À propos du triomphe du Christianisme - article ; n°1 ; vol.14, pg 277-345
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Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1988 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 277-345
69 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Monsieur Yvon Thebert
À propos du "triomphe du Christianisme"
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 14, 1988. pp. 277-345.
Citer ce document / Cite this document :
Thebert Yvon. À propos du "triomphe du Christianisme". In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 14, 1988. pp. 277-345.
doi : 10.3406/dha.1988.1793
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1988_num_14_1_1793DHA 14 1988 277-345
A PROPOS
DU "TRIOMPHE DU CHRISTIANISME"
Yvon THEBERT
Centre d'Histoire Urbaine.
ENS de Fontenay-Saint-Cloud
Cette étude ne se présente pas comme une tentative d'éclairer
le christianisme de l'intérieur, en mettant en évidence la logique
interne qui pousse à son éclosion et à son affirmation. Bien au
contraire, il s'agit ici de jeter un regard essentiellement externe sur ce
phénomène en proposant quelques suggestions sur la manière dont il
s'articule avec la société dans laquelle il s'insère. Cette façon
d'aborder une religion, en reléguant au second plan ses valeurs
intrinsèques et en privilégiant avant tout des facteurs indépendants de
sa propre nature, n'a rien qui doive surprendre : c'est, au contraire, la
vision si courante d'un christianisme conçu comme une force
autonome, capable d'infléchir l'histoire en informant les esprits, la
nature du pouvoir politique et même les pratiques économiques, qui
apparaît surprenante. L'étude du christianisme, comme celle de toutes
les religions, relève de l'histoire des mentalités et rien n'autorise, dans
son cas, à inverser les rapports de cause à effet qui valent pour
d'autres sectes. Nul doute que ses potentialités interviennent dans son
succès, mais le rapport dialectique qui l'unit à la société dans laquelle
il se développe le place dans une situation subordonnée ; bien plus, il
conditionne sa propre nature. Le christianisme comme produit d'un
système, celui du Bas-Empire, tel est l'essentiel de ce propos. YVONTHEBERT 278
I - LES DONNEES DU PROBLEME
Sous ce titre, il s'agit de poser, ou éliminer, quelques
questions préliminaires. La première d'entre elles concerne
l'historicité de la personne de Jésus. Il s'est, à ce sujet, créé une
opinion dominante qui prône l'acceptation de l'existence réelle du
personnage. En fait, cette affirmation ne repose sur aucun fait précis,
et la thèse mythiste est souvent récusée un peu trop rapidement. La
question me semble même devoir être résolue de façon encore plus
radicale : l'historicité de Jésus n'est pas un problème historique, car
nous ne disposons d'aucune donnée pour le poser. Aucun témoignage
contemporain, aucune trace de quelque nature qu'elle soit : sur quelle
base peut-on conduire l'enquête ? Si l'on récuse la thèse mythiste, on
ne peut que rechercher le support concret qui se cache derrière la
version des textes postérieurs, car nous ne disposons de rien d'autre.
Mais alors, que faut-il chercher ? Que faut-il même imaginer ? Un
homme qui fait des miracles et qui ressuscite ? Evidemment non,
mais il n'y a pas grand-chose d'autre dans les textes. Doit-on alors
chercher à restituer, au travers de ceux-ci, une ambiance dans laquelle
aurait pu évoluer une forte personnalité ? Mais le flou de l'enquête
devient dangereusement fécond : nombreux sont ceux qui ont dû
correspondre à cette réalité, à cette fermentation bien attestée durant
une période qui déborde d'ailleurs largement l'arc de temps
lequel sont censés se produire les événements pris ici en considération
("Nombreux sont les fanatiques et les imposteurs qui se donnent pour
envoyés d'en haut en qualité de Fils de Dieu." Celse, 10 ; trad. L.
Rougier ; cf. aussi 86). Bref, nous ne savons rien de consistant sur
ce que nous devrions chercher : et c'est bien pourquoi, à juste titre,
chacun se dispense en fait de l'enquête, du moins d'une enquête qui
prendrait des formes rationnelles. A l'époque où nous nous trouvons,
aucun personnage historique de quelque importance n'a laissé aussi
peu de trace matérielle, ou même, plus simplement, n'a été aussi peu
enregistré par des documents dont la nature diffère de celle
d'apologies postérieures. Dans ces conditions, que la thèse mythiste
soit vraie ou fausse importe relativement peu : des grands événements
qui correspondraient aux origines du christianisme, nous ne
connaissons absolument rien.
C'est donc la construction idéologique qui, seule, est objet
historique. La constatation est d'importance : il ne s'agit plus de
travailler sur l'impact d'une révélation, mais sur la lente élaboration
d'une doctrine, démarche qui est loin de s'imposer aussi clairement
qu'elle le devrait. Le christianisme n'est pas le développement linéaire
d'un dogme qui serait apparu à une date bien précise, mais invention
progressive, au sens riche du terme. La doctrine existe par elle-même, D'HISTOIRE ANCIENNE 279 DIALOGUES
de façon autonome par rapport à d'éventuels événements vis-à-vis
desquels elle serait, de toute façon, tellement décalée que ceux-ci
offrent peu d'intérêt pour rendre compte de ce que va devenir le
christianisme. La doctrine n'a pas besoin d'un support concret : ce
qui l'intéresse n'appartient pas au réel. L'historien ne peut rechercher
qu'un individu précis, pratiquant la magie et formulant de façon
efficace des pensées fort répandues par ailleurs. Même si cette quête
était positive, cela aurait peu d'intérêt pour l'histoire du christianisme,
doctrine qui construit un personnage d'une envergure sans commune
mesure avec ce que la recherche scientifique peut atteindre. Chercher
les traces de Jésus est un acte de foi, non une attitude de chercheur,
car même si l'on parvenait à trouver un homme, aucun croyant ne
pourrait y reconnaître la figure qu'il imagine, celle qui fonctionne au
niveau idéologique. Dans ces conditions, la thèse mythiste n'est pas
forcément plus faible que la thèse d'une cristallisation sur quelques
épisodes concrets qui n'auraient, en fait, aucun rapport avec la
religion chrétienne telle qu'elle s'est construite. Jésus ne marche pas,
il s'avance comme une révélation ou il déambule sur l'eau ; il ne
mange pas, il initie à la communion ; il ne meurt pas, il entreprend la
première étape de sa résurrection. Il en résulte que, à l'inverse des
traditionnelles écoles philosophiques, le christianisme, quoi qu'il
prétende, n'est nullement fondé sur un enseignement précis et daté,
qu'il s'agit de discuter, de défendre, d'expliquer. La démarche est
inverse : au départ, il n'y a rien, et tout est construction, laquelle,
bien entendu, prendra des formes multiples et contradictoires (1).
Un autre problème est de saisir ce que le christianisme
apporte de nouveau, dans la mesure où il est traditionnellement conçu
comme une rupture. Le premier élément de réponse est son
monothéisme affiché. Le fait est moins original qu'il n'apparaît au
premier abord : il est précédé par la tradition juive et il recoupe une
vieille pratique païenne qui a toujours consisté à établir des
équivalences entre les diverses divinités et à élaborer ainsi un
panthéon cohérent et universaliste, au-delà des spécificités régionales.
Ce mouvement a pris une telle ampleur à l'époque qui nous intéresse
que l'on débouche, dans la pensée religieuse la plus courante, non
seulement sur l'idée d'un panthéon commun, mais sur celle d'une
unique divinité dont les autres ne sont plus que des aspects ou des
agents.
Le christianisme présente cependant quelques traits
spécifiques. Vis-à-vis du judaïsme, sa dimension universelle semble
s'être très rapidement affirmée, si l'on accepte tout ce que l'on attribue
habituellement à l'action de Paul. Cette évolution n'est pas absolument
sans parallèle dans la pensée judaïque. La démarche de Paul prolonge,
à sa manière, l'attitude d'ouverture du judaïsme alexandrin, de YVONTHEBERT 280
l'auteur de la Lettre d'Aristée, reconnaissant une seule et m&#

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