Autour de l orthographe bretonne - article ; n°1 ; vol.60, pg 48-77
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Annales de Bretagne - Année 1953 - Volume 60 - Numéro 1 - Pages 48-77
30 pages

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Publié le 01 janvier 1953
Nombre de lectures 25
Langue Français
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Extrait

Abbé F. Falc'Hun
Autour de l'orthographe bretonne
In: Annales de Bretagne. Tome 60, numéro 1, 1953. pp. 48-77.
Citer ce document / Cite this document :
Falc'Hun F. Autour de l'orthographe bretonne. In: Annales de Bretagne. Tome 60, numéro 1, 1953. pp. 48-77.
doi : 10.3406/abpo.1953.1905
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1953_num_60_1_1905F. FALC'HUN
AUTOUR DE L'ORTHOGRAPHE BRETONNE
peut Des dire, récentes contrairement controverses à sur l'usage, l'orthographe qu'elles ont bretonne empêché on
beaucoup d'encre de couler. Le désarroi consécutif à la
réforme de 1941 a découragé beaucoup d'auteurs et d'édi
teurs, paralysé l'édition et aggravé la situation de la langue
bretonne déjà critique pour d'autres raisons. Au moment
où, dans les milieux les plus divers, un courant puissant
se dessine en laveur de l'étude des langues régionales, il
importe de faire le point sur cette question ? et de voir
comment sortir de l'impasse actuelle. Il y va de l'avenir
des études bretonnes, qui ne peuvent se passer de manuels,
ni donc d'une orthographe reçue.
La période troublée d'où nous sortons à peine a beaucoup
embrouillé une question délicate par nature. En lîretagne
autant qu'ailleurs, il est difficile de parler de cette période
sans heurter les uns ou les autres. Aux adultes qui l'ont
vécue et s'y sont « engagés », il n'est pas toujours facile
d'oublier leurs propres options pour juger sereinement ceux
qui en ont préféré d'autres, même loyales et désintéressées.
Les questions d'orthographe ne comptaient guère quand
il y allait de la vie de tant d'hommes. Elles passaient après
beaucoup d'autres questions. L'infortune supplémentaire
pour la langue bretonne, c'est qu'elles aient pu y être ou
y paraître liées. Ce sera un sujet d'étonnement pour nos
arrière -neveux d'apprendre comment les drames de l'occu
pation, de la libération et de l'épuration qui suivit, ont
envenimé une controverse autour de l'orthographe bretonne
née aux environs de 193G et non encore terminée au moment
de l'invasion allemande. AUTOUR DE L'ORTHOGRAPHE BRETONNE 49
Des documents existent de différents côtés sur le dév
eloppement de cette controverse sous l'occupation et depuis.
Laissons à une autre génération le soin de les mettre en
œuvre avec l'impartialité que peut donner le recul. La
tâche urgente de la nôtre n'est pas de ranimer des querelles
à peine assoupies, mais de les faire oublier et de rétablir
l'union. Le présent article voudrait contribuer à cette
œuvre de paix, qui exigera de tous un effort de renoncement
et de rapprochement.
Regrouper toutes les bonnes volontés sur des positions
nouvelles où il n'y ait ni vainqueurs ni vaincus serait une
œuvre plus facile si tout le monde était d'accord sur la
place et le rôle de la langue bretonne en Bretagne. Quand
on va au fond du problème, on se rend compte que les vrais
différends viennent de là, et que les options diverses dans
une controverse orthographique recouvrent des divergences
de doctrine autrement profondes. Le cacher ne sert de rien,
et mieux vaut chercher d'abord où et comment s'opposent
les doctrines en présence.
Mais faire l'esquisse de ces divergences ■doctrinales revien
drait en somme à montrer l'opposition entre les Bretons
pour qui le problème de la langue bretonne n'est qu'une
partie, un aspect d'un problème politique plus important,
et les Bretons pour qui le ne peut se situe]- que
sur un plan culturel et pédagogique. Certains en effet ne
font pas mystère qu'une option politique et la fidélité à
une discipline de parti l'ont emporté chez eux sur les préoc
cupations culturelles ou pédagogiques lorsqu'ils se sont
trouvés dans l'embarras du choix devant des innovations
orthographiques. Cette primauté du politique sur le culturel
leur semblait aller de soi, et ce serait perdre son temps et
retarder l'union souhaitable que d'entamer une nouvelle
controverse à ce sujet.
Mieux vaut remettre en lumière ce que presque tout le
monde a oublié ou perdu de vue, c'est que cette controverse
n'est qu'un aspect particulier de celle qui, depuis la fin
du xviire siècle, a divisé l'élite française sur la place des
langues locales dans l'enseignement, en France d'abord, et
plus récemment l'LTnion Française. La seule caracté- AUTOUR DE l/ORTHOGKAxJlI'2 BRETONNE 50
ristique originale du problème breton, ce sont les réper
cussions imprévues de considérations extralinguistiques sur
des questions d'orthographe.
Il faut remonter à l'époque révolutionnaire pour com
prendre comment des problèmes qui semblaient se situer
sur un plan exclusivement pédagogique ou culturel ont pu
être transposés sur un plan politique, et par là être faussés
pour des générations. C'est de la Révolution que la France
actuelle a hérité sa politique scolaire, dont le premier
objectif fut de faire disparaître les patois et les langues
régionales (on disait «: les idiomes ») de toute la surface
du territoire national (1). Le mouvement actuel en faveur
des langues régionales marque donc un net changement de
l'opinion publique en ce domaine.
Dès cette époque, des esprits éclairés ont soutenu que
l'instruction élémentaire devrait être donnée à l'enfant dans
sa langue maternelle, le français ne devant être introduit
que graduellement en cours de scolarité, pour devenir, avant
la tin, le principal véhicule de l'instruction. Mais cette
méthode, exigeant la confection de manuels scolaires en
« idiomes », risquait de favoriser, en même temps que la
diffusion du français, le maintien et le développement de
langues et littératures régionales, que l'on considérait alors,
pour des raisons idéologiques, comme incompatibles avec
l'unité nationale.
En effet, par suite surtout des guerres de la Révolution,
le dédain de l'Ancien Régime pour les idiomes évolua
rapidement vers une hostilité que nous avons peine à
concevoir. Sous la Convention, les représentants en mission,
ne sachant habituellement que le français, supportaient
mal de ne pas comprendre certaines populations périphé
riques et de n'être pas compris d'elles, tandis que celles-ci,
par le truchement du flamand, de l'alsacien, du corse, du
(1) A cette politique, Ferdinand Brunot a consacré un volume de
616 p., « Le français langue nationale », première partie du tome ix
de sa monumentale Histoire de la langue française. AUÏOUK DE L'OKTHOGKAPHE BRETONNE 51
catalan et du basque, étaient perméables à la propagande
ennemie organisée par delà la frontière voisine.
Aussi les idiomes prirent-ils ligure d'obstacles à la
pénétration des idées révolutionnaires en même temps que
d'atouts entre les mains des adversaires de la nation ou
du régime. Le 27 janvier 1794, Barère faisait à la tribune
une déclaration qui donne le ton des harangues habituelles
sur la question : « Le fédéralisme et la superstition parlent
bas-breton; l' émigration et la haine de la République
parlent allemand ; la contre-révolution parle italien et le
fanatisme parle basque. Brisons ces instruments de dommage
et d'erreur. Il vaut mieux instruire [/. c. substituer le fran
çais aux idiomes] que faire traduire [la législation révo
lutionnaire en idiome] , comme si c'était à nous à maintenir
ces jargons barbares et ces idiomes grossiers qui ne peuvent
plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires...
Le français deviendra la langue universelle, étant la langue
des peuples [« Cette belle est digne d'enterrer toutes
les autres », lit-on sous une autre plume]. En attendant...
il doit devenir la langue de tous les Français. îsous
devons aux citoyens l'instrument de la pensée publique,
l'agent le plus sûr de la Révolution, le même langage (1) ».
On voit par ce texte, choisi entre mille — et il n'en
manqua pas de plus violents — sous l'influence de quelles
circonstances exceptionnelles fut élaborée la politique
linguistique de la

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