Aux origines du marxisme arménien : Les spécifistes - article ; n°1 ; vol.19, pg 67-117
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1978 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 67-117
Anaïde Ter Minassian, Specifists at the dawn of Armenian marxism.
The creation in Baku of the Armenian Workers' Social-Democrat Organization, members of which were called specifists, originates in the crisis of the Armenian society in Transcaucasia in the fall of 1903 and the divisions that appeared within the RSDWP at the Congress of London. The Specifists were marxists who agreed to the program of the RSDWP but refused its organization system, claiming for themselves alone the right to organize and to direct Armenian workers. Their theoretical position, very near to that of the Bund and of the Austro-marxism, expresses a great sensitivity as regards the national problem — particularly complex in the Armenian context — and the relation of this problem to the workers' movement. Even at its peak, during the 1905 Revolution, Specifism remains a minority movement which practically disappears on the eve of the First World War. However, whilst Specifists do not succeed in gaining among Armenian workers, they nevertheless achieve, thanks to their press and literature, a remarkable work of translation and diffusion of the Marxist thought within Armenian society. After the 1917 Revolution, the Specifists rallied to the Soviet regime and constituted during the twenties the first cadres of Soviet Armenia.
Anaïde Ter Minassian, Aux origines du marxisme arménien : les spécifistes.
En automne 1903, la crise que traverse la société arménienne en Transcaucasie, autant que les divisions apparues au sein du POSDR au Congrès de Londres, sont à l'origine de la création, à Bakou, de l'Organisation ouvrière arménienne social-démocrate dont les membres furent qualifiés de « spécifistes ». Marxistes, acceptant le programme du POSDR, les spécifistes refusèrent le système d'organisation de celui-ci, réclamant pour eux seuls le droit d'organiser et de diriger les ouvriers arméniens. Leurs positions théoriques, très proches de celles du Bund et de l'austro- marxisme, attestent une grande sensibilité à la question nationale — particulièrement complexe chez les Arméniens — et à ses rapports avec le mouvement ouvrier. Même à son apogée, durant la révolution de 1905, le spécifisme reste un mouvement minoritaire, qui disparaît presque complètement à la veille de la Première Guerre mondiale. Mais si les spécifistes échouent à capter les ouvriers arméniens, ils accomplissent à travers leur presse et leur littérature, un remarquable travail de traduction et de diffusion de la pensée marxiste dans la société arménienne. Après la révolution de 1917, ralliés au régime soviétique, les spécifistes ont constitué, durant les années 20, les premiers cadres de l'Arménie soviétique.
51 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Anaïde TerMinassian
Aux origines du marxisme arménien : Les spécifistes
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 19 N°1-2. Janvier-Juin 1978. pp. 67-117.
Citer ce document / Cite this document :
TerMinassian Anaïde. Aux origines du marxisme arménien : Les spécifistes. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 19
N°1-2. Janvier-Juin 1978. pp. 67-117.
doi : 10.3406/cmr.1978.1308
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1978_num_19_1_1308Abstract
Anaïde Ter Minassian, Specifists at the dawn of Armenian marxism.
The creation in Baku of the Armenian Workers' Social-Democrat Organization, members of which were
called "specifists", originates in the crisis of the Armenian society in Transcaucasia in the fall of 1903
and the divisions that appeared within the RSDWP at the Congress of London. The Specifists were
marxists who agreed to the program of the but refused its organization system, claiming for
themselves alone the right to organize and to direct Armenian workers. Their theoretical position, very
near to that of the Bund and of the Austro-marxism, expresses a great sensitivity as regards the national
problem — particularly complex in the Armenian context — and the relation of this problem to the
workers' movement. Even at its peak, during the 1905 Revolution, Specifism remains a minority
movement which practically disappears on the eve of the First World War. However, whilst Specifists do
not succeed in gaining among Armenian workers, they nevertheless achieve, thanks to their press and
literature, a remarkable work of translation and diffusion of the Marxist thought within Armenian society.
After the 1917 Revolution, the Specifists rallied to the Soviet regime and constituted during the twenties
the first cadres of Soviet Armenia.
Résumé
Anaïde Ter Minassian, Aux origines du marxisme arménien : les spécifistes.
En automne 1903, la crise que traverse la société arménienne en Transcaucasie, autant que les
divisions apparues au sein du POSDR au Congrès de Londres, sont à l'origine de la création, à Bakou,
de l'Organisation ouvrière arménienne social-démocrate dont les membres furent qualifiés de «
spécifistes ». Marxistes, acceptant le programme du POSDR, les spécifistes refusèrent le système
d'organisation de celui-ci, réclamant pour eux seuls le droit d'organiser et de diriger les ouvriers
arméniens. Leurs positions théoriques, très proches de celles du Bund et de l'austro- marxisme,
attestent une grande sensibilité à la question nationale — particulièrement complexe chez les
Arméniens — et à ses rapports avec le mouvement ouvrier. Même à son apogée, durant la révolution
de 1905, le spécifisme reste un mouvement minoritaire, qui disparaît presque complètement à la veille
de la Première Guerre mondiale. Mais si les spécifistes échouent à capter les ouvriers arméniens, ils
accomplissent à travers leur presse et leur littérature, un remarquable travail de traduction et de
diffusion de la pensée marxiste dans la société arménienne. Après la révolution de 1917, ralliés au
régime soviétique, les spécifistes ont constitué, durant les années 20, les premiers cadres de l'Arménie
soviétique.ANAIDE TER MINASSIAN
AUX ORIGINES DU MARXISME ARMÉNIEN
LES SPÉCIFISTES
« Spécifisme », « spécifistes » sont des termes péjoratifs forgés1 contre
ces premiers marxistes arméniens qui fondèrent, en novembre 1903,
l'Organisation ouvrière arménienne sociale-démocrate2.
Le « spécifisme » désigne cette hérésie nationaliste qui sape l'interna
tionalisme ouvrier et brise le mouvement révolutionnaire caucasien, en
posant pour principe que la spécificité du fait national arménien exige que
les ouvriers arméniens possèdent une organisation de classe autonome
au sein du POSDR. Repris par les hintchaks et les daschnaks3 —
accusés eux-mêmes de nationalisme par l'ensemble des sociaux-démocrates
arméniens — le terme de « spécifisme » devint, au contraire, sous leur
plume, synonyme d'une variante arménienne de socialisme doctrinaire.
Alors que, même dans la période du flux révolutionnaire au Caucase
(1904-1907), l'OOASD ne dépassa jamais les dimensions d'un grou
puscule, elle a toujours été violemment prise à partie par les bolcheviks
et les mencheviks caucasiens. Ainsi dans une de ses toutes premières
œuvres « Comment la social-démocratie comprend-elle la question natio
nale ? », publiée en géorgien dans le Prolétariatis Brdzola le Ier septembre
1904, le jeune Joseph Djougachvili s'exerce, avec lourdeur, à l'art de la
polémique4. Le futur théoricien du « Marxisme et [de] la question natio
nale »5 tourne la pointe de sa critique contre les fédéralistes du Sakart-
vélo* et contre les membres de l'OOASD.
Hanté par le spectre du Bund, Staline accuse, avec une tranquille
mauvaise foi, l'OOASD de conclure « que les différences nationales
et autres qui caractérisent le prolétariat arménien sont aussi celles qui
caractérisent la bourgeoisie arménienne, que le prolétaire et le bourgeois
arméniens ont des coutumes et un caractère identiques, qu'ils constituent
un seul peuple, une nation unique ». De là, il n'y aurait pas loin « au terrain
unique d'action conjointe sur lequel doivent se placer bourgeois et pro
létaire, en se tenant amicalement la main comme membres d'une seule
et même nation »7.
Stépan Chahoumian, en cette période de construction du noyau bol
chevik arménien (1904-1907), par ses articles, par son action, ne cesse de
lutter contre les « spécifistes » qu'il accuse de briser le mouvement unitaire
caucasien et de camoufler leur nationalisme derrière le langage marxiste.
Les mencheviks ne se montrent pas moins intraitables à leur sujet. Archak
Cahiers du Monde russe et soviétique, XIX (1-2), janv.-juin IÇ78, pp. 67-117. 68 ANAÏDE TER MINASSIAN
Zurabov8, chef de file du modeste menchevisme arménien, est aussi
intransigeant que Chahoumian. Quant à Noé Jordania9, le leader du
menchevisme géorgien, il s'élève au Ve Congrès du POSDR (1907)
contre le projet d'union des spécifiâtes avec le parti. Enfin Lénine, qui
dans une lettre au comité central, datée du 7 septembre 1905, déclarait
avec aigreur à leur sujet : « c'est une créature bundiste, rien de plus,
spécialement imaginée pour sustenter le bundisme caucasien »10, au
moment même où il charge Staline de la critique de l'austro-marxisme,
encourage en 1913 Chahoumian à rédiger un texte sur la question natio
nale11. Il paraîtra sous la forme d'une réfutation12 des théories autono
mistes culturelles du spéci fiste David Ananoun13.
La Première Guerre mondiale, les révolutions de 1917, les péripéties
politico-militaires transcaucasiennes entre 1918 et 1920 mettent fin aux
querelles théoriques. L'OOASD disparaît, mais non les hommes qui l'ont
constituée.
En 1925, la mort accidentelle d'Alexandre Miasnikian14, en suscitant
une littérature panégyrique, révèle dans les cadres politiques, administ
ratifs et culturels de l'Arménie soviétique, l'existence d'anciens spéci fistes
qui font, à cette occasion, l'éloge de ce brillant bolchevik, fondateur de la
Biélorussie, mais qui fut d'abord l'un des leurs, sous le nom de Al. Mar-
douni, et tentent d'établir une filiation entre les spécifistes d'hier et les
communistes d'aujourd'hui. La réaction ne se fera pas attendre. Au
moment de la défaite des trotskistes, une des formes que prend la répres
sion antitrotskiste en Géorgie — où les Arméniens sont encore nombreux
à cette date — et en Arménie, est une campagne contre le spéci fisme16.
Dans un violent, mais brillant pamphlet, intitulé Spécifistes et spéci-
fisme1*, Sétrak Kassian17, membre du Praesidium du comité central du
parti communiste d'Arménie, accuse les spéci fistes d'avoir envahi le
comité central, de « tenter de remplacer l'histoire du bolchevisme dans
la vie arménienne par l'histoire du spéci fisme », et invite les anciens spé
cifistes à comprendre « qu'il est temps de se liquider »18. En soulignant
que le danger du spéci fisme — c'est-à-dire à la fin des années 20 celui
d'un communisme national — n'est pas mort, il avoue que ce « terrain

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