l’homme, plus diplômé, disposant d’une a considéré que l’horizon féminin s’étendait au
meilleure rentabilité sur le marché du travail. cycle de vie, et décrit un modèle intertemporel
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de choix simultané d’offre de travail et de statut nale, sans doute faute de données adéquates.
matrimonial : les gains liés au mariage seraient Les travaux sur panel se sont plutôt intéressés à
d’autant plus faibles que les salaires potentiels des modélisations utilisant des variables quanti-
de l’épouse seraient élevés. Ne pas prendre en

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