Chateaubriand et la Bretagne - article ; n°3 ; vol.75, pg 635-648
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Annales de Bretagne - Année 1968 - Volume 75 - Numéro 3 - Pages 635-648
14 pages

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Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 18
Langue Français

Extrait

Y. Bâtard
Chateaubriand et la Bretagne
In: Annales de Bretagne. Tome 75, numéro 3, 1968. Colloque Chateaubriand. pp. 635-648.
Citer ce document / Cite this document :
Bâtard Y. Chateaubriand et la Bretagne. In: Annales de Bretagne. Tome 75, numéro 3, 1968. Colloque Chateaubriand. pp. 635-
648.
doi : 10.3406/abpo.1968.2492
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1968_num_75_3_2492CHATEAUBRIAND ET LA BRETAGNE
Communication de Mlle Bâtard (1)
(Rennes. — Littérature comparée)
« On ne peint bien que son propre
cœur, et la meilleure part du génie
se compose de souvenirs. »
I
LA RACE
Anatole Le Braz, un des Bretons qui ont le mieux connu,
compris et senti leur province, un des historiens de Chateau
briand, a écrit que « Chateaubriand est la Bretagne faite
homme ». Et Eugène Melchior de Vogué : « Chateaubriand fut
avant tout un gentilhomme breton. Il s'est fait pendant huit siè
cles, goutte à goutte, avec le sang batailleur et la fidélité gron
deuse, la foi naïve et les âpres passions d'une lignée de
seigneurs bretons. »
II est délicat et incertain de démêler, dans l'hérédité d'un
écrivain, l'action des influences ancestrales sur ses idées et son
caractère, et la part de ce que l'on a appelé « l'âme de la
race » dans la formation de son génie. Cependant, comme
Chateaubriand est purement breton, qu'il a grandi dans le
terroir de ses aïeux, dans une famille qui avait le culte du
nom et de la race, le moins qu'on puisse dire est que chez
lui le cours de l'hérédité n'a pas été détourné par des obstacles.
On ne peut nier non plus qu'il y a, entre les individus vivant
dans le même terroir et ayant une origine commune, une
sorte d'armature morale, ni que cette armature ne soit singu
lièrement forte dans Yhumanitè bretonne : comme le sol qui la
porte, elle a vieilli sans perdre son empreinte et, comme lui
(1) En grande partie, cette contribution vient d'une conférence faite
h Turin et à Gênes, il y a quelques années ; je l'avais préparée par
des conversations avec M. le Doyen Collas et avec des notes diverses
communiquées par lui ; je me vois dans l'impossibilité de discerner
ce qui est emprunt, voire citation, de M. Collas, car je lui avais
aussitôt remis tous les papiers.
Puissent ces quelques pages contribuer du moins, en redisant ce
qu'il m'a appris, à prolonger l'action de ce maître en Chateaubriand.
Y. B. COLLOQUE CHATEAUBRIAND 636
encore, elle s'appuie pour la garder sur un incommensurable
passé. Et nous allons voir que nous la trouvons singulièrement
puissante dans le cœur orageux de François-René.
Le malheur, c'est que lorsqu'il s'agit d'analyser ce qu'était
cette armature bretonne historiens et moralistes arrivent à
des conclusions d'une diversité étonnante. Michelet voit en
la vieille Bretagne « l'élément résistant de la France, terre de
caillou et race de granit, qui met aux prises deux adversaires-
également atroces, la terre et la mer, l'homme et la nature, et
fait l'humanité morne, froide, impitoyable à l'homme qui ne
pardonne pas non plus à son semblable que la nature ne lui pas plus à son que la ne lui
virilité héroïque et farouche, d'opiniâtre résistance à l'adver
sité comme à la menace des hommes, où les têtes et les poi
trines savent se montrer insensibles aux coups de la fortune
et plus dures que le fer de l'étranger ».
D'un autre côté, voilà Renan pour qui la Bretagne est le
pays de la tristesse et de la douceur rêveuse : « On y connaît
à peine le soleil, les fleurs sont les mousses marines, les algues
et les coquillages coloriés qu'on trouve au fond des baies
solitaires. Les nuages y paraissent sans couleur et la joie même
y est un peu triste. »
Et si nous interrogeons A. Le Braz, nous voyons paraître
encore une autre Bretagne poétique, certes, imprégnée dans
ses légendes et jusque dans ses fêtes d'une grave mélancolie et
hantée de l'image de la mr rt, mais gaie aussi à ses heures, une
Bretagne qui pleure et qui prie sans doute, qui sait se battre
encore et mourir pour un idéal, mais une Bretagne aussi qui
chante et qui danse, comme celle qu'a peinte Lemordant au
plafond du théâtre de Rennes, dans le tournoiement multi
colore de ses « chupens » et de ses tabliers brodés et dans-
l'envol de ses coiffes blanches.
Mais ces visions presque contradictoires ne sont pas l'effet
des tempéraments de ceux qui les ont décrites. Elles sont aussi
dans l'objet de leur description. Il en est de la péninsule
entière comme de son océan, comme de son ciel, ni mobiles,,
si animés, si dramatiquement changeants. La Bretagne répugne
tellement à se laisser enfermer dans une formule qu'on serait
plutôt tenté de saluer en elle la patrie de la diversité.
La Haute-Bretagne n'a pas le même aspect que la Basse ;
la Bretagne des côtes, l'Armor, ne ressemble pas à celle de
l'intérieur, l'Argoat, et dans chacune de ces parties que de
variété encore... que de contrastes qui, à chaque pas, su
rprennent le voyageur. « Rien de plus rigide, de plus ingrat
que le dur manteau de pierre de l'Arêz. Et pourtant que de
petites arcadies virgiliennes secrètement nichées dans les. COLLOQUE CHATEAUBRIAND 637
cassures de ses plis ! Presque au dévaler du lugubre Menez-
Mikel, vous tombez dans .le chaos... du Huelgoat, un chaos
harmonieux, riant, saturé de senteurs sylvestres, sonore du
concert des cascades, au milieu des amoncellements de blocs
énormes. » (Le Braz.)
« Le monotone plateau léonnais déroule sa nudité austère,
dominée par de hautes flèches d'églises au profil impérieux,
et ses rivages massifs, taillés à grands coups droits, de tout
temps inhospitaliers aux navigateurs. Loti l'appelle une lande
aride, un désert. Mais cette lande aride qui contient sur une
portion notable de son étendue une oasis maraîchère, le potager
classique de la Bretagne et de l'Angleterre, et qui nourrit de
magnifiques chevaux, cette lande aride abrite dans son sein
la verte et odorante vallée où glisse l'Elorn, le fleuve de poésie
et de légendes, qui se glorifie d'avoir miré le plus beau roman
d'amour et roule encore, mêlée à ses ondes, la divine amertume
des larmes de Tristan. » (Le Braz.)
Plus bas, c'est le « maigre Morbihan, avec sa brousse rude
et triste, endeuillée du noir des pins, avec ses eaux surnoises
et le tragique relent d'hécatombes de Vannes, de Quiberon,
d'Auray. Mais tous les jours la mer y accomplit son miracle,
quand elle se rue, crinière dressée, vers les lagunes de l'inté
rieur, y entraînant des flottilles de barques bondissantes et
remplissant les berges de l'animation d'un retour de pêche. »
(Le Braz.)
Je pourrais continuer les contrastes. Ils sont, en Bretagne,
inépuisables ; mais ils ne sont pas seulement dans les choses,
ils sont aussi dans les homme. L'homme de l'intérieur ne
ressemble pas à celui de Batz ou d'Ouessant, le Bigouden de
Pont-1'Abbé au Sinagot du golfe du Morbihan, ou la Pourlette
de Guémené au Gallo de Quintin. Autant de types et peut-être
de races car les travaux des ethnologues ont quelque peu élargi
l'horizon historique de la péninsule, longtemps circonscrit aux
Celtes qui passaient pour les premiers occupants du sol. La
population bretonne armoricaine est un conglomérat d'ori
gines probablement très dissemblables, ethniquement très myst
érieuses. Mais, à ce conglomérat, des siècles de mélange à
l'abri de toute intrusion, et des siècles de vie sous le même
ciel, sur les mêmes pierres, parmi les mêmes bois ou devant
le même océan furieux, ont fait une âme commune. Cette âme,
en son originalité aussi profonde que celle du pays qui l'a>
façonnée « dans son sol heurté, ses bois secrets, ses entasse
ments de rocs, l'infini de ses landes et la pâle lumière qui met
à son front à de fréquentes heures comme un bandeau de
gaze lointaine », cette âme est faite de contrastes et de contra
dictions. 638 COLLOQUE CHATEAUBRIAND
Faudra-t-il nous étonner de retrouver ces contrastes dans le
grand raalouin sorti d&

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