L’évaluation de la qualité des soins aux personnes âgées - article ; n°2 ; vol.2, pg 87-94
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Santé, Société et Solidarité - Année 2003 - Volume 2 - Numéro 2 - Pages 87-94
This article raises a number of methodological problems related to the assessment of the quality of elder care. In France, the quality of elder care is assessed in the context of reform of the health and social services system and is based on recent laws which are profoundly changing the operating rules of structures. As in any area of care, assessment in gerontology may concern structure, processes or results. A major limitation in the gerontological field is the small number of relevant reference systems. It is difficult to attribute the results observed to intervention in a context of polypathology and complex intervention. Appropriate indicators of the quality of care must be developed and validated, particularly to compare performances of residential and care structures. Despite these problems, assessment of the quality of elder care is even more crucial because this population is large and frail and may find it difficult to express their needs and expectations because they often have cognitive deficits.
L’objectif de cet article est de soulever certains problèmes méthodologiques posés par l’évaluation de la qualité des soins aux personnes âgées. En France, l’évaluation de la qualité des soins aux personnes âgées s’inscrit dans le contexte de réforme du système sanitaire et social et s’appuie sur des textes législatifs récents qui modifient en profondeur les règles de fonctionnement des structures. Comme pour tout domaine des soins, l’évaluation en gérontologie peut porter sur la structure, les processus ou les résultats. Une limite majeure dans le domaine gérontologique est le petit nombre de référentiels pertinents. Il est difficile d’imputer les résultats observés à l’intervention, dans un contexte de polypathologie et d’intervention complexe. Des indicateurs de qualité des soins adaptés doivent être développés et validés, notamment pour la comparaison des performances des structures d’hébergement et de soins. Malgré ces difficultés, l’évaluation de la qualité des soins aux personnes âgées est d’autant plus indispensable qu’il s’agit d’une population nombreuse et fragile, et qui peut difficilement exprimer ses besoins et ses attentes, en raison de la fréquente atteinte des fonctions cognitives.
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Publié le 01 janvier 2003
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L E S A T E L I E R S
Évaluation de la qualité des soins et des services à domicile
L’évaluation de la qualité des soins aux personnes âgées
Pascale Barberger-Gateau, Céline Moty, Karine PérèsFRANCE Chercheuses à l’INSERM, Unité 593, Université Victor Ségalen, Bordeaux 2
L’objectif de cet article Résumé est de soulever certains problèmes méthodologiques posés par l’évaluation de la qualité des soins aux personnes âgées. En France, l’évaluation de la qualité des soins aux personnes âgées s’inscrit dans le contexte de réforme du système sanitaire et social et s’appuie sur des textes législatifs récents qui modi-fient en profondeur les règles de fonction-nement des structures. Comme pour tout domaine des soins, l’évaluation en géron-tologie peut porter sur la structure, les processus ou les résultats. Une limite majeure dans le domaine gérontologique est le petit nombre de référentiels perti-nents. Il est difficile d’imputer les résultats observés à l’intervention, dans un contexte de polypathologie et d’intervention com-plexe. Des indicateurs de qualité des soins adaptés doivent être développés et vali-dés, notamment pour la comparaison des performances des structures d’héber-gement et de soins. Malgré ces difficultés, l’évaluation de la qualité des soins aux personnes âgées est d’autant plus indis-pensable qu’il s’agit d’une population nombreuse et fragile, et qui peut difficile-ment exprimer ses besoins et ses attentes, en raison de la fréquente atteinte des fonctions cognitives.
This article raises a num-Abstract ber of methodological problems related to the assessment of the quality of elder care. In France, the quality of elder care is assessed in the context of reform of the health and social services system and is based on recent laws which are pro-foundly changing the operating rules of structures. As in any area of care, assessment in gerontology may concern structure, processes or results. A major limitation in the gerontological field is the small number of relevant reference systems. It is difficult to attribute the results observed to interven-tion in a context of polypathology and com-plex intervention. Appropriate indicators of the quality of care must be developed and validated, particularly to compare perfor-mances of residential and care structures. Despite these problems, assessment of the quality of elder care is even more crucial because this population is large and frail and may find it difficult to express their needs and expectations because they often have cognitive deficits.
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évaluation en santé est née d’une la nécessité pour les décideurs de double démarche, d’une part de ler lL’utilisation de ressources limitées, et justifier leurs choix et de contrô-d’autre part du souci des professionnels d’as-surer des soins de qualité, prodigués en fonction des connaissances scientifiques du moment. Ces deux types de démarche ont connu un développement parallèle mais inégal selon les pays. Au Québec, les cher-cheurs se sont intéressés depuis longtemps au développement d’un cadre théorique, conceptuel et méthodologique, de l’évalua-tion (Contandriopouloset al., 2000). La France a développé une culture plus admi-nistrative de l’évaluation, traditionnellement vécue comme un moyen de contrôle auquel les professionnels de santé ont été peu asso-ciés. Ces deux approches de l’évaluation sont cependant complémentaires et doivent coexister, en raison des con-traintes budgétaires pesant sur les La définition de financeurs publics ou privés, et de la la notion de soins à pression du patient/client qui exige un haut niveau de qualité et de sécurité la personne âgée est des soins. elle-même complexe, Le domaine des soins aux personnes le terme français âgées n’échappe pas au débat. Les per-devant englober sonnes âgées sont considérées comme de gros consommateurs de ressources à la fois le « cure » et de santé puisque les 60 ans et plus le « care » anglais. consomment 41 % des montants rem-boursés par les caisses d’assurance maladie alors qu’ils ne représentent qu’environ 20 % de la population française (Henrardet al., 2001). L’augmentation de la part des personnes âgées dans la population des pays développés ne fait qu’amplifier le phénomène. En même temps, la complexité des soins prodigués aux personnes âgées souffrant de polypathologie justifie une attention accrue du respect des procédures et de la qualité des résultats. Cependant, l’évaluation de la qualité des soins aux per-sonnes âgées soulève aussi des problèmes spécifiques, en raison de l’intrication du sanitaire et du social, de la prise en charge de la dépendance par des acteurs multipro-fessionnels mais aussi par des aidants dits « informels », et de l’importance quantitative de l’enjeu économique et social à cause du vieillissement des populations. La définition de la notion de soins à la personne âgée est
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elle-même complexe, le terme français devant englober à la fois le « cure » et le « care » anglais.
L’objectif de cet article est de soulever certains problèmes posés par l’évaluation de la qualité des soins aux personnes âgées dans le contexte français et de proposer des pistes de réflexion générales, afin de sus-citer un débat pouvant ensuite se nourrir des expériences françaises, québécoises et internationales, au-delà des différences dans la structure organisationnelle des sys-tèmes de santé. Ce bref texte n’a certes pas la prétention d’être un inventaire exhaustif des difficultés rencontrées ni des solutions proposées dans ce domaine, mais d’être une simple introduction au débat.
Le contexte de l’évaluation
Quel que soit le type de l’intervention (tech-nique, soins, organisation, programme de santé, etc.) son évaluation ne peut être dis-sociée de son contexte de temps et de lieu. En France, l’évaluation de la qualité des soins aux personnes âgées s’inscrit dans le contexte de réforme du système sanitaire et social et s’appuie sur des textes législatifs récents qui modifient en profondeur les règles de fonctionnement des structures, en particulier : £ Les ordonnances d’avril 1996, en parti-o culier l’ordonnance n 96-346 portant sur la réforme de l’hospitalisation et l’ordon-o nance n 96-345 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins. £ Les textes réglementaires sur les réseaux, qui émanent soit de la Direction des hôpi-taux (DH) soit de la Direction générale de la santé (DGS) : notamment la circulaire o DH/EO/97 n 97/277 relative aux réseaux de soins et communautés d’établisse-ments, la circulaire DGS/SQ2/DAS/DH/ o DSS/DIRMI n 99-648 relative aux réseaux de soins préventifs, curatifs, palliatifs ou sociaux et la circulaire DHOS/ o O2/DGS/SD5D n 2002/157 relative à l’amélioration de la filière de soins géria-triques qui définit les principes du travail en réseau et la mise en place des centres locaux d’information et de coordination (CLIC) gérontologiques.
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o £ Le décret n 99-316 relatif aux modalités de tarification et de financement des éta-blissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) qui impose aux établissements signant les conven-tions l’engagement dans une démarche d’amélioration de la qualité comportant notamment la mesure de la satisfaction des résidents et de leur famille et la mise en place d’indicateurs de qualité. £ La création de la Prestation spécifique dépendance (PSD) en 1997 puis son remplacement par l’Allocation person-er nalisée d’autonomie (APA) au 1 janvier o 2002 (loi n 2001-647 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’Allocation person-nalisée d’autonomie). £ La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale qui annonce entre autres la création d’une charte nationale établie conjointement par les fédérations et organismes représentatifs des gestionnaires d’établissements et de services sociaux et médico-sociaux. Ces établissements incluent les établisse-ments et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quo-tidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale. Cette loi stipule que « les établissements et services font procéder à l’évaluation de leurs acti-vités et de la qualité des prestations qu’ils délivrent par un organisme extérieur selon un cahier des charges ». o £ La loi n 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui définit les missions des réseaux de santé et pose le principe de leur évaluation.
Quel type d’évaluation ? Contandriopouloset al. (2000) distinguent deux grands types de démarches en évalua-tion. L’évaluation normative est une appré-ciation portée sur chaque composante de l’intervention par rapport à des normes pré-établies de ressources, d’activités et/ou de résultats. Ce type d’évaluation est notamment
mis en œuvre dans l’accréditation et la certifi-cation. Quant à la recherche évaluative, elle vise à produire une analyse scientifique des relations entre les différentes composantes de l’intervention et ses résultats et nécessite une approche pluridisciplinaire asso-ciant les sciences humaines, l’économie et l’épidémiologie. Quel que soit le type Ces deux démarches sont en faitde l’intervention complémentaires. Ainsi, la démarche (technique, soin, d’audit clinique pour évaluer les pra-organisation, tiques professionnelles utilise succes-sivement ces deux types d’évaluation. programme de santé, La première phase de l’audit consiste à etc.) son évaluation ne comparer sa pratique à un référentiel pertinent. Dans une seconde phase,peut être dissociée de les causes des écarts éventuels sont son contexte de temps analysées pour mettre en œuvre des et de lieu. actions d’amélioration, dont l’effet sera à nouveau évalué. Inversement les démarches d’évaluation normative, comme l’accréditation, s’appuient sur des référentiels de pratique, eux-mêmes élaborés à partir d’une recherche évaluative.
Quel référentiel utiliser ? Une difficulté majeure dans le domaine du vieillissement est de disposer de référentiels pertinents. De nombreuses recommanda-tions de pratique clinique (RPC) sont issues d’essais thérapeutiques ne comportant pas de sujets âgés ou ayant exclu la présence de pathologies associées. Il existe certes des RPC pour le diagnostic et la prise en charge de maladies spécifiques du vieillissement comme la démence en France (Petitet al., 1998) et au Canada (P attersonet al., 1999) mais elles sont loin de représenter l’ensemble des pathologies du sujet âgé. Le référentiel élaboré par l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (Service Évaluation de la qualité, 2002) est une première tentative en France pour adapter à la spécificité de la gériatrie le manuel d’accréditation proposé par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) tout en offrant une corres-pondance avec le référentiel ANGELIQUE imposé aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes(EHPAD) par le ministère des Affaires sociales, du 1 Travail et de la Solidarité . Ce type de
1. http ://www.social.gouv.fr/famille-enfance/doss_pr/personne/index.htm
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référentiel est toutefois davantage axé sur les processus que sur le résultat des soins. De plus, il est limité à la prise en charge en institution de soins ou d’hébergement. L’ANAES propose quelques recomman-dations aisément accessibles sur Internet pour la prise en charge de problèmes géria-triques, comme la limitation des risques liés à la contention physique, ainsi que des recommandations méthodologiques, par exemple pour l’évaluation de la prévention 2 des escarres . Une approche complémentaire intéres-sante peut être apportée par les guides d’analyse par domaine d’intervention (GAD) du Resident Assessment Instrument (RAI) que ce soit dans sa version en institution (Haweset al.; Morris, 1997 et al., 1990) ou au domicile (Landiet al., 2000). Les GAD reprennent 18 situations cliniques qui cou-vrent la majeure partie des domaines qui donnent lieu à des interventions L’ANAESdans les établissements de soins de longue durée destinés aux personnes propose quelques âgées (Morriset al., 2002). Bien que ce recommandations manuel n’ait pas pour vocation de pro-duire des RPC mais plutôt une liste de aisément accessibles contrôle des signes à rechercher et sur Internet pour actions à entreprendre, il pourrait la prise en chargeservir de canevas pour l’élaboration de règles de diagnostic et de prise en de problèmes charge des grands problèmes soma-gériatriques. tiques mais aussi psychiques et sociaux les plus fréquemment rencontrés en gérontologie, comme l’incontinence, les troubles cognitifs, la perte d’autonomie dans les activités de la vie quotidienne ou la défaillance du système d’aide informelle. Enfin, la réflexion doit s’élargir à l’appli-cation de la « Médecine fondée sur les preuves » (Evidence Based Medicinepour les anglophones) à la prise en charge des patients âgés. Est-elle possible, est-elle même souhaitable ?
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Comme pour tout domaine des soins, l’éva-luation en gérontologie peut porter sur la
2. http ://www.anaes.fr
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structure, les processus ou les résultats (Donabedian, 1988). L’évaluation des pro-cessus s’attache à la façon dont les actions sont entreprises, par rapport à un référen-tiel (par exemple un protocole de soins d’escarres) dans une perspective d’évaluation normative, mais aussi à la façon dont les acteurs interagissent et aux liens entre ces actions et le résultat des soins dans une perspective de recherche évaluative. L’éva-luation des processus se heurte à une limite majeure : la relation entre qualité du processus et qualité du résultat n’est pas toujours évidente (Michelet al., 2000). Ils sont cependant parfois le seul niveau possible ou pertinent de l’évaluation, notamment lorsque l’attente de la mesure des résultats d’une intervention demanderait un temps d’observation beaucoup trop long.
L’évaluation des résultats s’attache à mettre en évidence les effets, positifs et négatifs, de l’intervention (par exemple la prévalence des escarres dans l’établisse-ment), à les comparer à des objectifs ou normes de résultats dans une perspective d’évaluation normative, mais aussi à prouver l’efficacité et l’efficience de l’intervention dans l’obtention de ces résultats. Spector et Mukamel (1998) ont montré les limites des indicateurs de résultat pour apprécier la qualité des soins en institution. Ils souli-gnent en particulier la difficulté à isoler l’effet de la structure des effets liés au rési-dent (notamment les effets de sélection à l’entrée) et le manque de puissance statis-tique pour mettre en évidence des événe-ments indésirables rares ou dans de petites structures.
Quel schéma d’étude ? En recherche évaluative la difficulté fonda-mentale concerne l’imputabilité des résultats observés à l’intervention, dans un contexte de polypathologie et d’intervention complexe (Campbellet al., 2000). Le degré de preuve le plus convaincant est obtenu à partir d’essais contrôlés randomisés, qui soulèvent à la fois des problèmes éthiques et techniques. Des essais d’amélioration de la qualité des soins en institution ont néanmoins pu être menés
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selon cette méthode (Rantzet al., 2001). Plusieurs essais contrôlés ont également été menés pour montrer l’efficacité de l’éva-luation gérontologique standardisée (Stuck et al., 1993) y compris au Québec (Robichaud et al., 2000).
Le problème est particulièrement com-plexe lorsqu’il s’agit d’évaluer les réseaux de santé, qui seront de plus en plus souvent amenés à prendre en charge les personnes âgées, avec le développement des CLIC. L’ANAES (http ://www.anaes.fr) a produit des recommandations pour l’évaluation des réseaux et réalisé un premier état des lieux qui montre les difficultés de mise en œuvre de l’évaluation sur le terrain. En ce qui concerne la qualité des résultats attri-buables à l’organisation en réseau, bien que l’ANAES précise qu’« il n’est pas justifié de demander ce type d’évaluation à tout réseau de santé », il nous paraît important d’essayer de mettre en évidence de façon scien-tifiquement rigoureuse l’efficacité du fonc-tionnement en réseau. La comparaison avant/après de la population desservie par le réseau pour un certain nombre d’indica-teurs de résultat apporte des éléments de réponse, mais soulève le problème de l’im-putation des effets observés, positifs ou négatifs, à l’organisation en réseau. En effet, ce mode de comparaison ne permet pas d’exclure des effets liés à la mise en œuvre concomitante d’autres interventions, non liées au réseau, comme la montée en charge de l’attribution de l’APA et la mise en place de la réforme de la tarification des EHPAD. L’application des méthodes expé-rimentales et quasi-expérimentales pour évaluer l’apport de l’organisation en réseau par rapport à l’absence de réseau est beau-coup plus convaincante mais elle soulève d’énormes problèmes méthodologiques, notamment la difficulté de constituer un groupe témoin réellement comparable. La randomisation n’est guère envisageable au niveau des individus pris en charge (phéno-mènes de contamination) ni au niveau des professionnels (l’adhésion au réseau est un acte volontaire). Les méthodes qualitatives issues des sciences humaines apportent un regard complémentaire indispensable notam-ment pour comprendre les logiques de fonctionnement à l’intérieur du réseau.
Quels indicateurs de la qualité des soins aux personnes âgées ?
L’évaluation de la qualité des soins soulève aussi la question des indicateurs adaptés à la population âgée prise en charge. Les indica-teurs de processus posent peu de problèmes spécifiques à la gérontologie, en dehors de la difficulté dans certains cas à assurer leurs propriétés métrologiques, comme discuté plus bas. Les indicateurs de résultat des soins traditionnellement utilisés incluent la mortalité, la morbidité, l’incapacité, l’incon-fort ou la qualité de vie, et la satisfaction, bien que certains auteurs considèrent que cette dernière est aussi une composante inté-grale de la structure et du processus (Meister et Boyle, 1996).
Le mortalité est clairement inadaptée à l’évaluation de la plupart des situations de prise en charge des patients âgés dont l’espé-rance de vie est limitée. Elle peut entrer en ligne de compte dans le cadre de soins aigus, par exemple pour évaluer le résultat de la réanimation après chirurgie cardiovas-culaire. Mais même dans ce cas, de bons résultats à court terme peuvent être trom-peurs, en repoussant le décès à la phase des soins de suite, au prix souvent d’une altéra-tion considérable de la qualité des dernières semaines de vie.
La mesure de la morbidité pose elle aussi le problème de sa perti-nence. La guérison est souvent illu-soire voire impossible dans nombre de maladies liées au vieillissement, comme la démence. Les mesures de qualité de vie et d’autonomie fonctionnelle sont plus adaptées dans ce cas, avec les réserves sur leur fiabilité évoquées plus haut.
La satisfaction est considérée par Donabedian (1988) comme l’ultime phase de la qualité des soins. Elle con-cerne la personne recevant les soins mais également son entourage, notam-ment dans le cadre de soins au domi-cile, et les acteurs impliqués dans la délivrance des soins. Très peu de travaux ont concerné la mesure de la satis-faction de patients âgés pris en charge dans des unités de soins de longue durée ou au domicile (Grantet al.; Moxey, 1996 et al.,
Très peu de travaux ont concerné
la mesure de
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dans des unités
de soins de
longue durée
ou au domicile.
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3. www.hospitalreport.ca 4. http ://www1.oecd.org/publications/e-book/8102012E.PDF
2002). Une étude québécoise menée en hôpital gériatrique a mis en évidence que les patients, leurs familles et le personnel n’accordaient pas le même ordre d’impor-tance à différents domaines des soins (Meister et Boyle, 1996). Cependant, l’éva-luation de la satisfaction des résidents au moyen d’un questionnaire structuré se heurte à l’impossibilité d’assurer un recueil fiable chez les patients dont les fonctions cognitives sont trop altérées. Quel que soit leur type, les indicateurs doivent être fiables, valides, pertinents pour le problème posé et leur mesure doit être réalisable. Les propriétés métro-logiques des indicateurs vérifiées sur Des outils proposésdes populations jeunes peuvent ne plus être assurées pour des patients au niveau international plus âgés. Comment mesurer la dou-permettent à partir leur, la qualité de vie, la satisfaction de personnes détériorées sur le plan cogni-d’un recueil de tif ? Les recherches sur la mesure de données standardisé la qualité de vie des déments menées de fournir en routineRéseauentre autres au sein du fédératif de recherche « Santé, Vieil-des indicateurs de lissement, Société » pourraient trouver processus et de là un important domaine d’application (Novellaet al., 2001). Des outils résultat des soins aux d’hétéro-évaluation de la douleur exis-personnes âgées. tent, comme Doloplus ©. Par ailleurs une étude canadienne a démontré que la variable la plus associée à la qualité des soins, au niveau individuel, était le niveau de fonctionnement cognitif (Bravoet al., 1999). Il importe donc d’être parti-culièrement vigilant sur la qualité des soins apportés à ces personnes âgées qui peuvent difficilement manifester leur inconfort ou leur insatisfaction. Des méthodes qualita-tives comme la technique des incidents cri-tiques ont été utilisées au Canada pour générer des indicateurs de qualité des soins à partir des événements positifs ou négatifs ressentis et rapportés par les résidents âgés (Grantet al., 1996). Des outils proposés au niveau interna-tional permettent à partir d’un recueil de données standardisé de fournir en routine des indicateurs de processus et de résultat des soins aux personnes âgées. Par exemple, le RAI permet le recueil de données
décrivant la situation administrative et sociale du résident, ses habitudes de vie antérieure et son état de santé dans 17 domaines de soins, à l’admission puis tous les trimestres. Ces données constituent le « Minimum de don-nées standardisées » (Minimal Data Set – MDS) à partir duquel peuvent être calculés 24 indicateurs de processus ou de résultat (Zimmerman, 2003). Ces indicateurs décri-vent la fréquence de différents événements indésirables comme la prévalence des chutes (indicateur de résultat) ou l’utilisation de contention physique (indicateur de proces-sus). Ces indicateurs sont calculés couram-ment aux États-Unis et dans deux provinces 3 canadiennes ainsi que dans d’autres pays comme le présente un rapport récent de l’Organisation de coopération et de dévelop-4 pement économique (OCDE) . En France, suite à l’introduction du RAI en 1995 sous l’impulsion du Pr Henrard, ces indicateurs ont été calculés et analysés sur un échantil-lon d’établissements (Henrardet al., 2000 ; Motyet al., 2003). Le RAI, de par ses caracté-ristiques (recueil régulier de données, analyse et élaboration d’un plan de soins adapté, calcul d’indicateurs, prise de décision rapide, etc.), pourrait être considéré comme un système de « résident-vigilance » au milieu d’un système d’information intégré.
Pour faciliter l’interprétation des résultats des indicateurs comme mesure de la qualité des soins, la comparaison à un « gold stan-dard » est souhaitable. Cependant, il n’en existe pas dans ce domaine de la qualité des soins en dehors des événements sentinelles pour lesquels la valeur doit être nulle. Fixer des seuils absolus pertinents, acceptables et réalistes pour la qualité des soins aux per-sonnes âgées nécessite une revue de la litté-rature et/ou un consensus d’experts. Des seuils ont ainsi été proposés et mis à jour pour les indicateurs tirés du MDS, avec comme double objectif de fixer des seuils de haute qualité mais accessibles de façon à encourager les établissements à améliorer la qualité des soins (Rantzet al., 2000).
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Quelle valeur souhaitable pour les indicateurs ?
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À partir des indicateurs de qualité des soins aux personnes âgées, il est tentant d’effectuer du « benchmarking » (Moret al., 2003) ou parangonage et de produire un classement des établissements. Cependant, il n’y a qu’une faible corrélation entre les différents indicateurs de qualité : ainsi des établissements très performants dans un domaine s’avèrent beaucoup moins perfor-mants dans d’autres, soulignant l’intérêt de s’inspirer des expériences des établisse-ments obtenant les meilleurs résultats pour proposer des démarches d’amélioration de la qualité aux autres.
La comparaison entre structures se heurte aussi au manque de comparabilité des popu-lations hébergées et donc à la nécessité d’ajuster les indicateurs pour tenir compte des facteurs de risque liés aux patients qui peuvent expliquer le niveau de l’indicateur (par exemple les patients grabataires ont un risque plus élevé d’escarre) mais sans refléter un problème de qualité des soins (Motyet al., 2003).
Conclusion L’évaluation de la qualité des soins aux personnes âgées est d’autant plus indispen-sable qu’il s’agit d’une population nom-breuse, fragile, et qui peut difficilement exprimer ses besoins et ses attentes. De nombreuses difficultés méthodologiques
subsistent, mais aussi des réticences sociologiques, notamment en France où la culture de l’évaluation n’est pas encore bien ancrée dans les habitudes professionnelles.
La démarche d’évaluation est néces-sairement pluridisciplinaire, faisant appel aux méthodes quantitatives tirées de l’épidémiologie mais aussi de l’économie, conjointement avec une approche plus qualitative apportée par la sociologie et la psychologie. Il faut développer la recherche méthodolo-gique notamment sur les relations entre processus et résultats, et sur l’ajustement sur les caractéristiques des résidents. L’évaluation médico-économique prend de plus en plus d’importance dans un contexte de restrictions budgétaires croissantes, pour éviter des dérives amenant à une diminu-tion de la qualité de la prise en charge.
La mise en œuvre et l’évaluation de démarches d’amélioration de la qualité des soins aux personnes âgées devraient être l’un des champs privilégiés de la coopéra-tion franco-québécoise en gérontologie, grâce aux compétences que réunissent les différentes équipes impliquées et à l’enri-chissement mutuel apporté par nos deux cultures et nos expériences différentes.
Bibliographie Bravo G., De Wals P., Dubois M.F., Charpentier M. (1999). Correlates of care quality in long-term care facilities: a multilevel analysis,Journal of Gerontology: Psychological Sciences: 180-8., 54B Campbell M., Fitzpatrick R., Haines A.et al.(2000). Framework for design and evaluation of complex interventions to improve health,BMJ: 694-6., 321 Contandriopoulos A.P., Champagne F., Denis J.L., Avargues M.C. (2000). L’évaluation dans le domaine de la santé : concepts et méthodes,Revue d’épidémiologie et santé publique, 48 : 517-39. Donabedian A. (1988). The quality of care: how can it be assessed?Journal of the American Medical Association: 1743-8., 260 Grant N.K., Reimer M., Bannatyne J. (1996). Indicators of quality in long-term care facilities, International Journal of Nursing Studies, 33 : 469-78. Hawes C., Morris J.N., Phillips C.D.et al.(1997). Development of the nursing home Resident Assessment Instrument in the USA,Age and Ageing, 26, Suppl. 2 : 19-25.
L’évaluation médico-
économique prend
de plus en plus
d’importance dans
un contexte de
restrictions budgétaires
croissantes, pour
éviter des dérives
amenant à une
diminution de la qualité de la prise en charge.
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Évaluation de la qualité des soins et des services à domicile
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HORS SÉRIE, 2003
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