Mondialisation des échanges et emploi : le rôle des exportations
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L'évolution de la qualification des emplois et de l'activité d'exporter a été observée au sein d'un panel d'environ 5 900 entreprises françaises, suivies entre 1988 et 1992. Il en résulte que l'activité d'exporter a pour préalable un renforcement significatif du niveau des qualifications des emplois dans les services de gestion et de développement commercial par rapport aux qualifications nécessaires pour les produits vendus sur le marché domestique. Les méthodes de fabrication doivent être aussi plus intenses en qualification, mais dans des proportions moindres et plus difficiles à identifier statistiquement. Ce renforcement apparaît tout aussi important quand les exportations sont en direction des pays développés que lorsqu'elles sont dirigées vers les pays en développement. La mondialisation des échanges est un facteur de transformation sociale d'abord et avant tout parce qu'elle incite les entreprises à se réorganiser pour profiter des nouveaux horizons commerciaux.

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Langue Français

Extrait

COMMERCE INTERNATIONAL
Mondialisation des échanges et
emploi : le rôle des exportations
Éric Maurin, David Thesmar et Mathias Thoenig*
L'évolution de la qualification des emplois et de l'activité d'exporter a été observée au
sein d'un panel d'environ 5 900 entreprises françaises, suivies entre 1988 et 1992. Il en
résulte que l'activité d'exporter a pour préalable un renforcement significatif du niveau
des qualifications des emplois dans les services de gestion et de développement
commercial par rapport aux qualifications nécessaires pour les produits vendus sur le
marché domestique. Les méthodes de fabrication doivent être aussi plus intenses en
qualification, mais dans des proportions moindres et plus difficiles à identifier
statistiquement.
Ce renforcement apparaît tout aussi important quand les exportations sont en direction
des pays développés que lorsqu'elles sont dirigées vers les pays en développement. La
mondialisation des échanges est un facteur de transformation sociale d'abord et avant
tout parce qu'elle incite les entreprises à se réorganiser pour profiter des nouveaux
horizons commerciaux.
* Éric Maurin appartient au Crest-Insee. David Thesmar appartient au département de la Conjoncture de l’Insee. Mathias
Thoenig est membre du Ceras et du CEPR.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d’article.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003 33’économie française a connu pendant la exercée par les pays à bas salaires a été délais-
plus grande part des années 1990 une phase sée. Les importations en provenance des pays àL
d'expansion durant laquelle le chômage a bas salaires sont encore bien trop peu importan-
reculé. En dépit de ce dynamisme retrouvé, les tes au regard de la rapidité avec laquelle décli-
inégalités devant l'emploi sont demeurées nent les besoins en travailleurs non qualifiés.
importantes. En mars 2000, selon l'Enquête Ainsi la piste « mondialisation » a été abandon-
Emploi, le taux de chômage des hommes sans née au milieu des années 1990. (1) (2)
diplôme est trois fois et demie plus élevé que
Considérer que le commerce international secelui des diplômés du supérieur tandis que celui
résume à la concurrence des pays à bas salairesdes femmes sans diplôme demeure cinq fois
procède toutefois d'une vision très partielle de laplus élevé que celui des femmes diplômées du
mondialisation des échanges. La progressivesupérieur. Les chiffres étaient à peu près les
libéralisation du commerce a d'abord et avantmêmes sept ans plus tôt, en 1993 (Atkinson,
tout créé des opportunités d'exportations versGlaude et Olier, 2001). Il n'y a ni plus ni moins
les marchés des pays développés et accru la con-d'inégalités entre personnes sans diplôme et
currence entre les entreprises des pays dévelop-diplômés du supérieur aujourd'hui qu'au début
pés pour pénétrer ces nouveaux marchés àdes années 1990, quand pourtant l'économie
l'exportation.française traversait l'une des récessions les plus
sévères de son histoire. Entre 1993 et 2000, le
Dans cet article, on montre que cet accroisse-chômage a diminué significativement, mais les
ment des possibilités d'exportation et de la con-inégalités devant l'emploi sont restées comme
currence entre candidats à l'exportation a consti-intactes. De fait, au cours de la décennie écou-
tué un vecteur négligé et pourtant important delée, les besoins en travail non qualifié ont
créations d'emplois qualifiés et de destructionsdécliné de façon tout aussi rapide que le nombre
d'emplois non qualifiés. De nouveaux marchésde personnes peu ou pas diplômées dans la
se sont ouverts, notamment en Europe et auxpopulation active. Dans ce contexte, les pers-
États-Unis, mais le préalable à leur pénétration apectives d'emploi des personnes les moins
été pour les entreprises françaises de se restruc-diplômées n'ont guère pu se rapprocher de celles
turer en profondeur en substituant de nouveauxdes personnes les plus diplômées.
emplois très qualifiés à des emplois anciens,
moins qualifiés. Pour survivre dans un environ-La France n'est pas un cas isolé. Au cours des
nement devenu plus sélectif, les entreprises ontdernières décennies, les besoins en travail non
dû s'adapter, se réorganiser, innover. Les res-qualifié se sont réduits de façon très brutale dans
tructurations ont privilégié l'emploi d'une main-la plupart des pays de l'OCDE. Cette évolution
d'œuvre plus qualifiée (cf. encadré 1 pour uns'est traduite par une baisse des salaires relatifs
développement théorique).versés aux personnes peu qualifiées et une mon-
tée des inégalités de salaires aux États-Unis ou
au Royaume-Uni (1). Dans les pays d'Europe
Un effort préalable de conception continentale, cette tendance de fond a entraîné
et de développement commercialla persistance d'un chômage de masse chez les
salariés les moins qualifiés.
Afin d'exporter, les entreprises ont dû renforcer
le niveau de qualification de leurs salariésPour de nombreux économistes, c'est la diffu-
davantage dans les services non directementsion des technologies de l'information qui est en
reliés au processus de fabrication (comme lacause (2).Il serait dans la nature de ces techno-
conception, la commercialisation, les activitéslogies de se substituer au travail non qualifié
juridiques ou financières) que dans les ateliers(pour rassembler et synthétiser l'information) et
de fabrication. Les services administratifs etde rendre le travail qualifié plus efficace (pour
commerciaux demandent une proportioninterpréter de l'information). Les inégalités con-
d'emplois très qualifiés significativement plustemporaines seraient la conséquence – peut-être
importante quand il s'agit de gagner des mar-transitoire, mais sans doute inéluctable – de la
chés à l'exportation que lorsqu'il s'agit d'écoulerdiffusion des nouvelles technologies de l'infor-
mation. Le succès de cette thèse provient en
grande partie de l'absence d'explication concur-
1. La décennie des années 1980 correspond véritablement à larente réellement convaincante.
période d’augmentation des inégalités dans de nombreux pays
développés.
2. Voir, par exemple, Machin et Van Reenen (1998), Autor, KatzAprès avoir été en vogue, l'explication du chô-
et Krueger (1999). Pour une vision plus nuancée du rôle des tech-
mage des pays développés par la concurrence nologies voir Goux et Maurin (2000).
34 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 363-364-365, 2003ses produits sur le marché domestique. On va jusqu'à présent : au lieu de considérer la façon
également montrer que les restructurations dont les consommateurs occidentaux contribuent
imposées par la concurrence à l'exportation sont à substituer des importations en provenance du
tout aussi importantes, que l'entreprise choisisse Sud à des travailleurs occidentaux non qualifiés,
d'exporter vers des pays développés ou non. La on évalue si la participation des entreprises occi-
concurrence est tout aussi vive que le concur- dentales au commerce international, plus concur-
rent soit américain ou chinois. Dans tous les cas, rentiel, requiert davantage de qualification.
celle-ci pousse l'entreprise à privilégier des
emplois plus qualifiés. L'interprétation la plus simple des résultats est
que les activités de conception, d'adaptation et
L’approche envisagée ici du rôle du commerce de commercialisation prennent des modalités
international est très différente de celles suivies très différentes suivant que la firme opère sur le
Encadré 1
COMMERCE INTERNATIONAL ET EMPLOI :
ANCIENNES CONJECTURES ET NOUVELLES THÉORIES
En ce qui concerne l'impact de l'ouverture internatio- pays du Nord. L'intuition commune à ces théories est
nale sur l'emploi, le cadre d'analyse traditionnel a été que les entreprises s'adaptent à la pression concur-
développé par Hecksher, Ohlin et Samuelson (HOS) rentielle accrue pour survivre, et que cette adaptation
dans les années 1970. L'intuition est dérivée de la se fait au détriment des travailleurs les moins qualifiés.
théorie ricardienne des avantages comparés : l'ouver-
Développant une intuition de Wood (1994), Thoenig etture au commerce international accroît la spécialis

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