Administration, politique et société - article ; n°40 ; vol.8, pg 49-70
22 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Administration, politique et société - article ; n°40 ; vol.8, pg 49-70

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
22 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Réseaux - Année 1990 - Volume 8 - Numéro 40 - Pages 49-70
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 59
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pierre Rosanvallon
Editions Le Seuil
Administration, politique et société
In: Réseaux, 1990, volume 8 n°40. pp. 49-70.
Citer ce document / Cite this document :
Rosanvallon Pierre, Editions Le Seuil. Administration, politique et société. In: Réseaux, 1990, volume 8 n°40. pp. 49-70.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1990_num_8_40_1747ADMINISTRATION,
POLITIQUE ET SOCIÉTÉ
Le paradoxe français
Pierre ROSANVALLON
Ce texte est extrait d'un ouvrage qui vient de paraître aux Editions du Seuil sous le
titre «L'Etat en France de 1789 à nos jours» © Le Seuil
49 rent le fonctionnaire moderne sont les
titulaires de postes techniques créés au
XVIIIe siècle. Le corps des Ponts et
Chaussées est par exemple organisé en
1747, avec la mise sur pied d'un con
cours de recrutement et la première
ébauche d'un statut collectif.
La suppression des offices ne s'a
ccompagne dans un premier temps d'au
cune modification du statut des servi
teurs de l'Etat. Seules changent les rè
gles qu'il faut appliquer et l'origine de
leur rémunération, pour les anciens offi
ciers du moins. Les grands principes
affirmés par la Déclaration des droits de
l'homme de 1789 -»Tous les citoyens,
étant égaux aux yeux de la loi, sont
également admissibles à toutes dignitSi 1814 marque un indéniable tour
és, places et emplois publics, selon leur nant, l'instauration d'un gouverne
ment de type représentatif contribuant, capacité et sans autre distinction que
celle de leurs vertus et de leurs talents»- avec l'avènement d'une ère de paix, à
ne reçoivent pas de traduction précise. modifier en profondeur les rapports de
l'Etat et de la société, la transformation Il faut attendre le Directoire, puis l'Emp
ire, pour voir fixé un minimum de des institutions administratives est beau
règles organisant la situation des emcoup plus lente. Avant 1789, il n'y a pas,
au sens strict du terme, de fonction ployés de l'Etat dans certains ministèr
publique. Les principales charges de es. Le 2 thermidor de l'an IX, un arrêté
du ministère de la Guerre stipule ainsi l'Etat sont des offices institués par le roi.
Les officiers emploient certes pour les qu'un secrétaire général doit être payé
seconder de nombreux commis, mais 15 000 francs par an, un chef de division
10 000 ou 12 000 francs, un chef de buceux-ci n'ont aucun statut particulier. Ils
ne se considèrent d'ailleurs pas eux- reau de 5 000 à 8 000 francs, un sous-chef
4 000 ou 4 500 francs, un commis ordimêmes comme des employés de l'Etat. Il
naire de 1 800 à 3 600 francs et un garçon n'y a pas de différence entre eux et les
employés d'un quelconque notaire ou de bureau de 800 à 1 000 francs. Un sys
avocat. Le monde des offices ne repré tème de grades et de classes est instauré
le 21 avril 1809 au ministère de l'Intésente cependant pas la totalité .du ser
vice de l'Etat. Il y a également des comm rieur, et des modalités d'avancement
commencent à être définies (on a pu y issaires, directement nommés par le roi
voir le premier embryon d'un statut des comme les intendants ou les conseillers
d'Etat, et qui sont révocables ad nutum. fonctionnaires). Mais ces textes n'ont en
fait qu'une portée limitée. Ils ne concerIndépendamment des commis employés
nent qu'un petit nombre d'administratdans les ministères et directement payés
par le Trésor royal, mais pour lesquels ions centrales et leur application est
approximative. Les traitements sont aucune règle fixe de promotion ou de
souvent versés irrégulièrement ; on disrecrutement n'existe, les seuls person
nages de l'Ancien Régime qui tribue en outre parfois de la nourriture
51 des vêtements aux employés et quel cette situation sont naturellement les et
ques-uns se voient attribuer un loge employés eux-mêmes. Toute une série
ment, sans qu'aucun critère précis de brochures publiées sous la Restaurat
ion se font l'écho de cette insatisfaction. n'existe. Il n'y a, en outre, aucun texte
Leurs titres sont en eux-mêmes réléva- qui régisse les conditions d'emploi,
même si l'habitude veut qu'un employé teurs : Des employés, des réformes et du
reste en fonction pour une assez longue régime intérieur des bureaux (anonyme,
période, dès lors qu'il a servi au-delà 1817), Le Cri de la justice et de l'humanité
d'un certain minimum. Les promotions en faveur des employés (par Dossion, 1817).
sont peu nombreuses : dans une étude Plus tard, en 1840, un ancien secrétaire
portant sur 4 350 des 5 500 employés de de sous-préfecture, Charles Van Tenac,
ministères ayant servi sous le Directoire, fonde La France administrative, gazette des
on n'a recencé que 6% de cas d'avance bureaux, boussole des administrés sous
forme de feuille mensuelle : c'est la prement (1). Si le droit théorique à une pen
mière publication «syndicale» qui se sion est reconnu dès la loi du 3 août 1 790,
un système de cotisations n'est mis en donne pour objectil de défendre les inté
place que de façon très partielle et pro rêts matériels et moraux des employés
gressive : 1801 pour les employés du de l'Etat. Les préoccupations corporati
ves recoupent pour une part l'inquiéministère de la Guerre, 1806 pour ceux
de l'Intérieur, et 1809 pour ceux de la tude de nombreux publicistes devant la
Police. C'est seulement en 1853 qu'un médiocrité de l'administration, médioc
texte institue un système précis de re rité que la littérature, d'Henri Monnier
traites (cotisation de 5% du salaire don à Balzac, stigmatise avec ironie et vio
nant le droit à une pension à partir de 60 lence. Emile Girardin pouvait ainsi écrire
ans et après 30 années de service). en 1841 dans son essai De l'instruction
publique en France{2) que «la carrière L'œuvre de la Révolution et même
celle de l'Empire restent ainsi très limi administrative est la seule dont les
tées en matière d'organisation de la abords sont livrés sans défense aux
fonction publique. Napoléon s'est sur prétentions de l'ignorance et à la pré
tout attaché à créer une élite administrat somption de l'incapacité». Il est para
doxal de constater que la France - répuive en réformant le Conseil d'Etat, mis
tée terre de tradition étatique - est, au en place par la Constitution de l'an VIII,
en instituant des préfets en 1800 et en milieu du XIXe siècle, dotée d'une
administration moins rationnellement installant la Cour des comptes en 1807.
Mais l'idée est plus d'organiser au organisée et d'administrateurs moins
sommet de l'Etat une force politique et formés qu'en Allemagne, ou même qu'en
sociale au service du régime, et de défi Angleterre. Dès 1727, l'Etat prussien
nir des pôles d'impulsion de l'action (à avait par exemple fondé deux chaires de
travers la création de quelques grandes «caméralistique» (la science de la ges
tion de l'Etat) pour préparer ses admindirections), que de construire une ma
istrateurs à leurs tâches. Le «retard» chine administrative homogène et régul
ière jusqu'à ses niveaux les plus subal français sur l'Allemagne et sur l'Anglet
ternes. Les premiers à se plaindre de erre, patent au début du XIXe siècle,
(1) Etude menée par C. Church, in Revolution and the Red Tape, op. cit.
(2) Qui porte le sous-titre : «Guide des familles, leur indiquant les diverses carrières qu'elles peuvent faire
suivre à leur enfants.»
52 subsiste encore à la fin du siècle. On le ponts et chaussées en 1747, Ecole des
voit très clairement en matière d'organi Mines en 1783. Les corps des Mines et
sation de la fonction publique. La Prusse des ponts et chaussées avaient été mis
établit en 1873 un statut des fonctionnair sur pied à la même époque. La Convent
es, qui leur garantit l'emploi à vie et ion continuait cet effort avec la fonda
codifie très strictement toutes les procé tion du Muséum en 1793 et de l'Ecole
dures d'avancement et de recrutement, polytechnique en 1794. Mais rien n'avait
alors que rien n'est encore régularisé en été organisé pour la formation de

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents