À propos de la Révolution française de François Furet - article ; n°2 ; vol.91, pg 543-553
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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes - Année 1979 - Volume 91 - Numéro 2 - Pages 543-553
Sergio Romano, ~~Un historien italien à propos de la «Révolution française» de François Furet~~, p. 543-553. L'Auteur propose une lecture italienne de l'ouvrage de François Furet, ~~Penser la Révolution française~~, c'est-à-dire une réflexion quant au poids de la Révolution française sur l'Histoire et les mentalités italiennes. Il pose en principe que l'idéologie de cette Révolution était profondément étrangère aux réalités sociales et à la culture italienne, voire antithétique, par une répulsion profonde de l'Italie à la tyrannie du logos, et contre laquelle l'Église italienne elle-même avait fini par s'organiser. Dans ce milieu spécifique, le modèle français n'a pas de pertinence et n'en a jamais eu. A la révolution, l'Italie oppose l'hypertension idéologique qui est la recherche d'un débat idéologique permanent contre l'affirmation d'une vérité politique immanente. A la lumière de cette méditation, l'auteur ouvre des aperçus très nouveaux sur la société italienne contemporaine.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 44
Langue Français

Extrait

Sergio Romano
À propos de la Révolution française de François Furet
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 91, N°2. 1979. pp. 543-553.
Résumé
Sergio Romano, Un historien italien à propos de la «Révolution française» de François Furet, p. 543-553.
L'Auteur propose une lecture italienne de l'ouvrage de François Furet, Penser la Révolution française, c'est-à-dire une réflexion
quant au poids de la Révolution française sur l'Histoire et les mentalités italiennes. Il pose en principe que l'idéologie de cette
Révolution était profondément étrangère aux réalités sociales et à la culture italienne, voire antithétique, par une répulsion
profonde de l'Italie à la tyrannie du logos, et contre laquelle l'Église italienne elle-même avait fini par s'organiser. Dans ce milieu
spécifique, le modèle français n'a pas de pertinence et n'en a jamais eu. A la révolution, l'Italie oppose l'hypertension idéologique
qui est la recherche d'un débat idéologique permanent contre l'affirmation d'une vérité politique immanente. A la lumière de cette
méditation, l'auteur ouvre des aperçus très nouveaux sur la société italienne contemporaine.
Citer ce document / Cite this document :
Romano Sergio. À propos de la Révolution française de François Furet. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-
Age, Temps modernes T. 91, N°2. 1979. pp. 543-553.
doi : 10.3406/mefr.1979.2510
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5110_1979_num_91_2_2510HISTORIOGRAPHIE
SERGIO ROMANO
À PROPOS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
DE FRANCOIS FURET
Je n'ai pas pu lire le livre de François Furet (Penser la Révolution fran
çaise, Paris, Gallimard, 1978) comme un essai sur l'histoire de la France. Mal
gré mes efforts pour le considérer avec détachement et objectivité, j'étais
sans cesse reconduit par voies directes et indirectes à l'histoire de l'Italie et
à celle de son historiographie. À mon grand dépit, je ne pouvais m' empêcher
de confondre et de superposer deux réalités différentes en me posant des
questions qui ricochaient d'un pays à l'autre, comme dans un jeu de miroirs.
Lu à plusieurs niveaux comme livre «français» et comme livre «italien», Pen
ser la Révolution française s'est pour ainsi dire décomposé entre mes mains,
me laissant aux prises avec une série de réflexions qui concernent l'histoire
de l'Italie plus que l'histoire de la France.
VlVREJET IMAGINER LA RÉVOLUTION
Les premières sont d'ordre historiographique. En récupérant dans une
nouvelle perspective les analyses de Tocqueville et de Cochin, François Furet
saisit la Révolution française au croisement entre continuité et rupture,
entre un processus qui s'étend sur quelques siècles d'histoire (Tocqueville)
et les temps courts d'un phénomène dialectique qui se développe pendant
quatre ans d'hypertension révolutionnaire (Cochin). Avec une capacité de
synthèse exemplaire, il répond à quelques préoccupations de l'historiogra
phie contemporaine et propose à notre attention une révolution différente.
Sa polémique passionnée contre les interprétations marxistes m'a paru
moins intéressante - car, peut-être, je la partage entièrement - que la façon
dont il a su fondre dans une même histoire des matériaux hétérogènes : les
faits sociaux et politiques du pays, avec leur évolution lente, et la représentat
ion imaginaire que quelques hommes imposent à la réalité en amorçant le
processus révolutionnaire. En juxtaposant Tocqueville et Cochin, le livre de
François Furet prouve, entre autre, que le monde des idées et celui des cho- SERGIO ROMANO 544
ses peuvent se tourner le dos pendant de longues périodes en obéissant en
toute autonomie à des critères qui leur sont propres. Les révolutionnaires
français «pensent» (ou imaginent) une réalité française bien différente de
celle que nous croyons pouvoir reconstruire aujourd'hui à l'aide des inte
rprétations de Tocqueville. Et la réalité refuse la représentation des idéolo
gues, s'entêtant à poursuivre avec une lenteur obtuse ses propres objectifs.
L'imagination peut marquer les choses et en changer subitement le cours.
Mais de même qu'un fleuve contourne l'obstacle et retrouve son lit à quel
ques kilomètres de distance, de même les choses retrouvent après quelques
années leur marche naturelle. Qu'est-ce que la revanche de la société après
Thermidor si ce n'est la revanche des choses sur leur représentation imagi
naire? Les hommes - observe François Furet, particulièrement sensible à cet
adage marxien - font l'histoire mais ne savent pas l'histoire qu'ils font. Cert
es, le lit retrouvé et l'eau qui y coule ne sont qu'apparemment ceux d'avant.
Bien que distincte de la réalité la représentation imaginaire devient à un cer
tain moment part intégrante de la réalité elle-même. Les hommes ignorent
l'histoire dont ils sont les protagonistes, mais leurs convictions sont elles-
mêmes, dans une certaine mesure, des « choses ». Une paire de lunettes peut
nous rendre une vision déformée de la réalité; mais si l'homme qui les porte
agit en conséquence et accepte cette réalité déformée comme critère pour
ses mouvements et ses actions, les lunettes sont, elles aussi, «réalité». La
révolution est le moment où la déformation optique prévaut et s'impose sur
toute autre perspective, le moment où la réalité pensée et imaginée par les
idéologues cache les choses sous un épais rideau de mots. Pour la France, ce
moment se place à la fin des années 80 du XVIIIe siècle sur un lieu élevé
dont Tocqueville et Cochin ont étudié les deux versants opposés : celui doux
et lent des choses, celui bref et brusque des mots.
Rendre la Révolution française à la France
Deux versants français. Dépouillée de ses déguisements marxistes, déli
vrée enfin de ce rôle contraignant qui l'obligeait à prophétiser par des
accents bibliques l'avènement du messie révolutionnaire de l'Octobre rouge,
la «Grande Révolution» est ainsi rendue au pays qu'on appelle France car
c'est ici, et non ailleurs, que les courbes longues et les courbes brèves d'un
itinéraire national et territorial se sont croisées, un an du XVIIIe siècle.
Comme le dit implicitement François Furet dès les premières pages de son
essai, cette «restitution» est à son tour une révolution historiographique
puisque 1789 n'est plus l'année ab urbe condita ou ab urbe deleta d'où
découle l'histoire contemporaine, mais seulement une date importante dans À PROPOS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE DE FRANÇOIS FURET 545
une chronologie polycentrique. Bien que François Furet lui-même, comme
nous verrons plus loin, attribue à la Révolution française un caractère uni
que et universel («la première expérience de la démocratie», p. 109) tous les
arguments de son essai me semblent exclure cette représentation linéaire de
l'histoire pour qui la Révolution française est un point d'arrivée et de départ.
Ce «déclassement» intéresse tout l'Occident, mais, en particulier, les
pays dont l'histoire nationale, d'après une périodisation généralement accept
ée, commence justement en juillet 1789. Je pense à l'Allemagne et surtout à
l'Italie qui, à la fin du XVIIIe siècle connaissait des conditions radicalement
différentes de celles de la France. Pourquoi faudrait-il prendre comme
moment initial de son histoire contemporaine un événement qui ne fut pré
paré, dans la péninsule, ni par la courbe lente de Tocqueville ni par celle de
Cochin, brève et brusque? Pourquoi faudrait-il diviser son histoire selon des
catégories qui ne lui appartiennent pas et par cela assujettir toute sa vie
nationale à une mesure impropre? Développée jusqu'à ses extrêmes consé
quences la thèse du livre de Furet sanctionne la fin de deux hégémonies
complémentaires : celle

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