14-18. Quelles traces de pacifisme dans l'Ille-et-Vilaine en Guerre ? - article ; n°2 ; vol.99, pg 169-200

Patrick Mougenet

Description

Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest - Année 1992 - Volume 99 - Numéro 2 - Pages 169-200
After everybody eventually agreed to the idea of the war in 1914, how were the populations of Ille-et-Vilaine to react to a protracted conflict and its grievous and painful aftermath.?
Such a question is worth raising given the heterogeneous populations involved in the conflict and the common behavious that those exceptional circumstances imposed upon them. And yet, never - or nearly never - did any firm, massive, organised refusal of the warring effort occur ; and this is all the more striking as those populations were different (workers, peasants, women, foreigners, refugees...) and their wishes were conflicting - as far as we can reckon what they were given the restricted freedom of action and of thought that they were granted.
Après le ralliement général à l'idée de guerre en 1914, quelle allait être l'attitude des populations d'Ille-et-Vilaine devant l'allongement du conflit et son cortège de lourdes et pénibles conséquences ?
La question mérite d'être posée au regard de l'hétérogénéité des populations impliquées dans le conflit et la ligne de conduite commune que leur impose cet état d'exception. Toutefois, si diverses soient-elles - le monde ouvrier, le monde rural, les femmes, les étrangers, les réfugiés etc... — et aussi dissemblables soient leurs aspirations, malgré l'étroite marge de liberté d'action et dépensée qui leur est laissée, à aucun moment on ne peut déceler chez ces populations, à quelques nuances près, un rejet sérieux, massif ou organisé de l'effort de guerre.
32 pages

Informations

• Publié par: ANNALES_DE_BRETAGNE_ET_DES_PAYS_DE_L-OUEST
• Publié le: 01 janvier 1992
• Nombre de lectures: 18
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Patrick Mougenet
14-18. Quelles traces de pacifisme dans l'Ille-et-Vilaine en
Guerre ?
In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 99, numéro 2, 1992. pp. 169-200.
Abstract
After everybody eventually agreed to the idea of the war in 1914, how were the populations of Ille-et-Vilaine to react to a
protracted conflict and its grievous and painful aftermath.?
Such a question is worth raising given the heterogeneous populations involved in the conflict and the common behavious that
those exceptional circumstances imposed upon them. And yet, never - or nearly never - did any firm, massive, organised refusal
of the warring effort occur ; and this is all the more striking as those populations were different (workers, peasants, women,
foreigners, refugees...) and their wishes were conflicting - as far as we can reckon what they were given the restricted freedom of
action and of thought that they were granted.
Résumé
Après le ralliement général à l'idée de guerre en 1914, quelle allait être l'attitude des populations d'Ille-et-Vilaine devant
l'allongement du conflit et son cortège de lourdes et pénibles conséquences ?
La question mérite d'être posée au regard de l'hétérogénéité des populations impliquées dans le conflit et la ligne de conduite
commune que leur impose cet état d'exception. Toutefois, si diverses soient-elles - le monde ouvrier, le monde rural, les femmes,
les étrangers, les réfugiés etc... — et aussi dissemblables soient leurs aspirations, malgré l'étroite marge de liberté d'action et
dépensée qui leur est laissée, à aucun moment on ne peut déceler chez ces populations, à quelques nuances près, un rejet
sérieux, massif ou organisé de l'effort de guerre.
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Mougenet Patrick. 14-18. Quelles traces de pacifisme dans l'Ille-et-Vilaine en Guerre ?. In: Annales de Bretagne et des pays de
l'Ouest. Tome 99, numéro 2, 1992. pp. 169-200.
doi : 10.3406/abpo.1992.3426
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1992_num_99_2_342614-18. Quelles traces de pacifisme
dans rille-et- Vilaine en guerre ?
par Patrick Mougenet
Après le ralliement général à l'idée de guerre en 1914, quelle allait être
l'attitude des populations d'Ille-et-Vilaine devant l'allongement du conflit et
son cortège de lourdes et pénibles conséquences ?
La question mérite d'être posée au regard de l'hétérogénéité des populations
impliquées dans le conflit et la ligne de conduite commune que leur impose cet
état d'exception. Toutefois, si diverses soient-elles - le monde ouvrier, le monde
rural, les femmes, les étrangers, les réfugiés etc.. — et aussi dissemblables soient
leurs aspirations, malgré l'étroite marge de liberté d'action et dépensée qui leur
est laissée, à aucun moment on ne peut déceler chez ces populations, à quelques
nuances près, un rejet sérieux; massif ou organisé de l'effort de guerre.
After everybody eventually agreed to the idea ofthe war in 1914, how were the
populations of Ille-et-Vilaine to react to a protracted conflict and its grievous
and painful aftermath.?
Such a question is worth raising given the heterogeneous populations involved
in the conflict and the common behavious that those exceptional circumstances
imposed upon them. And yet, never - or nearly never - did any firm, massive,
organised refusai of the warring effort occur ; and this is ail the more striking as
those populations were différent (workers, peasants, women, foreigners, refu-
gees...) and their wishes were conflicting - as far as we can reckon what they were
given the restrictedfreedom of action and ofthought that they were granted.
La présence ou l'absence de pacifisme dans un pays en guerre sont le plus sou
vent posées en fonction de l'éventuelle action de milieux supposés militants, tels le
monde politique, le monde ouvrier ou le monde intellectuel. Pour faire un parai- ANNALES DE BRETAGNE 170
lèle, ne serait-ce pas là réduire l'évocation de « 14-18 » aux seules images des taxis
de la Marne, de Verdun ou plus globalement d'une histoire-bataille ? La majorité
de la population d'un pays en état de guerre vit, pense, et , même par son inaction,
s'exprime sur un conflit qui la concerne et dans lequel elle est directement impli
quée. « II faut mettre l'accent sur ce qui est au cœur de l'explication
historique : l'opinion publique, les mentalités. Il faut chercher pourquoi les
Français ont accepté l'événement »'.
Ainsi, entre 1914 et 1918 en Ille-et-Vilaine, un département situé à l'arrière tant
par la distance kilométrique qui le sépare du front que par le fossé psychologique
qui isole ses habitants des soldats des zones de combat, on peut exposer une vue
globale de l'opinion publique, mais encore une vue plus éclatée, plus originale, en
tout cas plus rarement présentée.
Août 1914 : la population du département consent rapidement et sans grande
réticence à entrer dans un conflit dont elle estime le caractère « juste » et l'issue
proche. Une fois les premières surprises de l'été et de l'automne passées (mobilisa
tion ; résistance allemande, donc prolongement du conflit ; effets inattendus de la
désorganisation économique...), la population apprend, dès 1915, à vivre dans les
cadres nouveaux et déjà permanents que sont les œuvres de guerre et le paysage de
l'arrière, modelé par l'arrivée massive de soldats blessés et de réfugiés. Ces nou
velles structures qui véhiculent une idéologie de propagande - l'effort nécessaire
de l'arrière pour le front et pour la victoire - s'intègrent, avec d'autres, si rapidement
et si profondément qu'en 19171a crise générale n'est en Ille-et-Vilaine - et en rap
port avec le reste des départements français - que pressentie ; qu'en 1918 encore, le
visage des défaites du printemps est voilé par une attitude de confiance qui ira sans
discontinuer, jusqu'à la victoire2.
Toutefois, si le fléchissement général du moral se répercute effectivement en
douceur dans le département, il faut envisager cette population qui a « tenu » non
en un bloc unique mais en une mosaïque de communautés dont les attentes sont
dissemblables, pour qui la guerre est différemment perçue, vécue et subie. Chez
ces populations quotidiennement confrontées à l'état de guerre et son cortège de
conséquences - souffrances morales, restrictions matérielles... - on ne trouve pas
de réelles traces de pacifisme même si l'on sent, ici ou là, ponctuellement et sans
caractère durable ou, collectif, des comportements qui ressembleraient à une
remise en cause timide de l'effort qui leur est demandé. Il nous faut envisager les
éléments structurels et conjoncturels qui ont fait que, malgré des données parfois
favorables à un type d'action pacifiste, ces populations n'ont jamais pu, su ou voulu
se dégager de la ligne imposée par l'état de guerre. L'on pourra ainsi distinguer
l'évolution de groupes d'ordinaire bien étudiés parce que les sources, produites par
la crainte et donc la prolifération de rapports en tous genres, abondent : le milieu
ouvrier et le milieu intellectuel: D'appréhender ensuite le reste de la population en
tant qu'individus intégrés dans des groupes plus ou moins homogènes qui se
conforment à une normalisation sociale, définie par cet état d'exception qu'est la DE BRETAGNE 171 ANNALES
conjoncture, qui régit chacun d'entre eux. Ainsi les étrangers, les réfugiés, les
femmes ou encore le monde rural.
I - OUVRIERS ET INTELLECTUELS
PENDANT LA GUERRE
Les milieux ouvrier et intellectuel sont des milieux réceptifs, sensibles à l'idée
d'antimilitarisme, puis de paix. C'est pourquoi en temps de guerre ils sont d'autant
plus surveillés par les autorités, civiles et militaires, ce qui, nécessairement, limi
tera leur marge d'action éventuelle.
A. Un monde ouvrier sous tutelle
L'adhésion rapide, l'absence totale de réaction, d'opposition devant les événe
ments de juillet puis d'août 1914 de la part d'un monde ouvrier considéré dans son
ensemble comme « antimilitariste » amène à se poser une question : ce milieu était-
il celui dont on avait le plus à craindre la réaction en cas de guerre V
La