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Publié par | Thesee |
Nombre de lectures | 60 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 2 Mo |
Extrait
Nancy-Université
Université Nancy 2
Ecole Doctorale « Langages, Temps, Sociétés »
Laboratoire d‘Histoire et de Philosophie des Sciences-Archives Poincaré (CNRS)
Mai 2010
Thèse de doctorat de Philosophie
Christine RICHARD
Bertrand Russell et la métaphysique analytique
Sous la direction du Professeur Roger POUIVET
Jury :
François CLEMENTZ, Professeur à l‘Université de Provence
Gerhard HEINZMANN, Professeur à l‘Université Nancy 2
Stephen MUMFORD, Professeur à l‘Université de Nottingham (Royaume-Uni)
Roger POUIVET, Professeur à l‘Université Nancy 2
François SCHMITZ, Professeur à l‘Université de Nantes (Rapporteur)
Pierre WAGNER, Maître de Conférences habilité à l‘Université de Paris 1 Panthéon-
Sorbonne (Rapporteur)
Remerciements
J‘exprime mes profonds remerciements à mon directeur de thèse, le Professeur Roger Pouivet,
pour son soutien et ses encouragements à terminer ce travail. Je souhaite également remercier
le Professeur Nicholas Griffin et toute l‘équipe du Bertrand Russell Research Centre à
McMaster University (Hamilton, Canada) pour leur accueil chaleureux et pour m‘avoir
permis d‘accéder aux Archives Russell et de réaliser ainsi le rêve de tout russellien.
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INTRODUCTION
1Depuis Leçons sur la première philosophie de Russell (1968), le grand livre que Jules
Vuillemin a consacré aux Principes de la mathématique, les études russelliennes en France
ont procédé en deux étapes : dans les années 1980-1990 les chercheurs se sont concentrés sur
la logique et la philosophie mathématique de Russell. On peut par exemple citer Russell et le
2cercle des paradoxes par Philippe de Rouilhan et La philosophie mathématique de Russell
3par Denis Vernant . A la fin des années 1990, les études russelliennes se sont élargies à la
philosophie de l‘atomisme logique et aux relations entre la philosophie du premier
4Wittgenstein et la philosophie de Russell. On pense au petit livre de Ali Benmakhlouf pour
une présentation de l‘atomisme logique et pour une réflexion sur Wittgenstein et Russell à
5 6Logique et langage de Sébastien Gandon ainsi qu‘à Formes et faits par Jérôme Sackur. Les
chercheurs français ont donc particulièrement bien exploré la période la plus intense de la vie
intellectuelle de Russell à savoir les années 1900-1918. La publication de Theory of
7Knowledge (1913) en 1984 a encouragé l‘étude des relations entre la philosophie de
Wittgenstein et celle de Russell.
1Jules Vuillemin, Leçons sur la première philosophie de Russell, Paris, Armand Colin, 1968.
2 Philippe de Rouilhan, Russell et le cercle des paradoxes, Paris, PUF, 1996.
3
Denis Vernant, La philosophie mathématique de Russell, Paris, Vrin, 1993.
4 Ali Benmakhlouf, Bertrand Russell, l’atomisme logique, Paris, PUF, 1998.
5
Sébastien Gandon, Logique et langage. Etudes sur le premier Wittgenstein, Paris, Vrin, 2002.
6 Jérôme Sackur, Formes et faits. Analyse et théorie de la connaissance dans l’atomisme logique, Paris, Vrin,
2005.
7 Pour une perception dramatique de l‘effet des critiques apportées par Wittgenstein à Theory of Knowledge, cf.
Lettre de Russell à Ottoline Morrell du 19 juin 1913, in Nicholas Griffin (éd.), The Selected Letters of Bertrand
Russell. Volume 1 The Private Years, 1884-1914, Allen Lane The Penguin Press, Londres, 1992.
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Mais cet intérêt bien ciblé ne doit pas éclipser les derniers grands textes de Russell :
Inquiry into Meaning and Truth ainsi que Human Knowledge, bien que considérés par un
certain nombre de ses contemporains comme d‘un empirisme anachronique parce qu‘ils
8auraient manqué le tournant linguistique. Russell y défend une méthode fondée sur la science
et non pas sur l‘analyse du langage. Il croit à la valeur des problèmes philosophiques
traditionnels. Il ne les considère pas comme a pu le faire la philosophie du langage ordinaire
d‘Austin et de ses disciples comme des problèmes nés d‘un usage incorrect du langage
9 10ordinaire. Un ami intime de Russell, Rupert Crawshay-Williams rapporte la manière dont
Russell explique la mécompréhension de Human Knowledge par la nouvelle génération de
philosophes d‘Oxford :
Après le dîner Bertie commença ici à discuter du problème (qui l‘a toujours
intrigué) de savoir pourquoi son œuvre philosophique récente a été si complètement
ignorée par les philosophes contemporains. Nous l‘expliquions comme étant en partie
dû au fait que les philosophes ont aujourd'hui abandonné le programme « logique » en
philosophie ; c‘est-à-dire, qu'ils commencent à admettre que leurs théories ne peuvent
être logiquement prouvées — et de là ils abandonnent complètement les théories […]
Soudain Bertie éclata et dit que c‘était pure paresse : « Ces philosophes
sont simplement trop paresseux pour faire face aux problèmes importants ; ils ne
connaissent rien ; ils ne connaissent ni le Grec ni la science ; ils éludent toutes les
difficultés… », et ainsi de suite.
Puis, quelques minutes plus tard, juste à la fin de la soirée, il dit :
8 Ray Monk, Bertrand Russell 1921-70. The Ghost of Madness, London, Jonathan Cape, 2000, pp. 29.
9 Rupert Crawshay-Williams, Russell Remembered, Londres, Oxford University Press, p. 98.
10 Son ami Rupert Crawshay-Williams rend compte du désarroi et de la déception de Russell suite à la réception
mitigée de Human Knowledge et tente de comprendre pourquoi les derniers textes de Russell n‘ont pas été reçus
tels qu‘ils le méritaient dans Russell Remembered (Londres, Oxford University Press, 1970), pp. 40-50 et pp. 75-
100. Pour un certain nombre de pièces apportées à la dispute par Russell : la recension du livre de J. O. Urmson,
Philosophical Analysis : Its Development Between the Two World War, « Philosophical Analysis », in The
Hibbert Journal, 54, juillet 1956, pp. 320-329 et C. P. 11, pp. 614- 625, la discussion de « Metaphysics in
Logic » de G. F. Warnorck, « Logic and Ontology », in The Journal of Philosophy, 54, avril 1957, pp. 225-230
et C. P. 11, pp. 625-630, la recension de « On Referring » de Strawson, «Mr Strawson on Referring », in Mind,
66, juillet 1957 et C. P. 11, pp. 630-635, « What is Mind? », in The Journal of Philosophy, 55, janvier 1958 et C.
P. 11, pp. 635-642 (ces textes ont été partiellement republié par Russell dans My Philosophical Development, pp.
214-254, trad. fr., pp. 289-318) et l‘introduction à Ernest Gellner, Words and Things, Londres, Victor Gollancz
et Boston , Beacon Press, 1959, pp.13-15 et C. P. 11, pp. 642-644.
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« Je suppose que je suis peut-être injuste. Il est très difficile de se
résoudre à l‘idée que son principal ouvrage — et ses conclusions finales — puissent
11être démodés. »
Mais de son côté Russell n‘a pas compris le projet de cette nouvelle génération de
philosophes. Il rend compte violemment et de manière caricaturale de la philosophie du
langage ordinaire, qui ne peut selon lui être de la philosophie :
Je ne souhaite pas présenter sous un faux jour cette école, mais je suppose
que ceux qui soutiennent une doctrine pensent que ses opposants la déforment. La
doctrine, telle que je la comprends, consiste à soutenir que le langage de la vie
quotidienne, avec les mots utilisés dans leurs significations ordinaires, suffisent à la
philosophie, qui n‘a pas besoin de mots techniques ou de changements dans la
signification des termes communs. Je me trouve totalement incapable d‘accepter cette
opinion. Je m‘élève contre :
Parce qu‘elle n‘est pas sincère ;
Parce qu‘elle est capable d‘excuser l‘ignorance en mathématique, en
physique, en neurologie chez ceux qui n‘ont reçu qu‘une éducation classique ;
Parce qu‘elle est promue par certains sur un ton d‘onctueuse rectitude,
comme si s‘y opposer était un péché contre la démocratie ;
Parce qu‘elle rend la philosophie triviale ;
Parce qu‘elle rend presque inévitable la perpétuation chez les philosophes de
12 13l‘esprit de confusion qu‘ils ont repris du sens commun.
Notre projet n‘est pas de réhabiliter les derniers textes